Une rose des sables et un alligator, deux hippocampes et six papillons, du tartrate neutre de potassium et de l’acide benzoïque, un gramophone et une valise de voyage. Qu’ont en commun ces objets tout droit sortis d’un catalogue à la Prévert ?
Ils caractérisent chacun l’un des univers indispensables aux cabinets de curiosités tels que le XVIIIe siècle les a vus naître : naturalia, scientifica, artificialia, exotica. Y ajouter le diplôme de pharmacie d’Anne Provent, titulaire des lieux, pour faire de la vitrine de cette officine de Malakoff, un petit cabinet de curiosités.
L’idée est venue de la rencontre d’Anne Provent et de l’un de ses clients, Jérôme Aubert-Réjon. Le jeune homme, graphiste, lui confie qu’il vient de créer son entreprise dédiée à la création de cabinets de curiosités. Aussitôt, la titulaire se souvient des pots d’apothicaire accumulés lors de son transfert, témoins d’une époque pas si lointaine où les pharmaciens utilisaient encore des poudres. « J’ai dû me débarrasser des produits comme l’exige la réglementation, mais je n’ai pu me résoudre à me séparer des pots », se souvient Anne Provent, soulignant de l’ongle une écriture à la broue de noix.
Sur ces quelques pots, Jérôme Aubert-Réjon, en véritable scénographe du passé, a greffé plus de 150 objets, issus en majorité du XIXe siècle. L’antique échelle de l’officine grimpe un mur en trompe l’œil où s’empilent quelques ouvrages. Les planches d'illustration du Larousse se sont arrêtées sur un vieux secrétaire. Tandis qu'un vieux grimoire, des plantes séchées, branches de coton, un monocle, un bec de héron, finissent de composer ce petit cabinet de l’herboriste, offrant aux patients une parenthèse dans leur quotidien.
Le passé reconstitué
Car ce qui servait autrefois la quête du savoir, est aujourd’hui une antichambre de l’émerveillement. Alors que la nuit tombe, la lumière se fait tamisée sur ce monde hétéroclite, chargé d’odeurs et de souvenirs. « Paradoxalement, ce ne sont pas les enfants qui y sont les plus sensibles, mais les adultes, particulièrement les personnes âgées. Ces objets sollicitent la mémoire, les émotions surgissent. Chacun renoue avec un morceau de son passé, au hasard d’une photographie, d’un détail gravé dans le bois ou le cuir… », constate Anne Provent, ajoutant que l’un de ses patients a absolument tenu à faire entrer son encyclopédie dans ce cabinet de curiosités.
Ce monde éphémère a trouvé sa place dans l’officine. Au mur, des affichettes discrètes y remplissent leur devoir pédagogique sur l’histoire de l’herboristerie. Mais surtout, la parole se libère différemment qu’au comptoir. « Il y a de jolis mots sur des émotions fortes », confie pudiquement la titulaire. Loin des vitrines tapageuses de Noël, dans la confidentialité de sa vitrine, la pharmacienne a juste souhaité créer une ambiance pour ouvrir quelques portes, comme autant de nouvelles perspectives.
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