QUI aurait pu imaginer que la forêt de Wareham, une localité du Dorset (comté du sud de l’Angleterre, sur les côtes de la Manche) serait un jour à l’origine d’une découverte capitale en infectiologie ? Et pourtant. Tout y commença lorsque constat fut fait dans les années 1930 que les conifères plantés quelques années auparavant y poussaient mal : l’analyse révéla que l’infortune des forestiers tenait probablement à la présence d’une substance toxique inhibant la formation des mycorhizes indispensables à la croissance des arbres. Pendant la seconde guerre mondiale, les botanistes P.W. Brian, H.G. Hemming et J.C. McGowan de la station de recherches de Jealott’s Hill à Bracknell (Berkshire) découvrirent que certains des micro-organismes fongiques généralement abondants dans toute terre forestière étaient fortement raréfiés dans celle de Wareham, qui, en revanche, s’avérait riche en souches de divers pénicilliums. Mises en culture, ces dernières furent testées sur Botrytis allii, et l’une d’elles, Penicillium janczewskii, se révéla induire de curieuses anomalies morphologiques sur ce champignon. La substance active qui en fut extraite puis cristallisée en 1945 fut appelée « curling factor », le « facteur frisant », en raison de la forme singulière qu’elle donnait au Botrytis avant que l’on constate, en 1947, qu’il s’agissait de la griséofulvine, déjà extraite de Penicillium griseofulvium par les chimistes Harold Raistrick (1890-1971) et Albert E. Oxford à Londres en 1939 - sans que son activité antibiotique ne fût alors suspectée -.
Par voie orale.
La structure chimique de la griséofulvine fut élucidée en 1952 par le chimiste anglais John F. Grove (1921-2003) et ses collègues, au centre de recherches Akers du laboratoire ICI qui imaginait en faire un antifongique utile en agronomie : la molécule ne tint pas ses promesses dans ce domaine. Les choses en seraient restées là si des cliniciens de l’hôpital de Poznan (Pologne) n’avaient montré en 1957 l’efficacité antifongique inattendue de l’acide salicylhydroxamique, fondant un paradigme nouveau puisque leur observation prouva, pour la première fois, qu’une infection fongique pouvait être traitée par voie orale. L’observation revêtait une importance particulière car les médicaments actifs sur les mycoses restaient très peu nombreux : le premier antifongique véritable, la nystatine, n’avait été découvert en effet qu’en 1949. Cela tenait à la nature même des fungi : ces organismes sont eucaryotes comme nos cellules et il est donc difficile de trouver des substances suffisamment sélectives pour être actives par voie générale tout en respectant les tissus humains.
La publication polonaise fut remarquée par James C. Gentles (1921-1997), un mycologiste de l’université de Glasgow en quête d’un antifongique efficace sur les lésions macérées à Trichophyton et Épidermophyton dont souffraient fréquemment les mineurs des mines de charbon. Il testa avec un rapide succès, en 1958, la griséofulvine sur des cochons d’inde infectés par Microsporum canis et Trichophyton mentagrophytes. Les dermatologues anglais David I. Williams (1913-1994), Robert H. Marten (1921-2010) et Imrich Sarkany (1923-2005) l’utilisèrent chez l’homme la même année. Il fut montré par la suite que cet antifongique s’accumulait dans la kératine, ce qui expliquait son intérêt dans le traitement des mycoses dermatophytiques des phanères ou de la peau. Produite à l’échelle industrielle, la griséofulvine (Griséfuline) devint en 1959 le premier antifongique administré par voie orale.
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