C’EST EN 1862 qu’Augustus Matthiessen (1831-1870) fut nommé attaché à l’école de médecine du Saint Mary’s Hospital de Londres. Connu pour ses travaux sur l’électrolyse, ce chimiste anglais travailla, de retour dans son pays, sur les alcaloïdes extraits de l’opium. Associé à Charles Alder Wright (1844-1894), les deux hommes eurent l’idée de chauffer de la morphine avec de l’acide chlorhydrique concentré et obtinrent un produit qu’ils appelèrent « apomorphia ». La structure de cet émétique fut élucidée en 1902 par le chimiste allemand Robert Pschorr (1868-1930) : c’est désormais l’apomorphine utilisée dans le traitement de la maladie de Parkinson.
Dépressif, Matthiessen mit fin à ses jours le 6 octobre 1870 et Wright continua seul le travail sur les sels et esters de la morphine. L’action de l’anhydride acétique livra en 1874 une « diamorphine » (abréviation de « diacétylmorphine »), qui passa d’autant plus inaperçue que les tests sur animaux conduits par un pharmacologue de Manchester, F.M. Pierce, furent bâclés. Ralph Stockman (1861-1946) et David B. Dott, deux pharmacologues de l’université d’Edimbourg, s’intéressèrent de nouveau à la diacétylmorphine à la fin des années 1880 : pour eux, elle avait une action dépressogène respiratoire supérieure à celle de la morphine mais était moins sédative. La direction du laboratoire Merck, le célèbre producteur d’alcaloïdes de Darmstadt, suggéra alors à Joseph von Mering (1849-1908) de vérifier leurs observations : l’administration à des patients tuberculeux le convainquit qu’il s’agissait d’un antitussif et d’un antalgique puissant mais, curieusement, ses observations en restèrent là et le Merck mis sur le marché un autre dérivé qu’il avait étudié : l’éthylmorphine.
Redécouverte.
En 1895, une équipe du laboratoire Bayer d’Elberfeld dirigée par le chimiste Arthur Eichengrün (1867-1949), s’intéressa aux esters des substances présentant une fonction phénol, réputés mieux tolérés au plan digestif. C’est dans ce contexte que, deux ans plus tard, le chimiste allemand Félix Hoffmann (1868-1946) - nous l’avons déjà rencontré : il est le père de l’aspirine ! - synthétisa à nouveau… la diacétylmorphine de Wright. Heinrich Dreser (1860-1925), responsable de la recherche chez Bayer, la testa sur animal, puis sur... des patients tuberculeux. Enthousiasmé par ce traitement de choc, il préconisa de l’employer comme une médication « héroïque » de la tuberculose. Le médicament fut commercialisé dès septembre 1898, sous le nom déposé d’Heroin, pour traiter les douleurs et la toux. Dreser quant à lui publia ses travaux sans faire référence à Wright, Eichengrün ou Hofmann. La publicité accompagnant l’Heroin fut considérable et, rapidement, son usage devint abusif - même Dreser n’échappa pas à la drogue dont il chercha toujours à montrer l’innocuité ! -. Des centaines de milliers de personnes en devinrent dépendantes (rien qu’aux États-Unis, on les estimait à environ un demi-million à la veille de la Première Guerre mondiale). Il fallut attendre 1912 pour que les premières mesures contrôlant son utilisation médicale fussent mises en œuvre : elles n’empêchèrent guère la diacétylmorphine de devenir l’une des « vedettes » de la scène des addictions sous le nom populaire… d’héroïne.
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