Surnommé « l’arche de Noé » en raison des pseudonymes d’animaux derrière lesquels se cachaient ses membres, le réseau compta jusqu’à 2 900 combattants issus de toutes les régions et de tous les milieux.
Parmi eux, un pharmacien breton, Georges Roudaut, aide dès 1941 des aviateurs britanniques abattus en France à rejoindre leur pays puis, un an plus tard, repère et cartographie les installations militaires allemandes situées sur la côte nord du Finistère. Le 20 novembre 1943, la Gestapo l’arrête dans sa pharmacie de Lesneven, non loin de Brest : commencent alors les interrogatoires et les séjours en prison, avant une déportation au camp de Schirmeck, en Alsace occupée. Accusé d’espionnage, il ne sera jamais jugé : dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, alors que les Alliés progressent dans les Vosges, il est conduit au camp de concentration voisin du Struthof et exécuté avec 105 de ses camarades.
Un tir d’artillerie allemand détruit la pharmacie
65 ans plus tard, en 2008, le chercheur Guy Caraes se met à étudier ce réseau alors un peu oublié de l’histoire officielle, en raison notamment de ses liens politiques et militaires avec l’Angleterre. « Un jour, explique-t-il, un pharmacien m’a appelé pour me raconter sa tragédie familiale : bouleversé par cette rencontre, j’ai décidé de l’aider à retracer la destinée de son père, Georges Roudaut. » Ce pharmacien, René Roudaut, est né deux mois jour pour jour avant l’arrestation de son père, qui va changer sa vie : « Ce père disparu, que je n’ai pas connu, m’accompagne pourtant tous les jours depuis ma naissance », explique-t-il sans cacher son émotion. « Je n’ai pas eu de père pour me faire grandir, et tous les souvenirs ont brûlé quand un tir d’artillerie allemand a détruit la pharmacie lors des combats pour la libération de Lesneven. » Grâce aux lois de la chimie, sa famille a toutefois pu sauver son alliance en or : « il maniait du mercure dans son laboratoire et avait donc dû l’enlever, mais la Gestapo ne l’a pas trouvée quand elle l’a surpris en plein travail » termine René Roudaut, qui la porte pieusement depuis sa jeunesse.
Conter l'histoire pour sortir du silence
Passionné d’histoire, René Roudaut se serait sans doute tourné vers une carrière d’archéologue si son père avait vécu : « je suis devenu pharmacien parce qu’il fallait que je continue, pour lui, cette tradition familiale. » Il ne regrette d’ailleurs absolument pas ce choix et estime avoir été très heureux dans sa vie professionnelle, terminée depuis maintenant 13 ans. À l’image de beaucoup de familles frappées par la guerre, la mère et les proches de René Roudaut enfermèrent leur douleur dans le chagrin : « on ne parlait jamais de cela à maison, se souvient-il, mais on y pensait tout le temps. » Lui-même admet, d’une certaine manière, « ne jamais avoir fait son deuil de ce père assassiné », et le fait qu’un historien aborde en détail cette époque et ses tragédies l’a justement aidé à avancer. Devenus proches amis, l’historien et le pharmacien se rencontrent souvent, et ont participé ensemble, en septembre 2014, à un voyage du souvenir au Struthof, pour le 70e anniversaire du massacre. Au-delà de l’histoire du réseau, termine Guy Caraes, il était important d’écrire ce livre parce que beaucoup d’autres familles de résistants se sont murées dans le silence après ces drames. En éclairant le passé, l’ouvrage redonne vie et visages aux combattants du réseau, mais allège aussi l’insupportable chape des souvenirs trop lourds à porter seuls.
(1) Fort de 650 pages, l’ouvrage de Guy Caraes, « Le réseau Alliance » vient de paraître aux Éditions Ouest-France.
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