Le Quotidien du pharmacien. - Dans votre dernière étude sur l’économie des officines en 2014, vous analysez la rentabilité en fonction du volume d’activité. Comme l’an dernier, on voit que l’importance du chiffre d’affaires a une incidence directe sur cette rentabilité. Doit-on en conclure que les petites officines n’ont pas d’autre choix que de se regrouper ?
Philippe Becker. - Il est vrai que les petites officines croissent moins vite, en termes de chiffre d’affaires, que les officines plus grandes. On constate ce phénomène depuis plusieurs années déjà, ce qui veut dire que le fossé se creuse entre ces différentes catégories de pharmacies. On parle d’ailleurs souvent d’un monde officinal à deux vitesses.
En outre, les coûts fixes deviennent un vrai problème pour les petites pharmacies. Les loyers, par exemple, ont beaucoup augmenté ces dernières années. Enfin, les moyens à mettre en œuvre pour faire « tourner » les petites officines sont parfois aussi importants que pour celles ayant une forte activité. Vu de l’extérieur, il est d’ailleurs souvent difficile d’imaginer le chiffre d’affaires d’une officine.
L’alternative du regroupement est donc plus que jamais d’actualité pour survivre.
Christian Nouvel. - Il faut également souligner la « contrainte temps de présence » du titulaire, qui est très importante dans les petites structures, et qui est difficilement tenable sur le long terme.
Il y a longtemps que l’on parle de regroupement d’officines. Or ce choix est loin d’être dominant dans la profession. Pourquoi ?
Philippe Becker.- Au risque de se répéter, le regroupement est complexe à mettre en œuvre, surtout pour des pharmaciens qui n’ont pas de gros moyens financiers. Rappelons que le regroupement implique souvent un transfert dans un emplacement nouveau, mieux situé. D’autre part, il faut une vraie volonté de s’associer, et là aussi, c’est parfois difficile lorsqu’on a été concurrents. On ne peut pas réussir un regroupement lorsqu’on le vit comme une contrainte.
Nous constatons que les pharmaciens qui pourraient se regrouper hésitent à le faire et, souvent, se décident trop tard dans leur carrière, à un moment où il est difficile de se remettre en question, et à un moment aussi où il est plus compliqué de convaincre le banquier de financer l’opération !
Que pensez-vous des pharmaciens primo-accédants qui cherchent des petites officines de proximité à acheter dans le but de les regrouper ?
Philippe Becker. - C’est une nouvelle approche qui commence timidement à se développer, sous l’impulsion de cabinets de transaction qui ont parfois du mal à trouver des acquéreurs pour des petites officines. Mais cette opération est un vrai challenge, qui nécessite une bonne connaissance du Code de la Santé publique et de ses subtilités, notamment parce que les agences régionales de santé sont vigilantes, et c’est normal, quant à la bonne desserte de la population.
Dans tous les cas, ce sont des projets qui relèvent d’une certaine logique économique. Mais en pratique, on ne fait là que « détricoter » ce qui était permis il y a encore vingt ans avec les créations dérogatoires…
Certains défendent aussi le principe de sociétés d’officine avec plusieurs succursales. Cette idée est-elle également une solution pour les petites pharmacies ?
Christian Nouvel. - En réalité, une rentabilité insuffisante pourrait difficilement être réglée dans un tel schéma, car il faut maintenir la grande majorité des frais fixes. Notamment, on ne pourra pas, ou alors très difficilement, optimiser les frais de personnel.
Certes, on pourrait réaliser quelques économies, sur le cabinet comptable par exemple, ou améliorer la politique d’achat et les négociations commerciales, mais tout cela aurait une faible incidence sur la rentabilité.
Revenons aux regroupements. Quel est le rôle de l’expert-comptable dans ce type d’opération ? Comment intervient-il ?
Philippe Becker. - De façon générale, nous intervenons pour faciliter le regroupement en recensant, avec l’avocat ou le notaire, les facteurs de risques, les facteurs de frein, mais aussi les potentialités de l’opération.
Notre rôle est de bien anticiper l’évolution de la situation, car il peut y avoir une perte de clientèle consécutive au regroupement, et aussi parce que les financements sont importants.
Dans ce domaine, il n’y a pas de place pour l’à peu près : les pharmaciens qui se regroupent remettent en jeu toute leur vie professionnelle !
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