Bien qu’elles fussent controversées, les auto-injections de macérats testiculaires animaux par Brown-Séquard (lire « le Quotidien du Pharmacien » du 21 janvier 2016), n’en inspirèrent pas moins par la suite de nombreux travaux dont ceux d’un certain Albert Pézard (1875-1927), physiologiste, qui entreprit des recherches sur l’origine des caractères sexuels secondaires à la Faculté de médecine de Paris en 1911. Passionné par les gallinacées (!), il découvrit que le développement de la crête du coq dépendait de l’intégrité virile du volatile : l’organe régressait après sa castration pour reprendre sitôt greffés des tissus testiculaires. Pézard synthétisa ses observations en 1926.
L’année suivante, Fred Conrad Koch (1876-1948) et un étudiant, Lemuel C. McGee (1904-1977), physiologistes à l’université de Chicago, proposèrent un test destiné à mettre en évidence l’existence d’un facteur testiculaire mâle : ils montrèrent que des extraits de gonades bovines favorisaient la croissance de la crête des coqs.
De l’urine au testicule
S’inspirant des observations de deux gynécologues berlinois, Selman Ascheim et Bernhardt Zondek, qui avaient montré en 1927 que l’urine de la femme enceinte contenait de grandes quantités d’hormone femelle, un pharmacologue d’origine allemande, Walter Siegfried Loewe (1884-1963), de l’université Dorpat (aujourd’hui université de Tartu, en Estonie), prouva l’année suivante que l’urine masculine contenait une hormone mâle.
Adolf Butenandt (1903-1995, prix Nobel 1939) comprit qu’il pouvait donc s’agir là d’une excellente source d’où extraire l’hormone, en utilisant le test dit de la crête-de-coq pour apprécier l’efficacité de la technique. Il parvint à en isoler en 1930 15 mg à partir de 25 000 litres d’urine dont il avait éliminé la fraction estrogénique : il nomma cette hormone androstérone et en élucida la structure en 1934, année où elle fut synthétisée à partir du cholestérol au laboratoire Ciba (Bâle) par le chimiste yougoslave Lavoslav Ruzicka (1887-1976, prix Nobel 1939) : elle était alors tenue comme l’unique hormone produite dans les testicules. Mais l’histoire ne s’arrêta pas là…
C’est soutenu par le laboratoire Organon que le chimiste allemand Ernst Laqueur (1880-1947), conduisant ses travaux à Amsterdam avec un pharmacologue d’origine hongroise, Janos Freud (1901-1947), qui avait jadis travaillé avec Pézard à Paris, montra que les extraits de l’urine et du testicule standardisés sur le test de la crête-de-coq n’avaient en revanche pas la même activité sur des rats castrés : l’extrait urinaire était moins puissant.
Suspectant qu’il puisse s’agir de deux substances distinctes, ils poursuivirent l’investigation pour finir par extraire en 1935 5 mg d’une hormone qu’ils appelèrent « testostérone », à partir… d’une tonne environ de testicules bovins. Celle-ci se révéla 70 fois plus active que l’androstérone : ils en conclurent avec pertinence qu’il s’agissait de l’hormone princeps (dont l’androstérone était un métabolite), un produit qui devait connaître rapidement, on le sait, un destin trouble dans le monde du sport et du culturisme.
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