Les Académies de médecine et de pharmacie dénoncent les biais d'une consultation citoyenne en ligne, ayant abouti à plus de 90 % de votes favorables à l'autorisation contrôlée ou à la dépénalisation du cannabis récréatif… sans aucune prise en compte des dangers pour la santé de cette drogue.
En janvier, une large consultation citoyenne avait été lancée en ligne, par une mission d'information parlementaire. Sur plus de 250 000 contributions, 80,8 % des répondants se sont déclarés favorables à une autorisation de la consommation et de la production du cannabis récréatif dans un cadre régi par la loi, et 13,8 % à sa dépénalisation. Toutefois, les Académies de médecine et de pharmacie qui ont étudié le document, s’étonnent que « soit proposé un questionnaire comportant de nombreux biais méthodologiques qui conduisent les utilisateurs à apporter les réponses souhaitées par ceux qui les interrogent ». Encore plus surprenant, le questionnaire demande aux citoyens leur avis sur des questions médicales, comme « comparer la dangerosité du cannabis et de son THC (tétrahydrocannabinol) à celle de l’alcool et du tabac », et cela sans que soient prises en compte les données scientifiques de dangerosité de ces drogues. Notamment, pour le cannabis : sa toxicité cérébro et cardiovasculaire, pulmonaire, psychiatrique, immunitaire, ainsi que ses effets délétères sur la grossesse et l’enfant à naître, et la vulnérabilité du cerveau des jeunes au THC.
« Les items de cette consultation citoyenne sont à l’évidence orientés non vers une démarche de santé publique, mais vers un contrôle du marché illégal du cannabis, dénoncent les Sages. Un objectif utopique, comme le montre la situation du Canada où la légalisation de l’usage récréatif du cannabis n’a pas supprimé le marché parallèle. Celui-ci reste en effet dominant, car l’offre demeure florissante - et à un moindre coût pour l’usager - d’un cannabis comportant des concentrations plus élevées de THC, par rapport aux produits légalement commercialisés. » Quant à l’argument de recettes résultant des taxes encaissées sur la vente du cannabis légalisé, il est un leurre : comme pour le tabac, les dépenses sanitaires et sociales induites seront très supérieures aux recettes fiscales.
Pour les académiciens, la France devrait plutôt mettre en œuvre, avant toute initiative, une information objective des citoyens sur les conséquences sanitaires, médicosociales et économiques de l’usage du cannabis. « La prévention et l’information sont presque inexistantes dans les programmes éducatifs en milieu scolaire ou universitaire », soulignent les Sages, en rappelant que l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies, dans son rapport de 2017, a décerné un blâme à la France, tout premier consommateur de cannabis en Europe.