Napoléon sut s’entourer des meilleurs pharmaciens de son temps, tant pour lui-même et ses proches que dans l’intérêt du pays et de l’armée. Dissoutes en 1792, les anciennes facultés de médecine sont recréées deux ans plus tard sous la forme de trois « Écoles de santé » à Montpellier, Paris et Strasbourg. Par la loi du 21 germinal an XI (11 avril 1803), Napoléon encore Premier consul, crée dans ces trois villes des « Écoles de pharmacie » fonctionnant de manière comparable à ces Écoles de santé, d’ailleurs rebaptisées « Écoles de médecine » la même année. Mais les Écoles de médecine et de pharmacie restent distinctes, même si beaucoup de professeurs sont les mêmes.
À partir de cette époque, les futurs pharmaciens peuvent choisir entre trois années à l’École de pharmacie, sanctionnées par des examens et complétées par trois années en officine, ou huit années chez un maître pharmacien, suivies d’un examen devant un jury départemental composé de médecins et de pharmaciens. Les pharmaciens lauréats des Écoles deviennent « pharmaciens de première classe », ce qui signifie qu’ils ont le droit de s’installer n’importe où en France, tandis que les autres, à l’image des officiers de santé formés et examinés localement, ne peuvent exercer que dans le département dans lequel ils ont été reçus. Ce système restera en vigueur jusqu’à la suppression, en 1898, du diplôme de pharmacien de seconde classe.
En 1808, Napoléon élèvera les Écoles de médecine au rang de facultés, ce qui ne sera pas le cas des Écoles de pharmacie, au fonctionnement pourtant très proche ; les Écoles de pharmacie ne deviendront des « facultés » qu’en 1920.
Redéfinition du monopole pharmaceutique
Par ailleurs, la loi de germinal an XI a jeté les jalons de plusieurs mesures fondamentales pour le fonctionnement de la pharmacie, en premier lieu l’interdiction des remèdes secrets, c’est-à-dire l’obligation de publier la composition des médicaments pour lutter contre le charlatanisme. Cette mesure sera néanmoins vite contournée, avant d’être réintroduite, puis supprimée plusieurs fois jusqu’en… 1926, date de son adoption définitive. De même, le Consulat précise et redéfinit la notion, plus ancienne, de monopole pharmaceutique et réserve la fabrication et la vente d’un certain nombre de médicaments et substances aux seuls pharmaciens, alors qu’on les trouvait auparavant dans les épiceries et les monastères, ce qui entraînait souvent des « suites fâcheuses » pour les acheteurs, comme on l’écrivait à l’époque.
Dans le « Mémorial de Sainte-Hélène » qui retrace la première année de Napoléon en exil, son secrétaire Emmanuel de Las Cases rapporte quelques conversations sur la médecine et la santé qu’il avait eues avec lui. L’empereur déchu exprime une certaine défiance vis-à-vis des médecins, et affirme qu’il aurait souhaité, contre l’avis de ces derniers, que seuls les médecins lauréats des facultés gagnant un certain montant annuel puissent prescrire des « médicaments héroïques », c’est-à-dire potentiellement mortels. À l’inverse, les médecins exerçant peu et les officiers de santé auraient dû selon lui se contenter des « médicaments innocents »… Une théorie, certes non appliquée, mais qui préfigure déjà les débats plus contemporains sur la réserve hospitalière et les prescriptions limitées…