Devenir manager, le défi !

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Publié le 09/12/2019
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Il existe différents types de manager en pharmacie. Des types directement liés au caractère, à l’histoire personnelle et professionnelle, à la génération d’appartenance… S’il n’est pas question de transformer du tout au tout le management mis en place par un titulaire, des outils se développent pour l’aider à adapter son management aux situations qu’il est amené à rencontrer en tant que chef d’entreprise.
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Crédit photo : phanie

La casquette chef d’entreprise du pharmacien d’officine n’est pas celle qu’il maîtrise d’emblée. Et pour cause. Sa formation initiale est très largement axée sur la casquette professionnel de santé. Pendant des années, les pharmaciens se sont débrouillés en apprenant « sur le tas ». Mais la débrouille ne semble plus suffisante de nos jours. C’est pourquoi les formations continues en management de l’officine se développent et que groupements et enseignes multiplient les initiatives dans ce domaine pour répondre à un besoin qui n’est pourtant pas toujours exprimé par leurs adhérents.

C’est le cas du groupement Objectif Pharma (Welcoop) qui a créé la formation « Master Richesse Humaine » en 2004. « Initialement ouvert pour les affiliés de notre enseigne Wellpharma (115 affiliés – NDLR), nous l’avons ensuite proposé à tout notre réseau (510 adhérents – NDLR), y compris l’enseigne Anton & Willem (40 affiliés - NDLR) », explique Cynthia Gérard, directrice réseau, développement et formation d’Objectif Pharma. Résultat : environ 50 % des pharmaciens du réseau ont suivi la formation « Cette formation au Master RH dure deux jours et vise les fondamentaux du management. Or ce n’est pas en deux jours qu’on devient un bon manager, c’est pourquoi nous accompagnons les adhérents et mettons en place un suivi régulier de la montée en compétences », ajoute Cynthia Gérard.

En vase clos

L’un des premiers objectifs du Master RH est de présenter les différents types de manager qui existent et d’amener les pharmaciens d’abord à reconnaître leur profil pour ensuite apprendre à l’adapter à son équipe. « Nous travaillons sur un grand nombre de cas pratiques pour être au plus proche de leur quotidien et des situations qu’ils rencontrent. Nous traitons également la conduite d’une réunion, d’un entretien (de recrutement, de recadrage ou l’entretien annuel).Le changement n’a pas lieu du jour au lendemain, cela prend des mois mais nous constatons une évolution chez les pharmaciens que nous accompagnons dans le management, même si certains doivent se faire violence pour y parvenir », souligne Cynthia Gérard.

Les différents types de managers rencontrés à l’officine sont, selon Objectif Pharma, au nombre de quatre. Les paternalistes sont largement majoritaires « parce qu’une grande part des pharmaciens ont plus de 50 ans ». Ce type est favorisé par le travail en vase clos avec l’équipe, créant de facto une proximité. Son défaut : l’absence de gestion des conflits. Les créatifs ont toujours de nouvelles idées de développement mais les équipes ont souvent du mal à les suivre. Les autoritaires font passer leurs idées par la force et ont du mal à accorder une oreille attentive à leurs équipes. Enfin, les plus jeunes suivent souvent un modèle de management participatif, tenant compte des avis de chacun, mais ne parviennent pas toujours à prendre une décision. « La nature humaine ne change pas, notre but n’est donc pas de changer le profil de management des titulaires, mais de leur permettre de développer les avantages de leur profil et d’en connaître les faiblesses, et aussi de savoir s’adapter à leur entreprise et à leur équipe », précise Cynthia Gérard.

Approche opérationnelle

Directrice associée d’Atoopharm, Marie-Hélène Gauthey a mis sur pied une formation en ligne intitulée « Manager l’équipe officinale » il y a une dizaine d’années, qui a évolué au fil du temps. « Je suis partie du constat que le titulaire n’est pas formé au management dans son cursus universitaire alors qu’il se retrouve à la tête d’une entreprise officinale qui, en moyenne, compte quatre ou cinq collaborateurs, et que, comme dans toute entreprise, il est confronté à un monde en pleine mutation. Le rapport au travail a changé et on ne manage pas les jeunes générations comme on le faisait auparavant », explique-t-elle.

Marie-Hélène Gauthey a choisi, comme pour l’ensemble des formations proposées par Atoopharm, une approche opérationnelle pour être au plus proche de situations vécues. Comment s’y prendre avec un collaborateur qui n’applique pas une consigne ? Comment animer une réunion efficace ? Comment mener un entretien d’appréciation des compétences ? Comment déléguer ? Comment définir des objectifs ? Comment gérer un conflit ? Au total, ce sont une vingtaine de modules de 30 minutes qui comprennent méthodes, cas pratiques et outils téléchargeables. « En tout, 3 000 pharmaciens, aussi bien des titulaires que des adjoints, ont suivi cette formation. Il y a un engouement, en particulier chez les pharmaciens qui s’installent. » Marie-Hélène Gauthey note elle aussi que le manager paternaliste est encore très répandu en officine pour des raisons générationnelles. « Je n’aime pas trop faire entrer les gens dans des catégories. Je préfère parler d’un management qui doit intégrer exigence et bienveillance, et ce quel que soit le type de manager. Atoopharm donne les outils pour y arriver. »

Effet générationnel

Créatrice en 2010 (et directrice) du MBA Management de la pharmacie à l’École de management de Strasbourg où elle est professeur associée, Marie Henry est aussi docteur en pharmacie et présidente fondatrice du cabinet Capital Pharma Consulting. Spécialiste des sujets liés au management, marketing et digitalisation de l’officine, elle intervient aussi à la demande, notamment des groupements de pharmaciens. À son tour, elle relève la prégnance du titulaire paternaliste mais voit se développer, avec les jeunes générations, un type de management consultatif. « C’est effectivement un effet générationnel qui se modifie par la pyramide des âges et par la force des choses car le profil des équipes change. » Intervenant dans les facultés de pharmacie de Strasbourg et de Lille, elle note que les formations initiales proposent désormais une sensibilisation au management, mais elle est optionnelle et encore insuffisante.

À ses yeux, il n’est plus possible de faire l’économie d’une formation au management car « non, le management ne s’apprend pas sur le tas ». Pour en faciliter l’accès, Marie Henry propose un MBA management de la pharmacie ad hoc, « c’est-à-dire que le programme de formation est souple et adaptable aux besoins et attentes de chacun. C’est ce que nous avons fait par exemple pour le rendre accessible aux Antilles, à la demande du grossiste-répartiteur Sopharma ». Marie Henry rappelle par ailleurs que cette formation n’est pas réservée aux titulaires et futurs titulaires, les adjoints formés aux techniques managériales sont de plus en plus demandés. Ce que confirme Objectif Pharma, qui a fait le choix de créer, en plus du Master RH, un Master adjoint. « C’est un besoin exprimé par les titulaires, note Cynthia Gérard. La formation vise à la fois les adjoints qui souhaitent s’installer et ceux qui sont amenés à devenir le bras droit du titulaire. »

Mélanie Mazière
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Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3564