« CONSCIENT d’une grosse carence en management, j’ai voulu me former avant de reprendre une officine avec ma femme. J’ai alors réalisé les erreurs que nous avons dû commettre pendant ces quinze ans, la tête dans le guidon. » Nicolas Deguilhem a une tout autre formation au départ, mais il souhaite aider sa femme pharmacienne et passe donc son diplôme de préparateur pour pouvoir l’épauler. Ayant goûté aux joies du conseil aux dirigeants, en particulier les titulaires, il avoue qu’il pourrait bien continuer dans cette voie. « Cela me passionne, je m’enrichis au quotidien et il y a tant à faire ! »
C’est un reproche récurrent à l’encontre des pharmaciens : le manque de connaissance en management. Un manque dans la formation qui peut avoir des incidences ennuyeuses. L’équipe regrette parfois que la plupart des officines soient des petites, voire très petites entreprises. Les salariés de la pharmacie envient trop souvent leurs proches, employés de très grosses structures, bénéficiant d’une pièce de repos, d’un vestiaire avec douches, de salles de sport, etc. Anonymement, une syndicaliste témoigne : « J’ai travaillé dans une officine où, lorsque je voulais me laver les mains, je devais le dire à la titulaire qui allait au compteur électrique pour mettre de l’électricité dans la pièce et me donnait la clé pour accéder à cette pièce. Alors, les douches pour les sportifs, ça fait rêver. » Effectuant désormais des remplacements en clinique, l’ancienne pharmacienne adjointe ne se souvient d’aucun moment de convivialité dans les officines où elle a travaillé. « J’ai le sentiment que, en pharmacie, on est plus dans le travail-travail, c’est-à-dire que pour le titulaire, l’équipe vient pour travailler et rien d’autre, d’ailleurs il paye les gens pour travailler et pas pour autre chose », lance-t-elle ironiquement.
Bons souvenirs.
Une autre consœur remarque également l’absence de convivialité dans son officine de la région Centre. « Le moindre café est pris à la sauvette en faisant attention à ne pas empiéter sur le territoire du chien. Il n’y a pas de pause organisée ; quant aux repas en commun, cela relève de l’utopie la plus folle. » Pour autant, elle travaille dans cette pharmacie depuis sept ans et a connu une expérience préalable, de vingt années, dans une autre officine, qui lui laisse de très bons souvenirs. « C’etait une officine telle que je la conçois, avec une espace client, un vrai back-office, un préparatoire qui porte bien son nom, une salle à l’étage qui permettait de faire une pause-café ou de déjeuner, disposant d’un réfrigérateur. Dans l’officine actuelle, on ne se pose jamais, d’ailleurs il n’y a aucun siège et, si on prend un café, c’est rapidement, sur un coin du préparatoire, ce que je ne trouve pas sain, du coup je ne bois plus de café. Les rares moments de convivialité ont été organisés par les membres de l’équipe, pas par le titulaire qui a simplement donné son accord. Et comme nous n’avons pas de salle, ça gâche même un moment où on partage un gâteau d’anniversaire, on ne sait pas où se mettre. »
Pour cette adjointe, l’essentiel serait de prévoir une pièce, même petite, réservée à l’équipe. De façon à ne pas prendre le café ou partager un gâteau au-dessus du préparatoire. « Je ne suis pas fan de la pause à tous crins mais cela faciliterait les relations au sein de l’équipe. Si, en plus, elle est équipée d’un poste informatique, chaque membre de l’équipe, grâce à un roulement, pourrait se former petit à petit sur des plages horaires décidées à l’avance, via le e-learning. » Un projet qui tient à cœur l’adjointe, qui suit actuellement une formation à distance mais de chez elle.
Qualité de travail.
« Je me souviens de la galette des rois, du cidre, des anniversaires que nous fêtions en officine. Tout le monde participait, amenait des gâteaux à tour de rôle. Cela fonctionnait ainsi dans l’officine où je travaillais, mais je ne sais pas si c’était le cas ailleurs », explique Patrick Le Métayer, secrétaire général adjoint de FO Pharmacie. La demande récurrente est de disposer d’une pièce dédiée, mais la plupart des pharmacies n’en ont pas. « J’ai passé trente années dans la même pharmacie, j’ai vécu ses évolutions, son passage du simple portemanteau au vestiaire qui ferme. »
Heureusement, il arrive aussi à l’équipe d’être satisfaite de sa qualité de travail et de l’ambiance à l’officine. « La titulaire nous permet de faire une pause le matin ou l’après-midi, en fonction des flux de travail. On n’a pas toujours le temps, mais ce n’est pas un problème. Elle nous a déjà invités au restaurant. Tout récemment justement, elle nous a invités à un repas dans un cabaret pour fêter les cinq ans de l’officine. Cela n’empêche pas l’équipe d’être soumise à des pressions, comme l’objectif du chiffre d’affaires de telle famille de produits », précise cet adjoint de la région toulousaine. Il se montre très satisfait d’être valorisé, que ce soit à travers le repas de Noël qui autorise chacun à venir avec son conjoint ou ami, ou à travers la « salle de repos » en sous-sol, avec micro-ondes et cafetière à disposition. Des demandes somme toute très raisonnables.
À taille humaine.
« C’est vrai que de petites choses peuvent améliorer la cohésion d’une équipe et faire en sorte que, ainsi, on travaille mieux et les clients le ressentent », souligne Catherine Pamart, membre de la commission exécutive de FO Pharmacie, adjointe dans la région Nord. « Quand je pense qu’il y a encore des officines où les salariés ne disposent pas de casier, d’un micro-ondes ou d’une simple cafetière électrique… Des photos des enfants sur le casier personnel, une pause-café, une invitation au restaurant pour l’équipe, un cadeau pour fêter tant d’années d’ancienneté… cela devrait être monnaie courante. » Catherine Pamart est très satisfaite de l’officine dans laquelle elle travaille, « dans une équipe à taille humaine » qui fait preuve de beaucoup d’empathie et d’humanité. À ses yeux également, une pièce dans laquelle l’équipe peut se retrouver autour d’une tasse, même petite, est un élément primordial, tout comme l’invitation hors les murs mise en place par certains titulaires. « Je connais même une officine où la titulaire emmène toute son équipe un week-end dans l’année, afin de resserrer les liens. » Une initiative rare en officine mais qui est bien connue des grandes entreprises.
Tout repose finalement sur les qualités de management du pharmacien titulaire. Pour Nicolas Deguilhem, il faudrait que le titulaire garde toujours en tête une série de vérités bonnes à dire et à répéter : le bien être est source de performance, le travail est source de satisfaction, la valeur ajoutée vient de l’équipe, du collectif, il faut donc lui offrir les outils de la motivation.
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