C’est au début des années 1960 qu’un psychiatre suisse, Paul Kielholz (1916-1990), découvrit l’intérêt des antidépresseurs tricycliques, dont il corrélait l’activité à leur capacité à inhiber la recapture de la noradrénaline dans le cerveau. Ce dogme fut remis en question en 1968, lorsque le neurobiologiste suédois Arvid Carlsson montra qu’ils inhibaient également la recapture de la sérotonine. Son observation inspira Izyaslav P. Lapin et Gregory F. Oxenkrug à Leningrad : ils suggérèrent en 1969 que l’action antidépressive était associée à l’augmentation du tonus sérotoninergique - celle du tonus noradrénergique l’étant, elle, à l’amélioration des troubles moteurs classiques chez le sujet déprimé -. Dès lors, plusieurs équipes s’investirent dans la conception d’antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).
Carlsson testa l’impact d’anti-H1 connus pour inhiber la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline : la chlorphéniramine se révéla agir assez spécifiquement sur la sérotonine et manifesta une certaine action antidépressive. Collaborant avec Peder Berntsson et Hans Corrodi à Göteborg, il développa en 1971 un dérivé qui bénéficiait d’un excellent profil ISRS : commercialisée en 1982, la zimélidine (Zelmid) fut rapidement retirée du marché car elle exposait à un risque de syndrome de Guillain-Barré. Un second ISRS conçu en 1977 par le pharmacologue français Gérard Le Fur, l’indalpine (Upstène), eut aussi une existence fugace, étant responsable d’agranulocytoses. Enfin, la fluvoxamine (Floxyfral), commercialisée depuis le milieu des années quatre-vingt, sut concilier efficacité et tolérance.
Fluoxétine, un block-buster
Parallèlement, la recherche avançait Outre-Atlantique. Le chimiste Bryan B. Molloy (1939-2004) synthétisa en 1971 chez Eli-Lilly des analogues de la diphénhydramine, un anti-H1 proche de la chlorphéniramine. Le pharmacologue Robert C. Rathburn et son assistant Richard Kattau en testèrent la capacité à contrer l’hypothermie induite par l’apomorphine chez la souris. Ce test discriminant seulement les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline, David T. Wong, étudia en 1972 leur capacité à inhiber la recapture de la sérotonine. Il remarqua le LY-110140 dont il confirma en juillet 1972 la puissante propriété ISRS. Ce produit s’avéra pourtant décevant une fois soumis aux tests animaux spécifiques aux antidépresseurs conduits par Frank P. Bymaster et Ray W. Fuller. Le laboratoire décida malgré tout de l’essayer en clinique à la fin des années 1970. Les résultats obtenus, notamment par Herbert Y. Meltzer, déçurent encore : la fluoxétine induisait de l’agitation et des dystonies mais n’avait quasiment pas d’action antidépressive. Finalement, un essai réalisé chez des patients atteints de dépression légère par Louis F. Fabre, un psychiatre texan, livra des résultats assez probants pour que Lilly sollicite l’agrément de la FDA. Bénéficiant d’une extraordinaire publicité, sous forme d’articles et de livres destinés au grand public, cet antidépresseur devint mondialement connu sous le nom de Prozac…
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