« C’EST COMPLIQUÉ de partir comme ça… » Pour Frédéric Geay, l’émotion est réelle. Fin mars, ce jeune pharmacien de 35 ans a été contraint de fermer son officine de Najac, en Aveyron. Pourtant, lors de son installation en 2005, rien ne laissait prévoir cet échec, mais les coups durs se sont enchaînés : départ d’un médecin du village, déplacement de la pharmacie concurrente de la commune voisine sur un axe plus passant, perte de la clientèle de la maison de retraite intercommunale… « Sans oublier l’État qui nous est tombé dessus, avec les baisses de prix, de marges, les déremboursements… », complète Frédéric Geay.
De l’Aveyron à la Seine-et-Marne.
Le jeune pharmacien se bat, réorganise son officine, licencie une employée, mais rien n’y fait, la faillite semble inévitable. Il se résout alors à demander un transfert interdépartemental qui sera accordé, en novembre dernier, pour une commune de Seine-et-Marne.
À Najac, l’annonce du départ de la pharmacie déclenche de vives réactions. Rejetant la faute sur le pharmacien, certains habitants évitent l’officine, l’enfonçant dans sa chute, tandis que des pétitions contre le transfert circulent. L’objectif (aujourd’hui presque atteint) est de 2 500 signatures, autant que la population requise pour une officine. « Certes notre village a officiellement 752 habitants, explique le maire, Raymond Rébellac. Mais on ne tient pas compte des nombreux Britanniques qui vivent ici plus de 6 mois par an, ni des 2 000 lits touristiques de l’été. »
Un recours contre le transfert, introduit auprès du ministre de la Santé, a été rejeté car déposé hors délai. Un autre est engagé auprès du tribunal administratif de Toulouse. S’il est admis, « cela me condamne de façon arbitraire, alors que la disparition de la pharmacie est malheureusement inéluctable », souligne Frédéric Geay. Dans le cas contraire, il pourra poursuivre dans sa nouvelle officine de Chauconin-Neufmontiers, près de Meaux (Seine-et-Marne) où il exerce aujourd’hui, grâce au soutien financier de sa famille et de ses amis ; les banques ayant refusé de lui prêter.
« Les gens vont sortir les fourches ! »
Malgré leurs rapports difficiles, le maire de Najac et son ex-pharmacien sont d’accord sur un point : une vingtaine de pharmacies rurales de l’Aveyron sont, à terme, menacées. Comment les sauver ?
Pour l’élu, il s’agit d’abord d’amender la loi sur les transferts interdépartementaux : « Elle avait pour objectif de limiter la densité des officines en milieu urbain au profit des communes de plus de 2 500 habitants qui n’ont pas de pharmacie. Mais cette loi a été dévoyée. Il faut l’amender, car elle n’est pas adaptée au milieu rural. En Aveyron, très peu de communes dépassent les 2 500 habitants et nous avons 122 officines. Si la pharmacie de Najac passe définitivement à la trappe, cela constituera un précédent. Une vingtaine d’officines du département seront menacées. Et si elles partent, les gens vont sortir les fourches ! »
Pour Frédéric Geay, « le problème principal demeure le manque de population. Que faire ? Obliger médecins à s’installer en zones rurales ? Arrêter de vouloir que chaque village ait sa pharmacie ? C’est une question de volonté politique. L’État ne peut vouloir, d’un côté, le maintien des pharmacies de village, et, de l’autre, rogner sur leurs marges et leur chiffre d’affaires. Il n’assume pas ses contradictions. Et pourquoi ne nationaliserait-il pas les pharmacies rurales pour y mettre des pharmaciens salariés ? Je crois qu’il en trouverait. »
Quoi qu’il en soit, l’exemple de Najac est celui d’un double échec : celui d’un homme contraint à quitter le village où il souhaitait vivre et celui de toute une population privée de « son » officine.
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