Son officine est à 300 mètres du seul établissement oncologique de Maubeuge (Nord), et le groupement Giphar, auquel elle adhère, a consacré son thème de l'année au cancer. Il n'en a pas fallu plus à Emmanuelle Verfaillie pour se lancer dans le concret. En l'occurrence, l'aide qu'elle peut apporter à des femmes sous chimiothérapie pour acheter des perruques afin de remplacer leurs cheveux qui tombent.
« Perdre ses cheveux, pour une femme, c'est la double peine : d'abord elle est malade, ensuite le traitement touche à sa féminité, encore plus si elle est jeune », assure-t-elle.
Aux présentoirs de son officine, on trouve des produits spéciaux pour des femmes atteintes d'un cancer : soutien-gorge, bustiers, perruques. Une de ses employées, Stéphanie Collignon, est également naturopathe à Louvroil, une commune voisine de Maubeuge. Elle assure à l'officine des ateliers de sophrologie pour les cancéreux et pour leurs proches, afin de traiter la douleur. L'ensemble du personnel est très sensibilisé à cette question.
C'est avec cette naturopathe qu'Emmanuelle Verfaillie a eu l'idée de cette collecte de cheveux. Elles se sont d'abord adressées à une association nationale. Elles demandaient que l'argent et les cheveux qu'elles collecteraient profitent à des malades du Nord. L'association ne le pouvait pas, Emmanuelle Verfaillie et Stéphanie Collignon ont donc créé l'association Le Cœur sur la mèche.
L'objectif est de collecter des mèches de cheveux, propres, au moins longs de 25 cm ; à 30 cm, ils valent encore plus cher. Les cheveux ont une valeur au poids, 500 à 700 euros le kilo, davantage pour des cheveux d'enfant. Une chevelure moyenne pèse environ 50 grammes. « Un quart des hommes qui suivent une chimio et perdent leurs cheveux portent une perruque, mais les trois quarts des femmes le font, précise Emmanuelle Verfaillie. Une perruque pour cancéreux est chère, 185 à 500 euros, remboursée par la Sécu 125 euros. »
1 cm par mois
L'association a démarré pendant l'été dernier, et s'était fixée comme objectif de récolter 900 euros pour la fin 2017, afin d'offrir trois subventions, chacune de 300 euros. Dans le principe, les gens peuvent aller chez leur coiffeur, et rapportent leurs cheveux, propres. L'association leur offre en échange des petits cadeaux, des lots par exemple donnés par le département. La consœur compte sur une trentaine de donateurs motivés, une dizaine de récoltes, sachant qu'un cheveu pousse de 1 cm par mois.
Les cheveux des Maubeugeois ne confectionneront pas directement les perruques des malades. Les perruquiers français travaillent pour le luxe, alors que la majorité des perruques pour cancéreux proviennent d'Italie, et surtout d'Inde, pour des raisons économiques. Les cheveux récoltés à Maubeuge sont donc vendus aux perruquiers français.
Notre fonction sociale
« Face à l'annonce de la maladie, on est désarmé au départ, reconnaît Emmanuelle Verfaillie. La formation que nous avons reçue nous a beaucoup changées. On peut recevoir un malade, lui dire : bon, OK, on va se battre ensemble. C'est beaucoup vrai pour les aidants. Ce sont les femmes surtout, qui vont jusqu'à s'épuiser pour soutenir leur mari. »
« À la pharmacie, nous ne sommes plus seulement dans la dispensation de médicaments. On est acteur dans le suivi du traitement, dans le conseil, à l'écoute. La pharmacie est le seul endroit où on peut parler une heure de soi, sans payer. C'est une dimension essentielle, notre fonction sociale. Et je suis persuadée que c'est même essentiel dans la logique comptable », conclut la pharmacienne de Maubeuge.
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