Le quotidien du pharmacien.- Pourquoi tirer aujourd’hui le signal d’alarme sur le problème des médicaments falsifiés ?
Yves Juillet.- Nous sommes à un moment privilégié. Je ne sais pas si nos récents travaux y sont pour quelque chose, mais le processus de ratification de la Convention Médicrime est en effet, enfin, en cours. Après une première lecture au Sénat, la seconde lecture à l’Assemblée nationale aura lieu dans les prochaines semaines, avec au bout, je l’espère, la ratification.
Quoi qu’il en soit, la question de la contrefaçon des médicaments est de plus en plus au cœur de l’actualité. Nous voulions trouver le moyen d’en parler et il nous a semblé qu’une démarche consensuelle de l’ensemble des académies et des ordres des professionnels de santé concernés était de nature à créer l’événement et à marquer les esprits.
L’Union européenne et la France sont-elles réellement menacées par le phénomène ?
La menace est permanente et prend deux formes. La première est l’une des conséquences du mouvement de libéralisation et de déréglementation des circuits de distribution pharmaceutiques, notamment au niveau de la distribution en gros. La présence de plus en plus importante de brokers (courtiers, N.D.L.R.) au niveau européen rend en effet ce risque de plus en plus réel.
En France, notre réglementation et notre système de distribution ont permis, jusqu’à présent, d’éviter que dans le circuit pharmaceutique circulent des contrefaçons. Mais c’est une situation fragile… La vigilance s’impose. En effet, on observe que dans les pays où la déréglementation est plus importante, tels la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, des médicaments falsifiés sont parvenus à pénétrer le circuit pharmaceutique.
Telle est la réalité de ce risque potentiel. L’autre menace est représentée par la pratique de la vente en ligne. On sait en effet qu’environ 50 % des produits de santé distribués sur le Net sont des faux. Or l’achat sur internet a tendance à se développer en raison notamment de la quête du plus bas prix.
En France, la vente en ligne de médicament semble être la porte d’entrée toute désignée de la contrefaçon. Est-elle vraiment la seule ?
Actuellement, oui. Mais dans les autres circuits il existe, comme je l’expliquais tout à l’heure, une potentialité de risque non négligeable. Voilà pourquoi les professionnels, qu’il s’agisse des pharmaciens d’officine ou des pharmaciens hospitaliers responsables des commandes, doivent être tout à fait conscients de ce risque et s’assurer de la source de leurs approvisionnements et de la traçabilité de leurs produits.
Quelles mesures prioritaires préconisent les académies et les Ordres dans leur manifeste ?
Il nous paraît primordial que le public prenne conscience du risque contenu dans la contrefaçon de médicaments. Il faut absolument qu’il sache qu’il doit s’approvisionner dans le circuit pharmaceutique, et, s’il achète sur Internet, qu’il le fasse uniquement sur les sites reconnus par le Conseil de l’Ordre. Notre deuxième recommandation vise les professionnels, qui doivent être également sensibilisés à ce risque.
Que cela signifie-t-il pour eux en pratique ?
Qu’ils aient les bons réflexes lorsqu’ils sont confrontés à une situation clinique inhabituelle. Il existe en effet deux types de circonstances de découverte de médicaments falsifiés. Soit le repérage par le pharmacien d’un conditionnement qui lui paraît suspect - en pratique, cette identification s’avère très difficile compte tenu des moyens modernes dont disposent les faussaires -, soit lorsque le médecin ou le pharmacien observe quelque chose de curieux chez leur patient, tel la description d’un effet indésirable inattendu ou une insuffisance d’efficacité. Il faut vraiment que les médecins, et singulièrement les pharmaciens, apprennent à y penser. Qu’ils soient sensibilisés à leur rôle central d’identification et d’alerte.
Les autres recommandations portent sur les autres acteurs, décideurs politiques, en France comme à l’international. Il convient aussi de développer les coopérations entre les agences, les douanes, la police… Les industriels peuvent également jouer un rôle en développant par exemple la « sérialisation » des boîtes, qui va permettre l’authentification par le pharmacien directement à l’officine. Ou encore, dans les pays en développement, en diffusant des systèmes tels l’identification par SMS qui permet au patient d’authentifier en direct un produit en scannant avec son téléphone mobile le code porté par le conditionnement.
L’avantage de ce dispositif tient dans le fait que le portable et l’usage du SMS se répandent jusque dans les coins les plus reculés et déshérités de la planète. Enfin, les fabricants doivent se doter de laboratoires de contrôles spécialisés qui permettent de repérer les produits falsifiés. Certains grands laboratoires, tel Sanofi, se sont déjà dotés de telle structure.
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