LES DERNIÈRES enquêtes statistiques sur l’économie de l’officine, notamment celles du cabinet KPMG ou de la société de financement Interfimo, ont montré que les pharmacies françaises avaient mieux résisté que prévu, en 2010, à la crise qui frappe la profession depuis au moins deux ans. Joël Lecoeur et Olivier Desplats, experts-comptables, membres du réseau CGP – un groupement qui réunit treize cabinets répartis sur tout le territoire -, ont confirmé ces résultats à Pharmagora, en présentant leurs propres statistiques économiques.
En ce qui concerne le prix de cession des officines, les experts-comptables de CGP font état pour 2010 d’un montant moyen de 1 350 000 euros, en forte baisse par rapport à 2009 où il s’élevait à 1 600 000 euros. L’apport personnel moyen des acquéreurs est également en diminution, avec un montant inférieur à 300 000 euros. « Les acquéreurs ont un apport personnel faible et ils sont donc obligés de revoir leurs prétentions à la baisse. Ils achètent moins cher ou des officines plus petites », fait remarquer Joël Lecoeur.
Par rapport à la rentabilité des officines, en revanche, le prix de cession moyen reste toujours élevé : en 2010, il est de 8,6 fois le montant de l’excédent brut d’exploitation (EBE), au lieu de 8,33 fois l’EBE en 2009. « On a ainsi, actuellement, ce paradoxe de voir des prix de cession en hausse en multiples de l’EBE, alors que ces mêmes montants exprimés en euros sont à la baisse », insiste Joël Lecoeur.
Perspectives 2011.
Selon les experts-comptables de CGP, les acquéreurs doivent donc plus que jamais prendre conscience qu’il faut acheter une officine en fonction de sa rentabilité et de sa juste valeur économique. Mais la décision d’achat est-elle encore pertinente, eu égard aux prix pratiqués actuellement et aux perspectives économiques ?
Pour 2011, ces perspectives sont en effet mitigées. L’évolution du chiffre d’affaires sera à nouveau faible, en raison notamment de la poursuite de la baisse des prix du médicament remboursable, du développement des gros conditionnements, des réductions des taux de remboursement ou de nouvelles vagues de déremboursements. En termes de marge brute, en revanche, les choses devraient continuer de s’arranger un peu en 2011, grâce au développement du répertoire générique, à l’évolution du taux de substitution et à l’amélioration des contrats de coopérations commerciales. Au total, l’EBE devrait ainsi connaître une légère progression, « car un grand nombre de difficultés financières ne sont pas liées à un problème de rentabilité mais à un prix d’acquisition trop élevé ou à une insuffisance de capitaux propres », estime Joël Lecoeur.
Pourquoi donc investir aujourd’hui dans une pharmacie ? Pour en vivre et pour capitaliser un actif : « Quand on acquiert une officine, il faut toujours trouver un équilibre entre la rémunération du travail et celle du capital », explique Olivier Desplats. Or la première chose à vérifier - car c’est surtout ce qui intéressera la banque -, est la rentabilité de l’officine. Il faut aussi se poser les bonnes questions : que vaudra la pharmacie dans cinq ans ? Ne risque-t-on pas d’avoir une valeur de marché inférieure à la valeur de reprise, compte tenu des baisses de rentabilité ou de la démographie de la profession ? Quelle est la taille critique d’une pharmacie en volume de chiffre d’affaires ? Bref, que deviendra le capital investi ?
Rentabilité du capital.
Pour le savoir, deux éléments doivent être pris en compte : la rémunération du capital par les dividendes et la plus-value, et la rémunération du risque. La plus-value sera due au remboursement de l’emprunt et à la revalorisation éventuelle du fonds de commerce, qui dépendra elle-même du marché, du chiffre d’affaires et de la rentabilité.
Or, si l’on compare avec un même investissement en Bourse ou en assurance-vie, on aura une rentabilité qui ne dépassera pas en moyenne 3,5 à 4 %. Pour savoir si l’investissement dans une pharmacie est plus avantageux, les experts de CGP ont réalisé des simulations chiffrées à partir de prix de marché et en fonction de la valeur économique réelle de l’officine (7 fois l’EBE).
Dans le premier cas, pour un prix d’achat du fonds d’une officine à l’impôt sur les sociétés de 1 462 000 euros TTC, un apport personnel de 300 000 euros, un crédit bancaire de 1 378 000 euros, et avec une progression de chiffre d’affaires de 2 % par an, une évolution négative de la marge de 0,30 % par an et une augmentation annuelle des charges de 2 %, on atteint un taux de rentabilité de 14,50 % après six ans lors de la cession des parts sociales. Ce chiffre est atteint sans même une revalorisation du fonds de commerce et sans plus-value sur la valeur de ce fonds. Après 12 ans, en revanche, le taux de rentabilité baisse à 12,10 %.
Dans le second cas (c’est-à-dire en achetant l’officine à sa valeur économique), et pour un prix d’achat de 1 150 000 euros (avec un chiffre d’affaires de 1 700 000 euros), le taux de rentabilité après six ans, lors de la cession des parts sociales, est de 13,30 %. Après 12 ans, il est de 8,50 %. Dans ces deux situations, les parts sociales sont cédées, comme lors de l’acquisition, sur la base d’une valorisation du fonds égale à sept fois l’EBE.
Ces exemples montrent que, malgré la baisse continue de la rentabilité des officines depuis quelques années, le taux de rentabilité reste bon. « L’investissement dans une pharmacie est toujours plus rentable qu’un placement boursier, même en étant prudent sur les évolutions de chiffre d’affaires et de charges et en se rémunérant normalement », conclut Olivier Desplats. Que l’on soit titulaire ou investisseur, il ne faut donc pas craindre de se lancer dans l’acquisition d’une officine, et la baisse inévitable du prix des fonds n’altérera en rien l’intérêt capitalistique de l’opération.
Toutefois, les pharmaciens investisseurs pourront avoir intérêt à céder leurs parts après six ans, en raison de la baisse de rentabilité constatée par les experts de CGP à partir de cette date. Les pharmaciens titulaires et exploitants, quant à eux, devront faire certains sacrifices sur leur rémunération de départ si la croissance de l’activité n’est pas au rendez-vous. Mais, dans tous les cas, l’acquisition d’une officine à son juste prix devrait permettre de trouver un équilibre entre la rémunération et la rentabilité.
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