POINT de départ de l’histoire : une Fabacée de nos campagnes, la rue-de-chèvre ou sainfoin d’Espagne (Galega officinalis). Les vertus antidiabétiques de cette plante, que sa toxicité n’empêchait pas d’utiliser fréquemment dans l’Europe médiévale comme galactogène et pour traiter la polyurie, furent décrites au XVIIe siècle par le naturaliste anglais Nicholas Culpeper (1616-1654). Cependant, elle conserva son mystère jusqu’en 1914, année où le chimiste Georges Tanret en extrait la galégine, un dérivé de la guanidine doté de propriétés hypoglycémiantes et testé dans les années vingt. En 1918, C K Watanabe (Yale) nota que la guanidine injectée à des lapins induisait une forte hypoglycémie : sa toxicité empêchait toutefois de l’utiliser en thérapeutique. Les physiologistes E. Frank, M. Nothmann et A. Wagner étudièrent des mono- ou biguanidines mieux tolérées : le diguanidyl-décaméthylène, obtenu en 1926 et commercialisé par le laboratoire allemand Schering en 1928 (Synthalin) fut toutefois abandonné dès les années 1930 en raison de son hépatotoxicité.
C’est à cette époque, en 1922, que la metformine fut synthétisée au Trinity College de Dublin par Emil A. Werner (1864-1951) et James Bell (1899-1941) : elle était alors connue comme N-N-diméthylguanidine. En 1929, les biochimistes allemands Karl H. Slotta (1895-1987) et Rudolf Tschesche (1905-1981) montrèrent qu’elle abaissait fortement la glycémie chez le lapin mais leur observation passa inaperçue alors que l’insulinothérapie se développait.
Une saga riche en rebondissements.
Près de vingt ans s’écoulèrent avant que la metformine ne réémerge, à la fin des années 1940 par un hasard singulier. Un infectiologue philippin, Eusebio Y. Garcia, lui prêtant des propriétés antipaludiques et antivirales (elle est proche de la chlorguanidine ou proguanil de la Paludrine), l’utilisa pour traiter la grippe, sous le nom de Flumamine : il observa qu’elle réduisait la glycémie. Mais un pharmacologue polonais, Janusz Supniewski (1899-1964), ne retrouva pas ces effets en 1954. À l’en croire, il s’agissait tout au plus d’un antiviral peu puissant… L’histoire des biguanides hypoglycémiantes aurait donc pu s’arrêter là… D’autant que, peu après, aux États-Unis, la phényléthyl-biguanidine (phenformine), synthétisée en 1957 par l’équipe américaine de Seymour L. Shapiro (1916-1961) et introduite dans le traitement du diabète en 1958 sous le nom de « DBI », entraîna des acidoses lactiques parfois fatales : elle fut retirée du commerce à la fin des années 1970.
La saga connut un rebondissement avec les travaux d’un endocrinologue de l’hôpital de La Pitié, Jean Sterne (1909-1997). Intrigué par l’observation de Garcia, il compara les propriétés antidiabétiques de la phenformine et de la metformine. Ses résultats très en faveur de cette dernière furent publiés en 1957 et elle fut commercialisée sous le nom de Glucophage (« qui mange du glucose ») dans le traitement du diabète de type 2.
La metformine ne connut cependant de succès qu’à partir des années 1970 en Europe… Et plus tard aux États-Unis où elle fut agréée par la FDA en… 1994. Restant, depuis, le premier antidiabétique prescrit sur la planète, elle n’a pas fini de livrer ses secrets : des études suggèrent notamment qu’elle aurait un effet anticancéreux.
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