D'une négociation, il ne doit jamais sortir un seul vainqueur. Voilà l'une des clés de cet exercice souvent délicat de la vie en entreprise. Les syndicats de salariés le savent bien, qui élèvent la négociation au rang d'un art. Idéalement, selon les pros du management, il revient aux employeurs de devancer la demande de leurs salariés, en proie à la démotivation et aux frustrations. Mais c'est aussi au collaborateur de solliciter l'entretien qui lui permettra de défendre son projet et, le cas échéant, d'obtenir gain de cause. Dernières recommandations aux adjoints avant de passer à la table des négociations.
CHOISISSEZ LE BON MOMENT
Lors de l'entretien d'embauche, la négociation fait naturellement partie du jeu, pour fixer horaires, rétribution et attributions de l'adjoint. Si celui-ci n'obtient pas vraiment satisfaction, il peut d'ores et déjà suggérer d'en reparler au terme de sa période d'essai. Ou même 6 mois après avoir fait ses preuves, comme le suggère Brigitte Defoulny, directrice de la société de formation et de conseil Héliotrope. Passé en terrain connu, le pharmacien adjoint pourra mieux préciser ce qu'il souhaite développer à l'officine. De son côté, l'employeur aura alors une vision plus exacte de ses compétences. Autre moment idéal pour négocier des avancées, l'entretien annuel. Outil de management incontournable, il se destine à faire le point sur les activités du salarié, le plus souvent en fin d'année. « Mais n'attendez pas cet entretien pour vous exprimer. C'est toujours mieux de le faire le plus tôt possible », indique Martine Camillerap, formatrice et dirigeante de PKC Communication. L'entretien de négociation peut donc avoir lieu à tout moment, mais ne doit jamais s'amorcer au comptoir, entre deux clients. Rendez-vous est pris à une heure creuse pour l'officine, ou même après sa fermeture. De sorte que le dialogue s'établisse dans les meilleures conditions.
QUE DEMANDER ?
L'application de la Convention collective ne fait pas l'objet de négociations, mais d'une revendication du salarié, au cas où elle serait déficitaire. Elle est un prérequis avant toute proposition émanant de l'employé. Selon Patrick Le Métayer, secrétaire général adjoint FO Pharmacie, ce texte n'est, en fait, pas vraiment pris en compte dans toutes les officines (contrairement à ce que prévoit un arrêté d'extension du 30 janvier 2008).
Les syndicats de salariés officinaux se chargent de négocier des revalorisations salariales. « Actuellement, les adjoints sont soumis à plus de responsabilités, avec la sortie des médicaments de la réserve hospitalière et la mise en place du libre accès. Et la fréquentation des officines est toujours plus élevée », précise François Aucouturier, représentant des adjoints à la CFE-CGC. Sauf exception en 2009, la grille des salaires évolue régulièrement. « Mais rien n'empêche un employeur d'aller au-delà », affirme Patrick Le Métayer. « Le coefficient correspond à une responsabilité, notamment vis-à-vis d'autres diplômés, pas à un niveau de rémunération », complète François Aucouturier. Pour autant, les syndicats invitent à faire preuve de réalisme et à formuler une demande avec « tact et mesure », eu égard aux difficultés économiques actuelles. François Aucouturier estime que la mise en place d'un intéressement est un bon moyen de contourner cette difficulté. « Si un adjoint développe un secteur, c'est bénéfique pour l'économie de l'officine. Une partie de ce bénéfice devrait donc lui être rétrocédée », argumente le représentant syndical. Précisons que cet intéressement va porter sur une activité dont la valorisation peut être effectivement mesurée. Une prime peut également entrer en jeu. « On peut associer une augmentation, moindre que celle demandée, à une prime, qui pourra être revue à la hausse si le salarié donne satisfaction », propose Martine Camillerap. Et pour donner satisfaction, on ne se contente pas de bien faire le travail pour lequel on a été engagé. L'adjoint peut se charger de l'assurance-qualité ou du management. Il peut proposer de prendre en main un rayon peu développé à l'officine, comme l'orthopédie ou le matériel médical. Il peut aussi se spécialiser en phytothérapie ou dans une gamme cosmétique particulière. « Le collaborateur doit chercher à s'engager dans un domaine qui le motive réellement », assure Martine Camillerap. Et son action doit bénéficier à l'ensemble de l'équipe, qui devra notamment prendre en charge le rayon en l'absence de l'adjoint.
COMMENT ARGUMENTER ?
Dans la démarche de négociation, la forme importe autant que le fond. De part et d'autre, on avance des propositions. Et l'on sait qu'il faudra faire des concessions. « Il y a un rapport de force qui s'installe. Mais il ne doit surtout pas déboucher sur un conflit », insiste Philippe Guittet, directeur du cabinet PG Conseil. Selon le coach, persuasion et séduction sont de mise, pour donner envie d'approfondir la collaboration. « N'arrivez pas en revendiquant et en réclamant, mais avec des projets qui sauront convaincre l'employeur », recommande Martine Camillerap. Une démonstration argumentée s'impose. « Vous devez insister sur vos compétences et sur les éléments concrets qui vous permettront d'atteindre vos objectifs », indique François Aucouturier (CFE-CGC). Au final, le titulaire doit percevoir le bienfait de votre investissement pour l'officine. Le bon déroulement de la discussion dépend de la personnalité des protagonistes et des rapports qu'ils entretiennent. On ne traite pas de la même façon avec un employeur peu enclin au dialogue et un autre, en pointe sur les questions de management et même promoteur de l'évolution de ses salariés. La partie ne sera pas forcément plus aisée face à ce dernier, souvent déjà fixé sur le rôle qu'il veut vous voir jouer. Dans tous les cas, la démarche du salarié doit être mesurée. « N'agissez pas en donnant l'impression que vous allez tout révolutionner », conseille Brigitte Defoulny. Avec tact, proposez à votre titulaire de prendre en main un rayon, avec son accord. Si l'on est déjà ancien dans l'entreprise, il s'agira de montrer que l'on a rempli les objectifs fixés. À savoir : le simple fait d'avoir suivi une formation ne donne pas droit à une augmentation. Et une négociation n'aboutit pas forcément à une revalorisation salariale. On obtiendra alors de l'employeur un nouvel entretien. Il peut ne pas être fixé très précisément, mais il est préférable de prévoir un délai. « Si c'est dit clairement, ce n'est pas la peine de le formaliser », estime Brigitte Defoulny. « Tout mettre par écrit, surtout dans des petites structures, cela entame un peu la confiance, considère Philippe Guittet. Pourtant si la démarche est sérieuse, elle doit l'être jusqu'au bout et donc consignée quelque part. »
RECEVOIR LES OBJECTIONS
Rares sont les titulaires qui refuseraient une amélioration du fonctionnement de leur officine. Mais cela peut arriver. « Le salarié doit bien comprendre que les marges de manœuvre, au sein d'une petite entreprise, ne sont pas très importantes », justifie Philippe Guittet. Certains employeurs peuvent aussi craindre d'être dépassés par l'engagement de leurs adjoints. « S'ils sont prêts à s'investir davantage, c'est qu'ils se sentent bien dans l'entreprise », souligne Philippe Guittet. En cas de refus d'augmentation, il est conseillé de ne pas trop insister. « Le titulaire peut faire état de la difficulté économique de son officine. Ce sont des arguments difficiles à vérifier et à contester », estime François Aucouturier. L'attitude du manager est alors d'indiquer qu'il ne s'oppose pas à une revalorisation salariale, en réponse à l'effort fourni par le salarié. Une nouvelle évaluation aura donc lieu six mois plus tard. « Si l'employeur soulève un bémol, demandez-lui à nouveau ce qu'il attend de vous et de vous fixer clairement des objectifs », préconise Brigitte Defoulny.
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