SAGA illustrative que celle qui mène de l’écorce de saule à la mission Apollo ! Les médecins de l’Antiquité à la Renaissance connaissaient les propriétés antalgiques et fébrifuges du saule et de la reine-des-prés (Filipendula ulmaria, anciennement Spiraea ulmaria), mais ces plantes pâtirent de la concurrence de l’écorce de quinquina ramenée d’Amérique latine au XVIIe siècle… C’est peut-être ce qui explique qu’il ait fallu attendre 1763 pour qu’un Anglais, le révérend Edward Edmund Stone (1702-1768), publie la première communication sur ce sujet (Rapport sur le succès de l’écorce de saule dans le traitement des fièvres), une étude clinique ayant porté sur une cinquantaine de malades suivis pendant cinq ans.
En 1828, des cristaux en aiguilles, jaunâtres, amers, furent isolés du saule blanc - et nommés en référence à cet arbre - par un pharmacien de Munich, Johann Andreas Buchner (1783-1852) : la salicine (deux pharmaciens de la région de Vérone, Bartolomeo Rigatelli et Francesco Fontana, avaient mis en évidence cette substance en 1825 sans la purifier).
Cette saga continua loin de l’Italie. À Vitry le François, un pharmacien, Pierre-Joseph Leroux (1795-1870), montra en 1829 que cette salicine n’était autre que le salicylate de glucose.
En 1835, le pharmacien suisse Johann Pagenstecher (1783-1856) extrait de la reine-des-prés l’aldéhyde spiroïque que le chimiste allemand Karl Jacob Löwig (1803-1890) oxyda en acide salicylique. En 1838, Raffaele Piria (1814-1865), chimiste italien travaillant à Paris transforma, lui, la salicine du saule en acide salicylique. Enfin, le développement de la chimie organique permit, en 1859, au chimiste allemand Hermann Kolbe (1818-1894) de réussir la synthèse totale de l’acide en faisant réagir du dioxyde de carbone sur du phénol en présence de sodium. Les propriétés antirhumatismales remarquables de l’acide salicylique n’empêchaient pas que son amertume en rende l’administration difficile ; il se révéla de plus rapidement capable de provoquer des brûlures digestives douloureuses et des ulcères hémorragiques. Il importait de proposer un dérivé aussi actif mais mieux toléré.
Ce produit existait mais il était resté inaperçu : en 1853, un Français, Charles Frédéric Gerhardt (1816-1856), en estérifiant la fonction phénol de l’acide salicylique par de l’anhydride acétique avait « inventé » l’acide acétylsalicylique sans donner suite à ce travail.
1899 : un Allemand, Félix Hoffmann (1868-1946), chimiste chez Bayer, redécouvrit l’acide délaissé par le Français. Il le donna immédiatement… à son propre père, arthritique avec des résultats excellents. Bayer commercialisa la spécialité en février 1900 sous le nom d’« Aspirin » : « A » pour « acétyl », « spir » pour spirée, « in » car ce postfixe était banalement ajouté aux noms de médicaments : ce nom passa vite dans le langage courant. Savez-vous que l’aspirine fit partie des « meubles » que les Allemands cédèrent lors de leur capitulation en 1919 ? Qu’il accompagna l’homme sur la Lune en 1969 ? Qu’avec quelque 100 milliards de comprimés avalés chaque année, il représente le premier médicament sur la planète ?
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