Bugs informatiques, application trop stricte de l’accord tiers payant contre générique

Pharmaciens au bord de la crise de nerf

Par
Publié le 19/12/2013
Article réservé aux abonnés
Bug informatiques et application trop stricte de l’accord tiers payant contre génériques engendreraient des problèmes de trésorerie pour les officinaux. C’est le cas notamment dans les Alpes-Maritimes, où la situation est devenue quasi explosive entre les pharmaciens et la CPAM. Explications.
Des rejets de dossiers à l'origine de tensions entre pharmaciens et caisses d'assurance-maladie

Des rejets de dossiers à l'origine de tensions entre pharmaciens et caisses d'assurance-maladie
Crédit photo : S. TOUBON

RETARDS de paiement, rejets de dossiers… Dans de nombreux départements, les relations se tendent avec les caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM), sur fond d’application de l’accord tiers payant contre générique. C’est le cas notamment dans les Alpes-Maritimes, où les problèmes semblent s’accumuler. « Un bug informatique de deux jours a ainsi engendré un décalage des paiements d’environ trois semaines », déplore Jean-Marie Soyer, président du syndicat départemental des Alpes Maritimes, rattaché à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Un bug qui a généré le « non-traitement d’une branche du flux automatisé sans que la cause ait encore pu être identifiée », explique le sous-directeur de la CPAM des Alpes-Maritimes, Maclou Rigobert, avant de préciser : « Un bug sans rapport avec le rejet de nombre d’ordonnances dû à une application trop stricte de l’accord tiers payant contre génériques. »

En fait, à Nice, la raison de ce dysfonctionnement est ailleurs. En effet, la CPAM a pris comme référence un répertoire qui n’était pas le bon : celui de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en date de septembre 2013, au lieu du répertoire conventionnel arrêté à juin 2012. Conséquence : les pharmaciens n’en peuvent plus.

Un contournement de la réglementation.

À l’instar de cet officinal cannois, ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer « les dérives de la CPAM qui, depuis quelques mois, ne cesse de contourner la réglementation à l’encontre des professionnels de santé et des patients ». Des dérives qui la conduisent à se montrer « plus royaliste que le roi » dans l’application de l’accord tiers payant contre génériques. « Une ordonnance m’a été retournée sous prétexte que le médecin avait prescrit une forme orale du Lysanxia (prazépam) et que j’aurais dû substituer des comprimés », témoigne ainsi cet autre officinal niçois. Une anecdote qui refléte l’incapacité de la caisse à prendre en compte les situations particulières, ajoute le pharmacien en précisant que, en l’occurrence, la « prescription concernait un jeune enfant, plus à même de prendre des gouttes que des comprimés ».

Une situation qui, selon Philippe Delaye, président de la commission paritaire des Alpes Maritimes « tient avant tout au traitement automatisé des ordonnances ». Le problème serait donc national et démontrerait que « les limites du système ont été atteintes ». En clair, la Sécurité sociale doit se donner les moyens de ses ambitions en ayant davantage recours aux « moyens humains pour être capable de discerner les cas particuliers, et donc, éventuellement, de comprendre les raisons d’une prescription non substituable ».

Renforcer le dialogue.

D’autant que la mention non substituable contribue à faire baisser le taux global de substitution de la pharmacie concernée, impacte, à terme, sa ROSP (rémunération sur objectif de santé publique) et abouti à son placement sous contrôle dès lors que le seuil des 85 % n’est plus atteint. Un problème récurrent dans un département où la population, plutôt âgée et argentée, préfère avancer les frais de son traitement que prendre des génériques. Mais aussi où « la CPAM se montre particulièrement zélée ». La raison ? Certains pharmaciens auraient eu tendance à commettre quelques abus en « privilégiant les princeps pour capter une clientèle a priori peu favorable aux génériques », pointe Jean-Marie Soyer. Des abus qui avaient incité la CPAM à mettre en place le principe du tiers payant contre générique, un an avant que la règle ne devienne un accord national. D’où la nécessité pour les syndicats d’être régulièrement en relation avec la CPAM pour discuter de la dispensation des génériques et de l’évolution de la substitution. Des rencontres comme celle qui a « permis de résoudre le problème posé par la prise en compte du répertoire publié par l’ANSM en lieu et place du répertoire conventionnel », se félicite Jean-Marie Soyer. Des rencontres qui pourraient se révéler encore plus utiles avec l’entrée en vigueur de l’avenant n° 7 relatif aux objectifs de substitution pour 2013.

STÉPHANE LE MASSON

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3056