Certains titres des ouvrages soigneusement rangés sur l’une des étagères de la pharmacie campent à eux seuls quelques traits du portrait de son propriétaire. Pêle-mêle, s’y côtoient un épais volume sur « Les plantes médicinales », « Le marketing pour les Nuls », « Les plantes toxiques », « L’Homéopathie de A à Z » et un livre signé de sa plume, « La connaissance des palmiers, culture et utilisation » (1). Un étage en dessous, se niche sa thèse en pharmacie titrée « Utilisation thérapeutique et alimentaire des palmiers ». Quand on sait que l’officine s’appelle la Pharmacie des Awaras, le fruit d’un palmier, la boucle est bouclée. On se dit que ce pharmacien-là est autant un gestionnaire d’entreprise qu’un dingue de la plante symbole du soleil, de l’exotisme et du bon vivre.
Dans son petit bureau, Pierre-Olivier Albano, 46 ans, manie aussi bien les tableaux Excel de ses commandes que les commandes de graines. D’un côté, satisfaire le client, de l’autre, enrichir les plantations de son palmetum, le grand projet de sa vie. « J’ai toujours été un passionné des tropiques. Ado, c’étaient les insectes, puis est venue la botanique. Pendant mes études à la fac de Montpellier, je me suis rapproché du labo de botanique. Puis, pendant mes voyages en mode sac à dos, j’ai approfondi mes connaissances. » Il en rit encore en pensant que ses copains d’université ne se souviennent sans doute pas de son nom de famille mais davantage de son surnom de « Monsieur Palmier ».
Sur une mappemonde, le tracé de ses pérégrinations de jeunesse rejoint l’Espagne, l’Afrique, puis très souvent l’outre-mer. La Réunion, la Martinique, et enfin la Guyane. Entre-temps, ses études terminées, il assure quelques remplacements et passe dix années dans l’industrie pharmaceutique, notamment aux Laboratoires Pierre Fabre à Castres. « C’était une très bonne expérience mais j’ai compris que ce n’était pas la vie dont je rêvais. L’outre-mer m’a vraiment séduit et j’ai compris que c’était bien là que je pouvais combiner mon métier et ma passion. »
Un spot de dingue
C’est en Guyane, dans ce territoire souvent caricaturé d’enfer vert qu’il trouvera de quoi combiner la gestion d’une entreprise et la création de son paradis vert. C’était il y a dix ans. « Ce département rassemble tout ce que j’aime. Une opportunité de développer mon affaire, mais aussi de vivre dans une société fascinante. Une France en Amérique du Sud, où vous croisez tous les jours différentes communautés, parlez différentes langues… Et puis côté palmiers, c’est un Eldorado, un spot de dingue avec cette forêt équatoriale humide. »
Pour comprendre son enthousiasme, il faut quitter son officine de Macouria et rejoindre son jardin-pépinière en empruntant une piste de latérite cabossée. Un hectare où le rare se pare des extravagances, fragrances et essences des quelque 700 variétés plantées. Pas mal sur les 2 800 espèces recensées dans le monde. Pierre-Olivier Albano égrène les noms de quelques locaux de l’étape, le Wassay, emblématique de l’Amazonie, le Parépou, le Maripa, le Comou, le Moucaya. Sans oublier l‘Awara, le roi de la Guyane, reconnu pour ses vertus thérapeutiques et cosmétiques. Riche en vitamine A et C et dont l’huile, fabriquée à partir de l’amende de son fruit, a démontré des qualités antioxydantes et anti-inflammatoires. « Les palmiers, au-delà du côté ornemental, sont des plantes très utiles. Ils fournissent nourriture, boisson, médicaments, matériaux de construction et de vannerie, fibres, cire. »
Côté pharmacie, pas grand-chose de validé et d'utilisé dans la médecine occidentale en ce qui concerne les palmiers thérapeutiques. « Le seul qui soit éligible à cette définition est Serenoa repens, dont l'extrait de fruit est le principe actif de Permixon, utilisé contre l'adénome prostatique. » En revanche, les huiles et cires de palmiers « comme la coco, l’huile de palmiste, huile de palme et ses dérivés, cire de Carnauba, sont très utilisées en galénique et en dermocosmétique ».
Fous de palmiers
Mais pour ce passionné, le plaisir n’est pas dans la transformation mais bien dans la culture : « J’aime planter, mettre les mains dedans, semer, observer la pousse, récolter des graines, dénicher et tester des variétés rares… Tout en continuant à voyager pour en découvrir de nouvelles. » Et rencontrer d’autres dingues de palmiers comme lui. Logique qu’il ait alors accepté de devenir président de l’association Fous de palmiers (2) qui réunit pas moins de 500 adhérents à travers le monde.
Sa dernière folie, Pierre-Olivier Albano s’apprête à la commettre : « Acheter trois hectares supplémentaires pour agrandir le palmetum. Avec l’envie, d’ici cinq à dix ans, d’ouvrir cet endroit au grand public. » La récente certification de sa collection par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS) devrait faire germer l’idée. « Parce que partager une passion, c’est quand même l’objectif. »
(1) Editions Edisud.
(2) www.fousdepalmiers.com
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