MICHEL PARIS, docteur en pharmacie et professeur honoraire de pharmacognosie de l’université Paris XI, Patrice Lahaye, photographe à Houdan, et Carol René Paul Fouché, pharmacien, ont rassemblé leurs connaissances et leurs souvenirs. Ce dernier, petit-fils de René-Paul Fouché, le créateur de la fameuse Boldoflorine, est aujourd’hui à la tête d’un réseau de vente en ligne de tisanes labellisées Fouché. Il poursuit l’aventure familiale tout en préservant le savoir-faire et le patrimoine qui lui est attaché. Documents d’archives, affiches publicitaires, bandes son, boîtes de médicaments, et surtout de nombreux témoignages émouvants et précieux d’anciens salariés de l’usine - « quatre ans de travail » explique Michel Paris – prouvent combien l’aventure des Fouché fut pionnière, notamment dans l’empaquetage des produits et le marketing.
Houdan, 1820. Son clocher, son donjon et, au centre, son usine, imposante, qui domine le village. Symboliquement, tout est là. L’histoire a commencé avec Antoine Fouché, jeune homme issu d’une famille paysanne qui cultivait des plantes aromatiques dans la région de Béziers. Il monte à Paris avec le projet de commercialiser des vins spiritueux. Il s’installe à Houdan, où il débute comme bistrotier. Comme lui, son fils s’intéresse aux plantes dont il extrait les huiles essentielles pour fabriquer des liqueurs. La distillerie-cidrerie moderne, créée vraisemblablement par les frères Paul et Auguste Fouché, va ainsi faire ses premiers pas. On la connaît aujourd’hui grâce à une gravure stylisée qui représente ses bâtiments : le quai de chargement des marchandises, la halle couverte, les grands ateliers, la haute cheminée fumante, la cuve d’alcool, la salle des alambics, la tonnellerie et, au fond, le donjon de Houdan. Une impression de grandeur et d’intense activité s’en dégage. À côté, dans les champs, des saisonniers, venus de Bretagne, immortalisés par d’anciennes photographies, travaillaient à la récolte de l’absinthe, supervisée par un surveillant à cheval, nous laissant une image parlante d’une époque révolue. La fée verte, si appréciée au XIXe siècle, fit ainsi marcher le rendement de l’usine Fouché jusqu’à sa prohibition, en 1915. On pense également au succès de la menthe de Milly à la même époque, dont on a souvent dit qu’elle était la meilleure. Mais certains oseraient peut-être dire qu’elle n’avait rien à envier à celle de Houdan ? L’industrialisation progressive fait en effet la part belle à la concurrence et l’on comprend comment l’entreprise Fouché profite du contexte économique. Comme les Menier, à la même époque, qui se spécialisent dans la fabrication du chocolat, la réussite repose sur de nouvelles technologies, mais surtout sur le socle familial. Chacun a son stand aux grandes expositions universelles. On se jauge et on échange en même temps. Les Fouché auraient-ils rencontré les Menier ?
L’ouvrage ne le dit pas, mais décrit bien les personnages, à la manière d’une saga familiale aussi. Il n’y a qu’à s’attarder, par exemple, sur l’assassinat sordide sur le canal Saint-Martin de Paul-Elie Fouché et l’on se prend à ressentir une certaine curiosité, de celle provoquée par un bon film avec Louis Jouvet (qui, lui, soit dit en passant, fut pharmacien et aimait jouer les médecins !). Mais l’ouvrage, loin d’être seulement anecdotique, conte une histoire pharmaceutique familiale dans une perspective plus universelle.
L’usine de la Boldoflorine.
Au début du XXe siècle, un incendie ravage les bâtiments de la distillerie. Après la guerre, l’entreprise doit se reconvertir. Une usine moderne devient établissement pharmaceutique, où sont effectués le séchage et le broyage des plantes aromatiques et leur conditionnement dans des boîtes vrac, puis dans des infusettes vendues en pharmacie. Ces actions étaient réalisées grâce à deux grands types de machines : les machines françaises Chambon, et les allemandes Constanta, qui permirent la production de plus de 25 000 boîtes par jour. La véritable révolution intervient lorsque René-Paul Fouché crée la formule de la Boldoflorine, brevetée en 1933. Obtenue grâce aux principes actifs de plusieurs plantes, dont le boldo (petit arbre originaire du Chili), le séné, la bourdaine et le romarin, la Boldoflorine est une des premières formes de médication familiale populaire, avec le sirop des Vosges Cazé et Aspro. Bientôt, sur les ondes, on ne cesse d’entendre ce célèbre refrain publicitaire qui marqua plusieurs générations : « La Boldoflorine, la Boldoflorine, la bonne tisane pour le foie. » Voilà le secret : la publicité ! René-Paul est plus qu’un pharmacien-chimiste, il est un précurseur. Lorsqu’il entend la petite musique lors d’une projection de film de Laurel et Hardy, il décide de rencontrer Marcel Bleustein Blanchet, de Publicis, pour faire un des premiers jingle radio. S’ensuivront les affiches, dont certaines sont devenues célèbres, comme celle représentant Florinette, charmante infirmière tenant une tasse fumante, coiffée du bonnet des infirmières de la Grande Guerre et dont le corps est une plante de boldo. René-Paul va même jusqu’à sponsoriser le tour de France cycliste avec une ambulance. Après ce succès, qui dura près de quarante ans, le flambeau fut passé, encore une fois de père en fils, jusqu’à la fermeture définitive de l’usine, en 2003.
À la lecture de cet ouvrage, beaucoup se souviendront, d’autres découvriront avec plaisir une entreprise familiale qui marqua l’histoire de la pharmacie jusqu’à nos jours. Tous s’accorderont pour dire que la Boldoflorine méritait d’être contée.
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