C’est Aimé Balssa qui nous accueille devant la Villégiale qui a tout aujourd’hui d’un bâtiment moderne du centre-ville. Président de la Société culturelle du Pays castrais, cet ancien salarié des Laboratoires Fabre, de surcroît marié à une pharmacienne, se passionne pour l’histoire de la pharmacie de sa région depuis plusieurs années au point d’avoir rédigé un bel ouvrage très instructif intitulé « Se Soigner à Castres, au temps des rois » (2007). Si la ville est fortement marquée par la figure de Pierre Fabre, que l’on rencontre au détour de nombreuses places et rues, Aimé Balssa tient à nous conter une histoire pharmaceutique antérieure à l’arrivée du grand pharmacien. L’un des principaux témoins de cette histoire est la belle apothicairerie de la Villégiale Saint-Jacques, dont personne, pourtant, ne semble faire grand cas.
Seule, dans la pénombre silencieuse de la maison de retraite, pots et boiseries n’attirent pas beaucoup de visiteurs. Après avoir demandé que l’éclairage soit activé, Aimé Balssa nous invite à pénétrer dans la pièce tapissée de grandes armoires à pharmacie en beau bois de merisier. Elle se présente en tout point comme à l’époque, à ceci près qu’il devait y avoir un laboratoire attenant, aujourd’hui disparu, et beaucoup plus de pots à pharmacie. En effet, « le temps et l’incurie des hommes ont contribué à une perte importante d’objets qui appartenaient à l’apothicairerie. La belle porte d’entrée avec des fers aux armes de Mgr de Royère a également disparu pendant les travaux de réfection » déplore notre guide. Cependant, de bonnes surprises peuvent aussi advenir puisque, récemment, « un flacon a été donné à la Société Culturelle du Pays castrais pour qu’il retourne à sa place d’origine, c’est-à-dire sur les étagères de l’apothicairerie ». Il n’est pas rare en effet que, à plusieurs reprises, pots et flacons historiques aient été donnés au personnel médical à leur entrée à l’hôpital. Un retour comme celui-ci est une excellente nouvelle pour Aimé Balssa qui tente, petit à petit, de combler les parties encore vides des étagères.
Monument historique
Il nous apprend que, dès le XIIIe siècle, un Hôtel-Dieu Saint-Jacques existait à l’intérieur des murs de la ville. Mais, au XVIIIe siècle, comme dans beaucoup d’autres villes, les institutions hospitalières furent déplacées hors les murs pour des raisons d’agrandissement et d’hygiène. À Castres, c’est en 1763, à l’initiative de Mgr de Baral, qu’un nouvel immeuble est construit pour accueillir plus de lits ainsi que cinq sœurs de la Charité de Saint Vincent de Paul qui y installeront une première pharmacie hospitalière. En 1781, son successeur, Mgr de Royère, dernier évêque de Castres, modernise à son tour le lieu, capable désormais d’accueillir 87 lits répartis entre les hommes, les femmes et les militaires. La vocation première de l’établissement est le soin aux malades et aux blessés. Dans ce contexte, une nouvelle apothicairerie est édifiée en 1781, celle-là même que l’on voit aujourd’hui et qui a été classée Monument historique en 1977. À l’intérieur, les sœurs avaient le contrôle de la gestion des médicaments et des soins infirmiers sous la conduite de la sœur supérieure Magdeleine Richard, qui restera à la tête de l’apothicairerie jusqu’à sa mort, en 1827, malgré une interruption d’activité pendant la Révolution. Puis, l’hôpital fonctionnera jusque dans les années 1960, avant d’être transformé en maison de retraite.
Dès lors, au fil des années, des éléments de l’histoire hospitalière sont réapparus et sont aujourd’hui mis en valeur dans l’apothicairerie : plusieurs flacons datés du XVIIIe et du XIXe siècle, une grande balance à fléau en laiton, ainsi qu’une série de faïences bleue et blanche datée probablement du XVIIe siècle. À noter, plus particulièrement, deux séries de quatre grands pots de monstre : la première datée du XVII-XVIIIe siècle à l’inscription de « Catholicum », « Diascordium », « Confection d’Hyacinthe » et « Thériaque » ; la seconde, plus récente, en porcelaine du XIXe siècle, à l’inscription de « Thériaque », « Orvietan », « Diascordium » et « Tamarin », peut-être commandée pour remplacer la première série, assez abîmée. Deux portraits d’un couple de bienfaiteurs de l’hôpital ont également trouvé place et nous séduisent par la qualité de la peinture due à l’artiste castrais Jean Valette, qui a représenté Pierre-Jacques Roques (1773-1826), greffier au tribunal de la ville, et son épouse Marie-Rose Roucariès (1780-1835).
Mystères
Encore plus beaux et plus mystérieux, deux grands vases boules d’apparat en majolique, de très belle facture, aux inscriptions de « Mithridate » et « Thériaque », datés probablement de la fin du XVIe siècle. Auparavant conservés à l’abri des regards dans le bureau du directeur de l’institution, ils embellissent désormais les étagères boisées sans qu’Aimé Balssa n’ait pu encore les identifier précisément. Appartenaient-ils à l’ancienne pharmacie ? Proviennent-ils de Nîmes, de l’atelier du potier Antoine Syjalon par exemple, ou de Montpellier ? Notre guide historien nous confie qu’il est prêt à recevoir tout avis d’expert ou de connaisseur pour percer les mystères de ces deux magnifiques pots. De la même façon, toute personne susceptible d’en connaître plus sur l’apothicairerie ou qui serait en capacité de réaliser un don pour toute restitution d’objets qui auraient appartenu à cette pharmacie est chaleureusement invitée à prendre contact avec la Société Culturelle du Pays castrais. S’il ne s’agit pas d’un musée, l’apothicairerie de la Villégiale Saint Jacques peut se visiter sur demande et fait désormais partie d’un parcours de visite à l’occasion des Journées du Patrimoine. Une petite renaissance pour un lieu longtemps resté dans l’ombre.
Informations : Société Culturelle du Pays castrais, tel : 05 63 35 31 50 ; email : scpc@sfr.fr.
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