VOILÀ CE QU’EN DIT l’un de ses premiers admirateurs, le baron Thiebault, dans ses célèbres Mémoires : « J’ai dit que M. Cadet, le père de mon ami Charles-Louis avait épousé l’une des plus belles femmes de France. On connaît les fastueuses amours de Louis XV, le zèle des agents pour découvrir et livrer à la fantaisie de ce monarque des beautés nouvelles. Madame Cadet lui fut signalée ; il paraît qu’elle ne résista pas et qu’elle sortit des bras de sa Majesté grosse de Charles-Louis Cadet de Gassicourt. » Très vite, la rumeur fit le tour de la cour. On murmura, on rapporta, on s’interrogea dans les couloirs de Versailles, lorsqu’un jour, au petit matin, la jeune Marie-Thérèse Boisselet, sortit de la chambre royale. Louis XV avait jeté son dévolu sur elle, et, pour quelques nuits, elle remplaça la Du Barry. Le roi demandera même à ce que l’enfant lui soit présenté à la cour. Devenu jeune homme, Charles-Louis ne put échapper à cette prétendue origine royale, tant les traits de son visage rappelaient ceux de Louis XV, ce qui fit le désespoir de son père légal, le grand pharmacien de l’époque, Louis-Claude Cadet. Ce dernier, qui avait connu Lavoisier et qui eut des débats d’opinion avec Antoine Baumé, aurait pourtant été fier de savoir que son fils embrassera la carrière de pharmacien et s’opposera farouchement à toute forme de charlatanisme. Cependant, à l’heure de sa mort, le vieux scientifique refusa d’ouvrir sa porte à son fils pour qu’il puisse lui dire adieu.
Fougue.
Que ce soit en l’honneur de la longue lignée des Cadet, ou que ce soit les stigmates de son présumé illustre géniteur, toujours est-il que Charles-Louis sut très tôt se faire remarquer par son esprit et sa fougue. À 18 ans, il était déjà reçu avocat et lorsqu’éclata la Révolution, il s’emporta pour les idées nouvelles, pour la défense des pauvres, pour le bien social, pour toutes ces lueurs d’espoir dont il avait été le petit garçon attentif quand d’Alembert, Franklin, Condorcet et Buffon passaient chez son père. Il voulut donc œuvrer en politique. On lui confia d’abord la tête d’un bataillon de la garde nationale et il marcha contre les pillards qui dévastaient le couvent Saint-Lazare. Puis, il se retrouva chef de la section révolutionnaire du Mont-Blanc, mais osant se prononcer contre la Convention et accusé d’avoir participé à l’insurrection royaliste du 13 vendémiaire, il dut se réfugier dans le Berry pour éviter la guillotine. Condamné à mort par contumace, son effigie sera tout de même exécutée en Place de Grève. Une fois les troubles passés, il revint à Paris et assista au coup d’état du 18 brumaire, tout en s’adonnant à l’écriture, une activité qu’il adorait et qui lui avait permis d’acquérir une petite notoriété, notamment grâce à sa pièce de théâtre, Le Souper de Molière.
Sensible et humaniste mais ne pouvant vivre seulement de sa plume, il décida finalement d’entrer dans le rang de ses prédécesseurs. Des études de pharmacie, ce n’était sûrement pas sa vocation. Mais il souhaitait conserver l’officine de son père. Il avait aussi l’idée de défendre la vraie pharmacie contre les charlatans. Il fut bientôt à l’origine de la réorganisation du Conseil de Salubrité Publique aux côtés de Parmentier et de Deyeux, ce qui lui permit, en tant que secrétaire général pendant 19 ans, de s’attaquer aux dérives de la pharmacie, aux drogues dangereuses mises en vente de manière illicite. On le retrouve également membre de la Société de pharmacie (dont il deviendra le président, en 1818), puis auteur d’ouvrages scientifiques, dont « le Dictionnaire de Chimie » (1803) et « le Formulaire magistral et mémorial pharmaceutique » (1812), ainsi que de nombreux articles, notamment pour « le Dictionnaire des sciences médicales », « les Annales des faits et sciences militaires » et « le Journal de pharmacie », dont il fut l’un des fondateurs. Devenu incontournable dans le milieu scientifique de son époque, il rédigera deux thèses pour obtenir le titre de Docteur ès sciences.
Le pharmacien de Napoléon.
Mais on ne peut parler de Charles-Louis Cadet de Gassicourt, sans parler de Napoléon Bonaparte (les deux hommes sont nés et mourront la même année). Celui-ci le nomma son « pharmacien ordinaire » en 1809. Charles-Louis le suivit dans ses expéditions, sur les champs de bataille, à Wagram… Et lorsque Napoléon sentit sa fin proche, c’est à son pharmacien qu’il s’adressa, celui qui a le pouvoir de vie ou de mort. L’empereur lui commanda en secret un poison qu’il puisse ingurgiter après la défaite de Waterloo. Mais regrettant son geste, Napoléon rappela Charles-Louis à son secours, qui le sauva de justesse ! Et pourtant, quelques années plus tard, lorsque Napoléon mourut d’un ulcère à l’estomac, Charles-Louis ne put s’empêcher de repenser à cet événement, à cette petite pilule funeste qui ne ressemblait que trop à toutes ces drogues de charlatans qu’il ne cessait de vouloir interdire au quotidien.
Contre les produits dangereux et les charlatans ! C’était le combat de sa vie, qui lui attira d’ailleurs de nombreux ennemis. À ce sujet, une controverse célèbre avec l’apothicaire Mettemberg, reflète les difficultés rencontrées à l’époque pour combattre le charlatanisme. Mettemberg n’hésita pas à répondre en faisant référence au douteux remède « eau de Cagliostro » que vendait alors Charles-Louis : « Vous dénoncez l’eau de Mettemberg, Monsieur l’apothicaire-versificateur, publiciste et administrateur, parce que vous croyez que la vente de ce remède autorisé peut nuire au débit des drogues illicites, étalées dans votre boutique, rue Saint-Honoré, n° 108. »
Contre les charlatans ! Ce digne combat finit par épuiser Charles-Louis Cadet de Gassicourt qui mourut en 1821, chevalier d’Empire, opposé à la restauration de la Monarchie, sans démériter la lignée des Cadet.
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