Les agendas en ligne ne représentent pas une totale nouveauté pour les pharmacies, cela fait déjà quelques années que sont apparus ces outils pour mieux gérer les rendez-vous, quels qu’ils soient, des pharmaciens et de leurs équipes. Ainsi la société Mesoigner a-t-elle lancé son premier module de prise de rendez-vous en ligne en 2015. Mais c’est avec la crise sanitaire du Covid que les pharmaciens ont ressenti le besoin de disposer de tels outils pour mieux gérer tests antigéniques et vaccination. En gros, c’est dans l’urgence qu’ils ont dû s’équiper. On a d’ailleurs vu fleurir sur le marché bon nombre d’offres d’agendas en ligne ces deux dernières années. Et cette urgence a quelque peu occulté une question importante, celle de savoir ce qu’il est possible de faire de ces agendas en ligne au-delà de la crise sanitaire. Car il y a bien eu un avant, et il y aura un après. Les rendez-vous, ce sont aussi bien ceux des patients pour des entretiens pharmaceutiques ou des bilans de médication, des clients pour des démonstrations dermocosmétiques avec un nombre restreint de places par exemple, ce sont les rendez-vous B to B, avec les nutritionnistes, les commerciaux des laboratoires… Bref, les usages sont nombreux et certains prestataires ont travaillé leur offre de telle sorte qu’elle soit « à la carte ».
Un présent têtu
Mais le présent est têtu et s’impose à tous. Aujourd’hui, tous les prestataires se doivent d'être en mesure de répondre à l’urgence du moment, et quels que soient les usages futurs envisageables, il y a certains incontournables que les offres disponibles doivent proposer. En premier lieu, le référencement. Les pharmaciens doivent être visibles des patients et pour cela être le mieux référencés possible sur Internet. Et le référencement, c’est Doctolib, devenue la plateforme largement majoritaire pour les rendez-vous avec les médecins. Le réflexe est désormais si ancré chez les patients que cela commence à le devenir pour les pharmaciens. D’où la nécessité pour les prestataires d’être le mieux présent possible.
C’est ainsi qu’Ordoclic et MeSoigner se sont reliés à Vite ma Dose, une sorte « d’agrégateur » de tous les rendez-vous disponibles dans de nombreux agendas, une façon d’élargir considérablement le champ des possibles pour les patients. Et ce n’est du reste pas le seul agrégateur. Il faut en outre être en mesure de proposer des outils différenciants et/ou supplémentaires à ce que propose Doctolib, qui lui assure aussi la gestion des rendez-vous en fonction des doses dont dispose le pharmacien, c’est du reste un minimum pour cette gestion des rendez-vous liés à la vaccination. Mais il faut voir plus loin. « Les données commerciales sont dans la pharmacie et doivent y rester, plaide Amaury de Chalain, cofondateur de MeSoigner. Mais si on passe par Doctolib, ces données ne sont plus chez le pharmacien. » D’où la nécessité d’être le plus présent possible sur les sites et les réseaux. C’est ainsi qu’Ordoclic propose aux pharmaciens qui disposent d’une page profil sur sa plate-forme la possibilité d’actionner d’autres liens, vers leur propre site ou des liens qu’ils estiment importants. « Le pharmacien fait ce qu’il veut, mais s’il ne le fait pas, d’autres le feront à sa place », précise Guillaume Gobert, fondateur de la société. MeSoigner propose pour sa part la possibilité au pharmacien de décider la création d’une communication automatique sûre, au choix, son site Web, sa page Facebook, ou sur Google My Business.
Gestion des doses et listes d’attente
Pour toutes les pharmacies qui ne souhaitent pas aller au-delà de la gestion des tests antigéniques et de la vaccination contre le Covid, il existe une offre assez conséquente d’outils proposés par des prestataires de divers profils. Citons par exemple le Guide Santé, prestataire spécialisé dans la gestion des données médicales publiques, qui a lancé l’année dernière une application mobile, Doc Guide Santé, un support qui selon la société permet d’être plus rapide. Cette appli repose d’abord sur un système de géolocalisation qui permet d’identifier toutes les pharmacies qui testent et vaccinent à proximité du domicile des personnes à la recherche d'un test ou d'un vaccin. Elle est reliée à une base de données qui recense toutes les pharmacies de France.
Le patient peut prendre rendez-vous, voit les délais d’attente et reçoit une notification push. D’une manière générale, il faut s’assurer que l’outil en question soit capable de gérer les rendez-vous en fonction des doses disponibles, mais aussi de gérer les listes d’attente. Mais pour toutes les pharmacies qui cherchent à aller au-delà, il est nécessaire de se doter d’outils capables de gérer les rendez-vous de façon globale. Ne serait-ce que pour la vaccination antigrippale qui par bien des aspects diffère de la façon dont sont gérés les rendez-vous pour la vaccination contre le Covid. « C’est proche mais différent, estime Amaury de Chalain. Les durées de vaccination sont différentes, cela impacte donc la définition des créneaux horaires, les personnes qui peuvent le faire aussi, et la communication est plus ciblée pour tout ce qui concerne la grippe », ajoute-t-il.
Laisser le choix
Ces outils de gestion des agendas en ligne globaux se caractérisent par leur capacité à proposer des services « à la carte » afin de s’adapter à une multitude de situations. La première liberté apportée au pharmacien, c’est de lui laisser le choix d’aller vers la gestion des rendez-vous en ligne, ou pas, et même un mix des deux.
C’est par exemple en cas de forte affluence de pouvoir intégrer du « sans rendez-vous » dans un planning déjà bien structuré, explique en substance Amaury de Chalain. Il faut aussi tenir compte d’un aspect important qui différencie la gestion des agendas en ligne des pharmaciens en comparaison avec ce qui se fait avec les médecins, pour lesquels ces rendez-vous sont pris de façon nominative. « Mais en pharmacie, c’est avec l’ensemble de l’équipe que l’on prend rendez-vous », précise Guillaume Gobert. Cela signifie que tantôt, c’est le pharmacien qui gère l’attribution des rendez-vous, tantôt cela peut être le patient ou le client qui choisit telle personne pour un rendez-vous autour de la dermocosmétique, par exemple.
Cela implique aussi la notion d’agendas partagés, bien sûr entre les différents membres d’une équipe officinale, mais aussi entre diverses pharmacies. « Pour un nutritionniste qui travaille pour trois ou quatre officines, il lui faut un agenda partagé avec ses différents partenaires, qui n’est pas vu des clients », explique Patrick Gomez, directeur opérationnel et fondateur d’IPC Group. C’est une gestion du temps en fonction du personnel disponible, et des contraintes de l’ensemble des membres d’une équipe.
Autre aspect important de ces agendas partagés, la capacité à créer et envoyer des questionnaires aux patients avant leur rendez-vous. « Nous avons établi la création de questionnaires pour les entretiens pharmaceutiques, cela nous a bien aidés ensuite pour la période Covid », raconte ainsi Amaury de Chalain. Dans tous les cas, c’est le pharmacien qui décide de tout, grâce à la possibilité qui lui est donnée de tout paramétrer.
Comme des API
Les technologies qu’il y a derrière ces agendas en ligne sont des technologies Web, « c’est pour cette raison que l’on s’intègre bien dans l’environnement du pharmacien », explique Guillaume Gobert. « Les services Web sont un peu comme des API, cela permet d’interroger un service tiers de façon sécurisée, précise pour sa part Patrick Gomez. On ne rentre pas vraiment dans le système d’information du pharmacien, c’est plutôt un échange d’informations via un protocole », ajoute-t-il. Un échange de données qui ne nécessite pas d’être relié directement au LGO du pharmacien. Quoique. IPC Group a quand même travaillé sur l’intégration de son agenda en ligne à Leo, le LGO du groupe Astera - Isipharm.
« On peut en effet aller vers une intégration plus fine dans certains cas, avec Leo notamment sur la disponibilité de certains stocks », ajoute encore le fondateur de l’entreprise. Guillaume Gobert (Ordoclic) reconnaît être en discussion avec certains éditeurs de LGO : « nous n’avons pas besoin de fait d’être intégrés au système d’information des pharmaciens, mais dans certains cas, par exemple pour faciliter la prise de rendez-vous au comptoir avec des patients, cela peut faire gagner quelques secondes. »
Si l’automatisation des agendas en ligne présente de nombreux avantages, elle a néanmoins un inconvénient, celui d’éloigner les patients du contact humain. Certes, on pourra toujours dire que la digitalisation croissante des usages atténue l’absence de contact humain, et que la prise de rendez-vous en ligne ne pose pas de problème au point de nécessiter l’aide d’une personne. Néanmoins, cette perte de contact humain peut être dommageable, c’est pour cette raison qu’IPC group a parallèlement à son outil d’agenda en ligne un vrai support téléphonique, assez sophistiqué du reste avec une sorte d’IA, « plutôt un système expert » préfère dire Patrick Gomez, capable de mener un entretien avec un patient, mais qui dès lors qu’il ne peut répondre, bascule automatiquement sur la plateforme téléphonique. Un mix entre la technologie et l’humain qui permet aussi d’équilibrer les coûts, car l’humain, ça coûte cher désormais…