EN MARS 2015, selon les données de Pôle Emploi, on recensait 5 019 pharmaciens au chômage, tout exercice confondu (pharmaciens d’officine, de la répartition, des hôpitaux et des armées), dont 2 263 sans aucune activité et 2 756 avec une activité réduite. Certes, c’est un peu moins qu’en décembre 2014, qui recensait 5 052 pharmaciens sans emploi, mais cela reste au-dessus de la barre des 5 000 demandeurs d’emploi.
Rappelons que depuis 2009, les chiffres du chômage des pharmaciens sont en constante augmentation : 3 608 pharmaciens sur le carreau fin 2009, 4 183 fin 2010, 4 099 fin 2011, 4 316 fin 2012 puis 4 659 fin 2013, pour enfin passer le cap des 5 000 fin 2014. Ce chiffre représenterait, en rapportant ces données aux statistiques ordinales, un peu plus 7 % des pharmaciens inscrits à l’Ordre. « Ce rapprochement statistique ne permet toutefois pas d’avoir une vision exacte des pharmaciens sans emploi, étant donné que les pharmaciens qui sont sans activité ne sont pas inscrits à la section D de l’Ordre », relativiste Valérie Bourey de Cocker, vice-présidente du conseil central de la section D (adjoints). Au final, le taux de pharmaciens au chômage serait donc plus élevé.
Les syndicats de salariés s’alarment.
Aujourd’hui, les syndicats de salariés (FO, CFE-CGC Chimie) estiment que la situation des adjoints est loin d’être mirobolante. Ils redoutent même que la hausse du chômage les concernant ne s’emballe. Pour vérifier leurs inquiétudes, la branche professionnelle de la pharmacie d’officine a demandé à l’Observatoire des métiers des professions libérales (OMPL) de commander une enquête sur le chômage des adjoints en officine. Cette étude recoupera les données de Pôle Emploi et de la Déclaration annuelle de données sociales (DADS), qui sont fournies par les entreprises et qui indiquent le nombre de personnes ayant travaillé en officine dans l’année, et combien ont connu une période de chômage au cours de cette année. « Déjà, on peut affirmer que le taux de chômage des pharmaciens adjoints était de l’ordre de 8,5 % en 2012 », révèle Rémi Debeauvais, directeur du cabinet Ithaque (cabinet d’analyse de l’emploi), en charge de cette étude. « Malheureusement, ce taux de chômage ne pourra pas être calculé pour les années 2013 et 2014, étant donné que nous ne disposons pas à ce jour de valeurs plus récentes pour le DADS », poursuit Rémi Debeauvais.
Par ailleurs, l’étude de l’OMPL précisera certaines caractéristiques des adjoints au chômage : leur sexe, leur âge, la région dans laquelle ils travaillent, leur type de contrat CDD ou CDI, etc. « En remontant depuis 2008, on pourra également constater (ou non) si un chômage structurel, et non plus conjoncturel, s’est installé chez les adjoints en pharmacie. Et se rendre compte si la durée de leur chômage s’est allongée, ce qui signerait un repli de l’emploi », précise Rémi Debeauvais.
La fin des adjoints de confort.
Pour Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de la branche officine FO, il est temps de s’inquiéter : « le taux de chômage des cadres de la pharmacie est à plus du double de celui des cadres au niveau interprofessionnel, qui se situe vers 4 % », s’alarme-t-il. Quant à Roger Halegouet, représentant de la branche officine à la CFE-CGC Chimie, son analyse repose sur un constat simple : « auparavant, bon nombre d’adjoints étaient au chômage volontaire, notamment des mamans qui souhaitaient s’occuper de leurs enfants quelque temps. Mais avec la crise économique et les économies exigées dans le monde de la santé, la situation s’est modifiée. Désormais, dans notre exercice syndical, nous sommes tous les ans confrontés à des licenciements d’adjoints, alors que cela est moins vrai pour les préparateurs, observe-t-il. En effet, en réaction aux difficultés économiques, les titulaires ont eu tendance à réduire le personnel : en ne remplaçant pas un adjoint qui démissionne ou qui part à la retraite, voire en licenciant un adjoint pour revenir eux-mêmes au comptoir. » Autrement dit, ils se sont séparés d’un poste d’adjoint qui leur permettait d’avoir un certain confort dans leur exercice, et ils sont revenus au comptoir. Même sentiment pour Olivier Clarhaut : « parfois on pousse les salariés vers la sortie, à la faute ou au mieux à la rupture conventionnelle », déplore-t-il. De plus, avec la possibilité qu’offrent les SELAS, la proportion de pharmacies à avoir plusieurs titulaires augmente par rapport aux pharmacies mono-personnelles, ce qui n’arrange rien à la situation : « quand deux titulaires achètent une officine tenue auparavant par un seul pharmacien, forcément, c’est le poste de l’adjoint qui saute », poursuit-il.
Les prémices d’une reprise ?
Toutefois, pour Armand Grémeaux de Pharm-emploi (cabinet de recrutement en officine), ce phénomène touche à sa fin. « On a serré les boulons et maintenant lorsqu’une personne s’en va de la pharmacie on est obligé de la remplacer. » Armand Grémeaux ressent en effet un léger mieux dans le monde de l’emploi des adjoints, tout du moins en Ile-de-France. « Depuis 1 ou 2 ans, je n’avais pas d’offres de postes de pharmacien, ou exceptionnellement et uniquement pour des remplacements, jamais pour des CDI. Depuis peu, je commence à avoir de telles propositions. À la mi-mai 2015, j’ai 14 demandes de pharmaciens adjoints, dont 5 CDI, 2 mi-temps et 7 CDD, se réjouit-il. Quant aux postes de préparateurs, je suis débordé par les offres d’emploi ! »
Ce frémissement reste toutefois à confirmer sur les prochains mois. « On n’est pas revenu aux heures de gloire de l’officine », plaisante Armand Grémeaux. D’autant plus qu’en mai, les offres, notamment de CDD, sont plus nombreuses, car c’est le début de recherches pour les vacances, ce qui peut expliquer en partie l’embellie. Aussi, une meilleure santé en Ile-de-France n’est pas synonyme de bonne santé sur l’ensemble du territoire. Les variations géographiques peuvent être importantes, certaines régions étant plus touchées par le chômage que d’autres, comme les Pays de la Loire.
Par ailleurs, « le chômage concerne surtout les jeunes pharmaciens qui sortent de la faculté. La majeure partie d’entre eux souhaite travailler dans les grandes villes universitaires. En revanche, ils sont peu nombreux à vouloir travailler dans la campagne, alors que l’offre est bien plus forte en zone rurale », commente Philippe Becker, directeur du département Pharmacie de Fiducial, qui évoque la mobilité comme atout.
En outre, les variations existent aussi selon le type d’officine. « Ainsi, les grosses pharmacies de centre commercial et les très bonnes pharmacies de quartier qui regroupent au moins 3 diplômes, tirent mieux leur épingle du jeu que les petites pharmacies. Ce sont d’ailleurs ces grosses pharmacies qui recrutent, alors que les petites structures continuent de tirer la langue », remarque Armand Grémeaux.
Le poids du temps partiel.
L’une des spécificités du marché de l’emploi en officine est la place importante que prend le travail à temps partiel. Ainsi, plus de la moitié des pharmaciens au chômage travaille à temps réduit (2 756 sur 5 019 chômeurs). Certains cumulent des emplois dans plusieurs officines, comme l’a constaté Roger Halegouet, qui redoute que ce phénomène multi-employeur devienne de plus en plus fréquent. Par ailleurs, Valérie Bourey de Cocker soulève le cas des pharmaciens intérimaires, qui, en 2013 représentaient 13,6 % des pharmaciens salariés en officine (soit 3 720 intérimaires). « Ces pharmaciens intérimaires, qui risquent le plus d’être en difficulté en ce qui concerne l’emploi, représentent un nombre non négligeable », évoque la vice-présidente du conseil central D.
Quelles pistes pour demain ?
On ignore comment va évoluer la situation économique en officine, et par conséquent le chômage des adjoints. Si les nouvelles missions pouvaient laisser envisager un espoir inédit pour les adjoints, leur rémunération est bien trop faible pour créer de l’emploi supplémentaire. « Au mieux, leur mise en place permettra à une officine de conserver son nombre d’adjoints », indique Olivier Clarhaut.
Quant à la nouvelle rémunération qui inclut l’honoraire, on ne sait quoi penser. Va-t-elle permettre de relancer l’économie, ou au contraire viendra-t-elle l’affaiblir ? Aujourd’hui, il est trop tôt pour conclure, d’autant plus que les syndicats de pharmaciens d’officine brandissent des études contradictoires sur le sujet. « Mais si, au final, la nouvelle rémunération apportait quelque chose de positif à l’économie de l’officine, cela permettrait d’améliorer la situation de l’emploi des adjoints », assure Roger Halegouet.
Néanmoins, à ce jour, les titulaires restent encore assez frileux pour réembaucher, ne sachant pas de quoi demain sera fait.
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