DEPUIS le 5 décembre 1791, la mort de l’un des compositeurs les plus géniaux de l’histoire questionne la médecine. En 2010, Lucien Karhausen, un médecin allemand, a compilé quelque 140 diagnostics, parfois farfelus, prétendant expliquer le décès de Mozart - c’est de lui qu’il s’agit - : grippe, infection streptococcique, « suette » (infection mystérieuse sévissant à l’époque en Europe, probablement une infection à hantavirus), accident vasculaire cérébral, voire empoisonnement dans un contexte de jalousie (celle de son rival Antonio Salieri) ou de règlement de compte franc-maçonnique… En l’absence de dépouille se prêtant à l’analyse toxicologique, il est difficile de prouver la véracité de ces hypothèses. La version souvent officialisée, celle du médecin viennois Anton Neumayr, est sujette à controverse : il est peu probable que Mozart ait succombé à des rhumatismes articulaires aigus puisque cette maladie n’est pas en elle-même fatale et car, deux mois avant son décès, le compositeur jouait encore avec une hallucinante virtuosité…
Un tonique mercuriel.
Une musicologue, Michèle Lhopiteau, et un légiste, François Cerutti, ont apporté une pièce à cette énigme qui jette un regard singulier sur l’usage d’un médicament « dopant » populaire au Siècle des Lumières.
Ce médicament, c’est un Hollandais, le docteur Gerhard van Swieten (1700-1772), médecin personnel de l’impératrice Marie-Thérèse à Vienne, qui l’imagina. Ce brillant anatomiste, cherchant des traitements contre les maladies vénériennes, formula une liqueur réputée efficace contre la syphilis : il s’agissait d’une solution hydroalcoolique de bichlorure de mercure contenant 0,1 % de sublimé corrosif, utilisée à raison d’une cuillère par verre d’eau sucrée ou de lait. Cet élixir fut distribué aux soldats autrichiens souvent victimes de la « vérole ». Ses propriétés toniques expliquèrent qu’il ait constitué pendant quasiment en siècle, à partir de 1760, un « remontant » à la mode dans l’Europe entière. Dans ce contexte, Mozart, proche du fils du médecin, Gottfried van Swieten (1733-1803), compositeur de piètre renommée, fut amené à y recourir : Gottfried avait toutes les facilités pour lui en apporter… Et Mozart en consomma probablement jusqu’à l’abus.
L’année 1791 était chargée pour le musicien qui, épuisé, multiplia les prises de « dopants ». Sa femme Clémence, rentrant de Baden où elle se reposait après la mise au monde de Franz-Xaver, le trouva asthénié, victime de vertiges, œdémateux, en proie à des vomissements, des troubles intestinaux et, surtout, à de violentes douleurs dans les reins. Coupable possible : la fameuse liqueur de van Sweiten. En effet, la toxicité rénale des sels mercuriels est connue : nombre de leurs usagers sont décédés d’une néphropathie aiguë.
C’est peut-être le mercure qui fut ainsi fatal à Mozart. Quant à la liqueur de van Sweiten, elle tomba en disgrâce à la fin du XIXe siècle : en 1863, le médecin français François-Vincent Raspail (1794-1878) dénonça sa toxicité puis Augustin Nicolas Gilbert (1858-1927), un autre médecin, la fit retirer de la Pharmacopée française en 1880.
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin