COMPTABILITÉ
LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- La dernière loi de financement de la Sécurité Sociale a modifié les critères de transfert et de regroupement des officines, mais a également introduit un nouveau dispositif appelé « cession destruction ». De quoi s’agit-il ?
PHILIPPE BECKER.- L’objectif du législateur, avec ce nouvel article de loi, est de permettre à des pharmaciens qui ne parviennent pas à céder leur officine, de pouvoir revendre leur clientèle aux confrères les plus proches et, ensuite, de rendre leur licence. En fait, cette pratique existait déjà depuis quelques années, mais le texte législatif est venu la valider et surtout la sécuriser. Ce nouveau dispositif, qui se justifie sur un plan juridique est, disons-le clairement, le signe que les temps sont durs pour les officines. Qui aurait pu dire, il y a dix ans, que des pharmacies ne trouveraient pas preneurs en 2012 ?
Quel est le profil de ces officines invendables concernées par ce nouveau dispositif ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Une seule phrase résume leur profil : ce sont des officines qui, aujourd’hui et encore plus demain, ne trouvent plus ou ne renouvellent plus leur clientèle. Dans presque tous les cas, elles ont un mauvais emplacement dans la commune, mais elles ont aussi parfois perdu leurs prescripteurs. Cette situation a pour conséquence un petit chiffre d’affaires et aussi une faible rentabilité. Il est donc évident qu’elles n’attirent pas les acquéreurs, lesquels, et cela est normal, recherchent sur les conseils de leur expert-comptable des pharmacies qui ont encore du potentiel.
La « cession destruction », qui porte bien son nom, est donc une issue de secours. Ce système va-t-il fonctionner vraiment ? Les confrères ont-ils intérêt à acquérir la clientèle de ces officines ?
PHILIPPE BECKER.- Chacun voit immédiatement la limite d’un système qui est fondé sur une démarche volontaire de part et d’autre. Si, par chance, la récupération de la clientèle est un enjeu très important pour les confrères les plus proches de la pharmacie appelée à disparaître, il peut y avoir en effet une certaine émulation entre eux et donc, in fine, un rachat. Mais ne nous voilons pas la face : il y des cas où les confrères ne bougeront pas et attendront « la fin » de la pharmacie sans bourse délier… Rien ne les oblige et rien ne les obligera à racheter tout ou partie de la clientèle. Ce nouveau mécanisme repose donc sur le volontariat confraternel.
CHRISTIAN NOUVEL.- Il faut aussi avoir à l’esprit que la cessation définitive de l’activité de l’officine ne doit en aucun cas compromettre l’approvisionnement en médicaments de la commune ou du quartier concerné. Ainsi, l’agence régionale de Santé (ARS) a un droit de veto sur l’opération.
Sur le plan financier, que peut espérer le pharmacien qui vend non pas son officine mais sa clientèle ?
CHRISTIAN NOUVEL.- Il ne faut pas attendre des miracles, chacun l’aura bien compris. Sur la base de nos observations, on peut dire que les indemnisations pour la clientèle se situent dans une fourchette allant de 20 % à 40 % du chiffre d’affaires TTC transféré. En pratique, toutefois, la valorisation dépend du taux de report attendu vers les officines voisines. Parfois, l’appréciation de ce taux de report est quasi-impossible à prévoir car, finalement, c’est le patient qui décide…
Que peut-on conseiller à des pharmaciens qui envisageraient de reprendre une part de clientèle dans le cadre d’une « cession destruction » ?
PHILIPPE BECKER.- Pour les pharmaciens qui envisageraient de racheter une fraction de clientèle, il faut leur conseiller de travailler sur le « fichier adresses » des clients de l’officine qui va disparaître, en mettant en équation les facteurs de commercialité locaux et de sens de circulation. Il ne faut pas oublier aussi de prendre en compte l’âge des patients, puisque cet âge joue sur leur mobilité. Et, bien évidemment, il faut s’assurer de la présence au comptoir de l’ancien titulaire pendant au moins quelques semaines afin de rassurer, si besoin est, la clientèle.
CHRISTIAN NOUVEL.- Parfois, cette opération implique une reprise des salariés, ce qui peut alors renforcer l’intérêt de l’opération pour l’officine repreneuse.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
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