Si, dans l’histoire, les médicaments étaient hiérarchisés par ordre de notoriété, il est probable que l’allopurinol ne figurerait pas parmi les plus populaires. Discret, il compte au nombre des acteurs souvent présents dans les prescriptions mais jamais placés sous les feux de la rampe. Il est en fait indirectement issu de recherches menées aux États-Unis dès les années 1940 et portant sur les analogues des bases puriques et pyrimidiques, connus pour interférer avec la synthèse des acides nucléiques et avoir de ce fait une activité antimétabolite laissant présager d’un fort potentiel antibactérien et antinéoplasique.
C’est dans ce contexte que le chimiste George H. Hitchings (1905-1998) et l’une de ses collègues, Gertrude B. Elion (1918-1999), exploraient les dérivés de ces bases dans le centre de recherche Wellcome-Burroughs (devenu GSK), en Caroline du Nord, et en testaient les effets dans l’institut cancérologique Sloan-Kettering de New-York. Ils découvrirent ainsi un antimétabolite qui devait passer à la postérité : la 6-mercaptopurine (6-MP), toujours utilisée dans le traitement de diverses leucémies (Purinéthol). En explorant son métabolisme, les pharmacologues découvrirent en 1954 que la 6-MP était oxydée en acide 6-thiourique par la xanthine-oxydase, une enzyme ubiquitaire dans le règne animal et connue pour catalyser la transformation de l’hypoxanthine en xanthine puis en acide urique.
Isomère de l’hypoxanthine
Cette observation suggéra que des inhibiteurs de l’enzyme pourraient contribuer à améliorer le traitement des leucémies lymphoblastiques aiguës, en inhibant le catabolisme de la 6-LMP et en potentialisant ainsi son action. Le laboratoire Wellcome avait alors à sa disposition de nombreux inhibiteurs de la xanthine-oxydase, devenu l’une des cibles de ses recherches sous l’autorité de la biochimiste Doris C. Lorz. Parmi eux, l’allopurinol, un isomère de l’hypoxanthine : ce composé synthétisé en 1956 par le chimiste américain Roland K. Robins (1926-1992) constituait un candidat de choix en raison de son activité puissante, de sa cinétique favorable, de son index thérapeutique satisfaisant et de son métabolisme livrant de l’oxypurinol actif. Il fut testé cliniquement par l’hématologue américain R. Wayne Rundles (1911-1991) mais la co-thérapie ne fut pas probante en cancérologie : la concentration de 6-MP augmenta, mais au prix d’une toxicité difficilement gérable. Par contre, l’allopurinol se révéla effectivement exercer une activité anti-uricémique remarquable suggérant son intérêt dans la goutte. Les premières études pharmacologiques confirmèrent qu’il bloquait la formation de l’acide urique mais qu’il exposait à une accumulation potentielle d’hypoxanthine, aussi insoluble que l’acide et susceptible de former ainsi des cristaux qui pouvaient se révéler problématiques. L’expérience clinique montra toutefois que si de tels calculs se formaient chez le chien traité longtemps et à forte dose par allopurinol, ils étaient en revanche très rares chez l’homme en raison d’un métabolisme différent. De fait, l’allopurinol connaît depuis le succès discret que l’on sait, dans le traitement de la goutte comme dans le contrôle des diverses formes d’hyperuricémie.
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