ADJOINTS et préparateurs, amis ou rivaux ? Depuis que le préparatoire a déserté la plupart des pharmacies, les deux professions se côtoient au quotidien et se retrouvent derrière le comptoir, souvent pour réaliser les mêmes tâches de délivrance de médicaments et de conseils aux patients. Les plaintes les plus couramment exprimées par les préparateurs portent sur le manque de reconnaissance et de perspectives d’évolution qu’ils ressentent. Ils ont le sentiment de faire le même travail que les adjoints, sans être aussi bien rémunérés qu’eux. Les adjoints, de leur côté, leur rétorquent parfois qu’ils n’ont qu’à passer le concours de pharmacie s’ils veulent le même poste. Des tensions peuvent également apparaître au sujet de la mission de contrôle du pharmacien sur le préparateur. Néanmoins, la plupart du temps, les rapports entre les deux professions ne sont pas si mauvais.
« En général, cela se passe bien », reconnaît Christine*, adjointe dans le Nord-Pas-de-Calais. La jeune femme de trente ans, qui travaille en intérim, a pourtant connu une quinzaine d’officines différentes. Certes, il arrive parfois que les relations soient tendues. « Dans certaines pharmacies, le préparateur travaille comme il en a l’habitude, quitte à faire n’importe quoi, raconte Christine. Cet été par, exemple, j’ai été remplaçante dans une officine où la préparatrice faisait des bêtises. J’ai dû ensuite contrôler tout son travail. Il arrive aussi que nous refusions la délivrance d’un médicament et que le préparateur aille le chercher quand même pour le donner au patient. » Elle regrette que, parfois, « le préparateur prenne le dessus sur le pharmacien adjoint ». Cependant, au fil de ses expériences diverses, elle a remarqué que « c’est le titulaire qui donne le ton : s’il laisse faire, nous sommes obligés de faire de même, surtout quand nous ne sommes présents à l’officine que pour un remplacement. En revanche, dans certaines pharmacies, le pharmacien décide et le préparateur exécute. Il arrive même que le préparateur n’ait pas le droit de toucher à l’ordonnancier ou aux stupéfiants. C’est vraiment très différent d’une officine à l’autre. Il m’est aussi arrivé de travailler dans une pharmacie où le préparateur préparait les médicaments en amont et où le pharmacien s’occupait de la délivrance. Cela évitait de faire les choses trop rapidement et permettait d’avoir un double regard sur l’ordonnance ».
Solidarité.
Selon elle, pour que tout se passe bien entre préparateurs et adjoints, il faut que le titulaire veille à la bonne répartition des rôles de chacun. « C’est lui qui influe sur l’ambiance et attribue les rôles, estime-t-elle. Il y a quand même une hiérarchie dans la pharmacie. En cas de problème, la responsabilité revient au pharmacien, il ne faut pas l’oublier. » Cependant, elle juge que les relations avec les préparateurs dépendent aussi de l’âge de chacun. « Il est parfois difficile pour eux de voir arriver un pharmacien de 25 ou 30 ans s’ils en ont 50 et sont présents depuis des années dans l’officine », note Christine. Elle observe également que les situations sont parfois devenues plus conflictuelles depuis que les problèmes d’emplois sont apparus dans les pharmacies. « Les titulaires préfèrent souvent embaucher deux préparateurs à la place d’un pharmacien. Et, de plus en plus souvent, quand une pharmacie va mal, l’adjoint risque plus facilement le licenciement que le préparateur, et c’est également le cas lors des rachats. Cela peut créer des tensions. » À l’inverse, les préparateurs jalousent parfois les adjoints, notamment au sujet de la rémunération. « Ils ont l’impression de faire le même travail que nous et de ne pas être suffisamment payés. Cependant, je trouve qu’ils sont mieux représentés au niveau syndical et qu’il est moins difficile pour eux de faire entendre leurs revendications », déclare la jeune femme.
Malgré quelques exceptions, Christine n’a pas souvent rencontré de difficultés avec les préparateurs. « En général, je m’entends bien avec les gens avec qui je travaille, affirme-t-elle. Nous entretenons le plus souvent une relation de confiance. Dans certaines officines, les préparateurs viennent me demander des conseils. Et réciproquement, il m’arrive à moi aussi de solliciter leur aide, par exemple lorsque je ne connais pas la clientèle ou les habitudes de la pharmacie. » Il arrive aussi que la solidarité soit forte entre les deux professions, notamment vis-à-vis du titulaire. « Dans certains cas, nous sommes tous dans la même galère, lorsqu’il y a des soucis d’ambiance ou de contrat dans la pharmacie. Il faut alors se serrer les coudes », déclare Christine.
Afin que les bonnes relations entre les deux professions soient facilitées, elle n’a qu’une demande à formuler : « Que les fiches de poste soient respectées pour chaque métier. Ainsi, chacun saurait précisément son champ d’activité et tout le monde travaillerait mieux. »
Instaurer un climat de confiance.
Sa consœur Marie Simonot a, quant à elle, fréquenté 26 pharmacies différentes, dans le cadre de son compagnonnage avec le réseau de pharmaciens HPI. Depuis décembre 2011, elle parcourt la France et séjourne dans une officine différente chaque semaine. Elle estime avoir déjà rencontré plus d’une centaine de préparateurs. Selon la mission demandée, et en fonction de l’officine visitée, elle joue le rôle de client mystère, remplace un salarié absent, ou aide les équipes à la formation sur le logiciel informatique utilisé par le réseau, ou la préparation des doses à administrer. « Lorsque ma visite est annoncée par le titulaire, tout se passe bien avec les préparateurs, explique l’adjointe de 28 ans. Quand je viens pour faire de la formation, je suis toujours bien accueillie, puisque je suis là pour les aider et qu’ils sont prévenus de ma visite. Cependant, j’ai déjà été mal reçue par les équipes, en particulier quand je propose au titulaire de jouer le rôle du client mystère, raconte Marie. Les équipes pensent que je les teste et cela peut être mal perçu. » La jeune femme essaie toujours de dédramatiser la situation le plus rapidement possible, afin que la suite de son séjour dans la pharmacie se passe le mieux possible. « Il y a parfois des mauvaises notes, mais c’est à moi d’expliquer au salarié que ce n’est pas un test et que l’objectif final est l’amélioration de la qualité. Parfois je tombe mal et la personne peut être stressée, fatiguée. Mon rôle n’est pas de faire du flicage, au contraire. Je leur rappelle que tout le monde peut être testé, pharmacien comme préparateur. Et lors du débriefe, j’insiste sur les points positifs afin d’encourager les équipes. Je cite les points négatifs, mais sans m’attarder. » Grâce à cette méthode, elle finit toujours par se faire accepter par les salariés de l’officine. « Je profite aussi du moment où le titulaire me présente à l’équipe pour aller discuter avec la personne que j’ai abordée en tant que client mystère. Je rappelle toujours que nous travaillons dans une démarche de certification ISO 9 001. Je suis là uniquement pour aider les équipes à se souvenir des questions à poser au comptoir et des procédures d’accueil du patient. » Elle-même bénéficie régulièrement de l’expérience des préparateurs. « Je change de pharmacie chaque semaine, j’ai donc très souvent besoin des préparateurs quand je ne retrouve pas les rangements ou quand je ne connais pas la gestion des produits ou la gestion des stupéfiants propres à l’officine. Ils peuvent me donner des explications sur les choses internes à la pharmacie. Il est donc important d’instaurer tout de suite un climat de confiance. »
Respecter la compétence.
Du côté des préparateurs, cette confiance est également importante et repose surtout sur la reconnaissance du travail de chacun et de ses compétences. Pour Francis Liaigre, préparateur de 56 ans et créateur du forum Pharméchange, « ni les préparateurs ni les adjoints ne peuvent se cacher derrière le diplôme. Derrière le morceau de papier, il y a les compétences et il faut se former, s’intéresser, lire, afin de les entretenir et de les améliorer ». Au départ, il a créé Pharméchange afin de favoriser les discussions entre pharmaciens et préparateurs. « On fait à peu près le même travail, mais pas le même métier, souligne-t-il. S’il n’y a pas de volonté d’écraser les uns avec des diplômes, normalement tout se passe bien. J’ai fréquenté deux officines et six ou sept adjoints dans ma carrière. En général, nous avons eu de bonnes relations. Je les embête un peu, parce que je suis curieux et pas du genre à me laisser faire. Mais lorsque des problèmes se présentent, nous en discutons entre adultes et cela se règle facilement. Dans tous les cas, lorsque les pharmaciens voient qu’on est compétent, ils nous respectent. »
Comme Christine, il estime qu’adjoints et préparateurs sont « dans la même galère ». Il distingue « deux niveaux » dans l’officine : les salariés et les patrons. « Avec les adjoints, on partage les plannings, les tâches, etc. Même si l’adjoint et le titulaire ont le même diplôme, l’un est le boss et l’autre non. Les problèmes relationnels peuvent apparaître lorsque l’un ou l’autre ne reste pas à sa place. » Il juge sage pour les préparateurs de ne pas oublier, eux non plus, qu’ils n’ont pas le même statut que les pharmaciens, ni le même diplôme. « Sur le papier nous n’avons aucune autonomie et le pharmacien doit contrôler tout ce que nous faisons. Tout le monde sait que cela ne se passe absolument pas comme ça sur le terrain. Cependant, nous devons garder une part de jugement pour estimer que notre travail s’arrête lorsque nous atteignons notre limite de compétence. Et dans ce cas, il faut en référer à un adjoint, afin d’éviter d’endosser une responsabilité qui ne nous revient pas. » Pour lui, l’évolution des études de préparateurs devrait aller dans cette direction : « donner les moyens au préparateur de juger si son domaine de compétence n’est pas atteint. Quand on parle d’équipe officinale, il faut être conscient que chacun a un rôle bien défini », déclare-t-il. Dans son officine, par exemple, la scannérisation des ordonnances permet aux adjoints de recontrôler a posteriori l’ensemble facture/ordonnance, ce qui permet de traiter les petites erreurs qui peuvent se produire. « On garde le numéro de téléphone des patients et on les appelle en cas de problème. C’est très bien et ça donne une bonne image de la pharmacie au patient. Ça fait vraiment "pro" », conclut-il. Et le tandem adjoint-préparateur met ainsi ses compétences au service du patient, qui reste au cœur du métier des deux professions…
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