Ce sont des êtres humains, répète la pharmacienne de Saint-Brieuc (Côtes d'Armor) qui voit passer des jeunes, et des moins jeunes, des migrants, sans droits, en dehors de la société.
« J'ai été contactée par une cliente qui connaissait mes parents. Elle m'a demandé si je serai partante pour m'occuper de la pharmacie du point d'accueil santé de l'association Adalea », raconte Isabelle Rebillé. Fille d'instituteurs, tous deux impliqués dans les milieux associatifs, elle n'a pas longtemps hésité. Elle a fait sa demande l'agence de santé (ARS), et est donc devenue titulaire bénévole de cette association.
L'Adalea est une association d'accueil, d'écoute et de veille sociale, créée en 1979, à l'origine pour gérer les foyers d'accueil du département. Elle s'orientera ensuite vers les violences faites aux femmes, et lutte aujourd'hui, plus généralement, contre toutes les formes de violence et d'exclusion. L'association, qui fonctionne avec des bénévoles et 80 salariés, a accueilli 7 600 personnes en 2015, avec le projet très précis de les réinsérer.
« Nous nous adressons aux sans droits, à toutes ces personnes que les bénévoles s'occupent de réintégrer dans la société. Mais pendant ce temps, ils n'ont pas de papiers, peuvent être malades, n'ont pas de carte Vitale. Depuis cette année, notamment après l'évacuation du camp de Calais, nous accueillons aussi des migrants, des Syriens surtout, qu'envoie le Réseau Louis Guilloux de Rennes (Ille et Vilaine). »
« La pharmacie de l'association était auparavant tenue par des médecins, mais ils ne sont pas là pour cela. Il fallait un(e) pharmacien(ne), dont c'est le rôle. Je passe mes commandes à l'Établissent pharmaceutique de Pharmacie humanitaire internationales (PHI), à Nîmes (Gard), lui-même approvisionné par des laboratoires et par un grossiste répartiteur. Nous avons accès à tous les médicaments remboursés, à certaines vitamines, des traitements antipoux et antiparasites », précise Isabelle Rebillé.
Les personnes accueillies sont d'abord reçues au pôle santé par une infirmière. Elles sont ensuite dirigées, selon que de besoin, vers un hôpital, un médecin, un psychiatre, vers un logement. « On vérifie si elles sont dépistées de plusieurs maladies, si elles ne souffrent pas de tuberculose. Le médecin peut alors établir une ordonnance, ou même l'infirmière pour de petites choses. »
« Les médicaments sont entreposés au point d'accueil santé, mais je ne les délivre pas directement au patient. Je les envoie au médecin, ou dresse un protocole pour l'infirmière. Je ne peux pas être présente tout le temps, mais on peut me joindre en permanence par téléphone. »
L'Adalea accueille beaucoup de jeunes, le département compte un grand nombre de suicides de jeunes, beaucoup d'alcooliques. Des pathologies lourdes également : Isabelle Rebillé rappelle ces interventions d'urgence pour des Georgiens atteints de cancers. « On reçoit tous les problèmes du monde, des ressortissants français, bien sûr, mais aussi tous ceux qui viennent de la guerre, de la migration. »
« Mes clients ne réagissent pas tous de la même façon. Ils connaissent ce que je fais : j'ai fait la Une de Ouest-France. Des gens me disent qu'ils trouvent que c'est bien, mais d'autres ne voient pas cela d'un œil positif, ils disent que les gens que nous aidons ont plus de droits qu'eux-mêmes. Faut-il une hiérarchie dans la pauvreté ? Il n'y a pas toujours beaucoup de solidarité. »
« Je trouvais que l'action humanitaire à l'étranger était une bonne chose, reprend Isabelle Rebillé, mais il faut aussi agir sur place. Ce n'est pas de l'aumône, il faut une action globale, et cette remise en route passe par la santé et le logement. Ces gens que nous aidons sont des humains. »
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