La vingtième édition de la Journée de l'économie de l'officine, créée à l'initiative du « Quotidien du pharmacien » et qui s'est tenue le 25 septembre, a permis de prendre du recul et de mesurer les bouleversements intervenus en deux décennies dans une profession en quête d'un nouveau modèle. Les budgets sociaux, de plus en plus contraints, ont façonné l'évolution du métier de pharmacien, en modifiant profondément son mode de rémunération, l'honoraire prenant peu à peu le pas sur le revenu commercial. Parallèlement, le pharmacien est devenu un acteur de santé à part entière. Le médicament reste certes son cœur de métier, mais l'exercice officinal s'inscrit désormais dans un parcours de soins, en relation avec les autres professionnels de santé. Bilans partagés de médication, entretiens pharmaceutiques, télémédecine et bientôt chimiothérapie orale, font ou feront l'objet d'honoraires spécifiques, et ce n'est qu'un début.
Les statistiques présentées par les experts-comptables lors de Journée de l'économie, et dont nous avons réalisé une synthèse dans ce dossier spécial, montrent cependant que tous les pharmaciens n'ont pas les mêmes moyens de prendre ce tournant stratégique. La tendance observée depuis quelques années se confirme. La fracture du réseau, loin de se résorber, s'accentue. Les petites officines se battent pour leur survie et auront du mal à mener à bien les fameuses nouvelles missions. Il n'existe plus un modèle économique unique de la pharmacie, mais plusieurs modèles, selon le chiffre d'affaires, la typologie, l'implantation, la zone de chalandise, la surface… Quoi de commun entre la petite officine de quartier ou de campagne et la méga-pharmacie de centre commercial ? Les spécialisations possibles intensifient le phénomène. Aromathérapie, médicaments vétérinaires, nutrithérapie, maintien à domicile, e-commerce, objets connectés… renforcent cette tendance à la diversification des sources de revenu, et donc à l'orientation vers une rémunération à la carte.
Celle-ci est-elle compatible avec le maintien du maillage officinal en France et des pharmacies de proximité, ce fameux « modèle français » que chacun semble vouloir défendre sans vraiment s'en donner les moyens ? À l'heure où l'intelligence artificielle investit le monde de la santé (voir pages 27 et 28 la passionnante réflexion de David Gruson sur ce thème), il est plus que temps de décider quelle place on entend donner au réseau officinal dans le système de soins français.