Le Quotidien du Pharmacien. - Après avoir instauré le tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS* en juillet 2015, le dispositif s’élargit aux personnes exonérées à 100 % ce 1er juillet 2016, avant de concerner tous les Français en 2017. Ce déploiement s’accompagne d’un certain nombre d’engagements pour faciliter la pratique du tiers payant. Quels sont-ils ?
Mathilde Lignot-Leloup. - En premier lieu, les régimes obligatoires – assurance-maladie, RSI, MSA, mais aussi les sections locales mutualistes, les régimes spéciaux – se sont engagés sur une garantie de paiement harmonisée et renforcée sur la base des droits en carte Vitale : au 1er juillet, il n’y aura plus de rejets liés aux droits du patient, par exemple en cas de changement de situation, de déménagement ou de changement de régime. Ainsi, les professionnels de santé, y compris les pharmaciens, seront remboursés sur la base des droits figurant sur la carte Vitale. L’objectif est d’éviter leur pénalisation si les droits du patient ne sont pas à jour.
Les régimes obligatoires se sont également engagés sur les délais de paiement, avec une contrepartie financière en cas de retard des remboursements sur la part obligatoire…
Oui, cela passe déjà par un effort de transparence sur les délais de paiement, qui sont publiés sur le site ameli.fr
chaque trimestre, pour chaque département. Au premier trimestre 2016, les délais de paiement en feuilles de soins électroniques (FSE) pour les pharmaciens sont en moyenne de 2,99 jours ouvrés, et 90 % des FSE ont été payées en moins de 4 jours. Désormais, si le remboursement du professionnel de santé dépasse les 7 jours ouvrés, l’assurance-maladie versera un euro de pénalité par FSE, et si on dépasse les 10 jours ouvrés, la pénalité sera fixée à 10 % du montant de la facture.
Ces pénalités de retard s’appliquent également au pharmacien et feront prochainement l’objet d’un décret. De leur côté, les organismes complémentaires ont indiqué qu’ils s’engageraient contractuellement dans une démarche similaire de maîtrise des délais de paiement.
Au départ, les pénalités n’étaient fixées qu’à un euro pour plus de 7 jours de dépassement, ce qui a soulevé le mécontentement des médecins, estimant cette somme dérisoire. Ces dispositions ont donc évolué ?
En effet, d’une part les pénalités passent à 10 % du montant de la facture à partir du 10e jour de délai de paiement et, d’autre part, les professionnels de santé n’auront pas à réclamer le paiement de ces pénalités : celles-ci seront directement versées par l’assurance-maladie au professionnel de santé chaque semestre. Ces dispositions s’appliquent à partir du 1er juillet 2016, avec un premier versement au 1er semestre 2017.
Quels sont les taux de rejet des FSE ?
Toutes professions de santé confondues, le taux de rejet est de 1,3 % sur les trois premiers mois de 2016. Chez les pharmaciens, le taux de rejet est inférieur, de l’ordre de 1 %. Dans un tiers des cas, le motif de rejet concerne, chez le médecin, un patient hors parcours de soins. Dans les autres cas, ils découlent essentiellement d’erreurs de facturation : double facturation ou double transmission de FSE, mauvaise cotation de la nomenclature, ou, chez les pharmaciens, erreur sur le prix du médicament…
Quels sont les engagements des régimes obligatoires en ce qui concerne la réduction du taux de rejets ?
Déjà, comme nous l’avons évoqué précédemment, nous nous sommes engagés à supprimer tous les rejets liés aux droits du patient qui figurent dans la carte Vitale. Il en sera de même pour les rejets, chez les médecins, liés au parcours de soins en fin d’année.
Par ailleurs, nous mettons en place une solution informatique, baptisée ADRi (pour Acquisition de DRoits Intégrés), qui est intégrée directement dans le logiciel de facturation. En actionnant cet outil, le professionnel de santé peut obtenir, via son logiciel, les droits à jour des patients, notamment en l’absence de la carte Vitale ou en cas de carte Vitale non mise à jour. Mais les éditeurs doivent faire évoluer les logiciels de facturation.
Aujourd’hui, 10 éditeurs ont développé cette fonctionnalité, tous les professionnels de santé sont concernés et les principaux éditeurs pour les médecins, couvrant 57 % des cabinets, ont prévu de déployer ce service dans les prochains mois. Côté pharmacien, seul un éditeur de logiciel a déjà développé la fonctionnalité mais les deux éditeurs des logiciels les plus utilisés en officine ont déclaré pouvoir la mettre en place à partir de septem-bre 2016.
Cet outil change la donne, il confirme que la facture va bien être réglée par l’assurance-maladie et cela se matérialise par un simple voyant qui passe du rouge au vert. Les plus de 500 professionnels de santé qui l’ont expérimenté ont beaucoup apprécié le dispositif sur la rapidité de réponse, la fiabilité des données et la sécurisation du paiement.
Les mutuelles ont prévu un dispositif analogue baptisé IDB, qui devrait être expérimenté au deuxième semestre. Tout ce travail est réalisé avec l’appui du GIE SESAM-Vitale afin de garantir la bonne articulation des services pour le professionnel de santé.
Avez-vous prévu des solutions pour abaisser le taux d’erreurs de transmission de FSE ?
Nous avons demandé aux éditeurs de logiciels d’intégrer un tableau de bord sur lequel le professionnel de santé pourrait visionner si la facture a été transmise ou non, et l’annuler en cas de double transmission. De plus, en cas de problème, les professionnels de santé peuvent désormais faire appel aux Conseillers Informatique Service (CIS) de l’assurance-maladie qui proposent un accompagnement et des conseils personnalisés.
Comment allez-vous améliorer le suivi des paiements ?
Nous allons fournir un retour détaillé par FSE aux médecins à partir de ce mois de juillet 2016 et aux autres professionnels de santé à la fin de l’année. Cette norme de retour d’information (Noémie 580) est déjà en place chez les pharmaciens, qui sont en avance sur le déploiement du tiers payant. Par ailleurs, les médecins pourront s’adresser, via une plateforme multicanal (téléphone, mail qui offre notamment la fonction de rappel téléphonique) à un acteur unique inter-régime (régime général, MSA, RSI, MGEN, etc.).
Ces nouvelles dispositions font l’objet d’un texte dans la loi de santé, mais ne sont pas inscrites dans la convention entre les pharmaciens et l’assurance-maladie. Cela peut-il entraver leur application à la profession ?
La loi de modernisation de notre système de santé et ses textes réglementaires s’appliquent à tous les professionnels de santé, dont les pharmaciens. Par ailleurs, la profession conserve ses règles inscrites dans la convention pharmaceutique, qui ne présente pas d’incohérence avec la loi de santé. De plus, cette convention pourra évoluer, si besoin, lors de sa renégociation l’année prochaine.
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