C’est dans l’Hérault, près de Lamalou, que vous visiterez Gabian, village longtemps célèbre pour sa source qu’irisaient des gouttelettes de pétrole en suspension dans l’eau. Probablement connue des Gaulois, cette « font de l’oli », « fontaine à huile », avait été décrite en 1605 par Esprit André, médecin à Montpellier. Dans son « Discours sur la nature & propriété d’un certain suc huileux nouvellement découvert en la province de Languedoc, près Gabian, village du diocèse de Béziers, que le vulgaire appelle huile », il en recommandait chaudement l’usage à Jean de Bonsy (1554-1621), évêque de Béziers, pour traiter la goutte, les douleurs des oreilles et les tais sur les yeux, ajoutant qu’« il est singulier aux asthmatiques et à ceux qui sont travaillez d’une vielle toux, beu avec un peu d’eau tiède ou plustot avec une décoction d’orge, d’iréos (entendons d’iris), d’hyssope, figues, passerilles (grains de raisin blanc séchés)et réglisse », et que ce suc peut « eschaufer, (…), raréfier, subtiliser, désopiler, (…) dissiper toutes matières froides et produire autres beaux et signalez effects ».
L’évêque convia les chanoines de Cassan à tirer profit de la source qui jaillissait sur les terres du prieuré. Celle-ci fut commercialisée comme « huile de la source aux moines », notamment par Jean -Baptiste Daumont, célèbre apothicaire de Paris qui obtint privilège de vente en 1678. Pierre Pomet (1658-1699), dans son Histoire générale des drogues, rapporta en 1694 que la source s’était en partie tarie par faute d’entretien, au point que l’huile était souvent falsifiée par des charlatans qui en fabriquaient une copie à base de goudron végétal, de térébenthine et de poix. Vers 1750, Pierre de Bausset-Roquefort (1757-1829), alors évêque de Béziers, fit remettre la source en état et veilla à ce que les bouteilles en partent scellées pour garantir leur authenticité : la production était à l’époque d’environ 400 kg/an.
Une nature acidulée martiale
On doit à un médecin et chimiste de Montpellier, Guillaume Rivière (1655-1734), un mémoire sur ce mélange d’eau gazeuse et d’huile, riche en fer, dont il donna lecture en 1707. Son analyse fut confirmée en 1809 par un certain Auguste Saintpierre qui rappela « que son utilité contre les fièvres quartes rebelles (…) découle de sa nature acidulée martiale ».
Récupérée par décantation, l’huile figurait dans L’Officine de Dorvault en 1844 comme « tonique et sédative » puis comme « fortifiante, antispasmodique, fébrifuge, antipsorique » dans un formulaire de 1894 qui préconisait « un litre en irrigation rectale dans la dysenterie amibienne ».
L’histoire connut ensuite une tournure plus mercantile. C’est le 9 juillet 1901 qu’un certain Albert Terrial, pharmacien rue Caumartin à Paris, déposa le nom d’une spécialité qu’il présentait comme singulière, le « Gabianol ». Vous l’aurez compris : cette stratégie de marketing avant l’heure constituait certes un hommage au village où il se procurait le produit, mais, surtout, renforçait l’attractivité de l’huile avec un suffixe « -ol » fleurant bon la chimie. Ce Gabianol faisait merveille dans les affections bronchiques et pulmonaires, et, de plus, exerçait une action tonifiante et désodorisante. Sa licence en fut reconduite jusque dans les années 1920. Qu’advint-il alors de l’huile de Gabian ? Las, elle ne coulait plus guère à ce moment. Dès la fin du XIXe siècle, des forages à proximité de la source avaient eu pour conséquence de la tarir, sans trouver de pétrole. Des sondages effectués en 1924 eurent plus de succès : Gabian se dota de réservoirs et d’une raffinerie, sans oublier les derricks qui fleurirent dans les vignobles. Cette effervescence prit fin avec la Seconde guerre mondiale : il ne reste désormais rien de l’ancien gisement pétrolifère trahi par la source irisée…
Dans votre bibliothèque
« Deux par deux »
« Notre Santé est en jeu »
Quelles solutions face au déclin du système de santé ?
Dans votre bibliothèque
« Le Bureau des affaires occultes », ou les débuts de la police scientifique
USA : frites, bière, donuts gratuits… contre vaccin