L’Union nationale de pharmacies de France (UNPF) a présenté au début de l’été un livre blanc sur le traitement médicamenteux des personnes âgées dépendantes. L’organisation professionnelle a ainsi posé un certain nombre de recommandations afin de renforcer le rôle du pharmacien et de faire évoluer l’ensemble des acteurs d’une PDA artisanale vers une PDA sécurisée, selon le respect de procédures bien identifiées.
Il est vrai que ce sujet repose depuis longtemps sur un vide réglementaire, la profession attend des règles qui ne viennent toujours pas. Quand certains pharmaciens se sont lancés dans la PDA à destination des maisons de retraite il y a de cela plus de dix ans, ils ont dû écrire leurs procédures eux-mêmes et ont petit à petit inspiré d’autres officines, organisations ou prestataires.
Si bien qu’aujourd’hui, pour qui veut se lancer dans la PDA, une base d’expériences existe, certes, mais l’exercice reste néanmoins délicat. On peut la voir en effet comme une nouvelle source d’activité et de chiffre d’affaires, la traçabilité et la sécurité du circuit du médicament nécessitent cependant une approche rigoureuse, professionnelle d’emblée qui confère à l’enjeu une réelle complexité. Le titulaire intéressé par le sujet peut se demander par quel bout le prendre.
Doit-il investir massivement et travailler vite avec plusieurs EHPADS pour rentabiliser l’investissement ou faut-il au contraire y aller par étapes, graduellement ? Faut-il une automatisation immédiate de la PDA ou lui préférer d’abord des procédures manuelles afin de mieux maîtriser le sujet, quitte à investir ensuite dans un automate ?
Automatisation graduelle ou immédiate ?
Les réponses à ces questions proposent différents points de vue. « Faire en sorte que le taux d’erreur soit le plus réduit possible repose beaucoup sur l’efficacité de l’automatisation », estime ainsi Jacques Valero, co titulaire de la pharmacie Gambetta à Nice, l’une des toutes premières à avoir sauté le pas en 2005.
Même constat pour François Besvel, titulaire de la pharmacie du Colombier à Lieusaint, en Seine et Marne, qui lui aussi s’est lancé très tôt dans l’aventure de la PDA. « On gagne en sécurité, on gagne en temps également », précise-t-il. François Besvel a poussé loin l’automatisation de l’activité PDA de son officine puisqu’il s’est équipé d’une machine d’inspection (qui permet de vérifier le contenu des sachets préalablement remplis par un automate de production). « Cette machine coûte cher, certes, mais elle apporte une véritable tranquillité quant à la sécurisation du circuit du médicament. »
François Besvel préconise toutefois d’aller vers une automatisation graduelle, afin d’éviter tout investissement excessif sans avoir maîtrisé au préalable les différentes contraintes de la PDA. Pour Caroline Blochet, présidente de Medissimo, il est même indispensable de poser le traitement de la PDA d’abord au niveau des procédures et des méthodes avant d’envisager tout équipement lourd. « On a trop mis en avant la technologie plutôt que le service à rendre », affirme-t-elle.
Medissimo oriente d’emblée ses clients sur l’aspect des procédures en offrant un modèle de cahier des charges sous la forme d’une convention entre pharmacie et EHPAD précisant de façon détaillée les tâches de chacun. Ce point de vue est partagé par Tristan Zerbib, directeur d’ATPrx, pour qui une officine qui commence avec un seul EHPAD a tout intérêt à travailler de manière manuelle, efficace et rentable quand elle est bien assurée.
Mais alors, quand une automatisation est-elle souhaitable ? Il n’y a pas de réponse unique à cette question, c’est quasiment au cas par cas que cela doit être étudié. Certes, il y a des estimations qui sont faites ici et là, pour savoir à partir de quel seuil il est intéressant d’acquérir un automate de production : selon la taille de la machine, ce seuil peut aller d’une centaine de lits pour les plus petites d’entre elles, jusqu’à 500 lits pour les plus grandes. Les automates sont très divers, il faut tenir compte aussi des moyens techniques traitant les médicaments « à part », et les machines complémentaires, déblistéreuses et automates de contrôle.
L’autre élément qui rentre en jeu est bien sûr la demande des EHPADs elles-mêmes. Là aussi, un grand nombre de situations peut se présenter, et il arrive qu’ils exigent une automatisation des procédures. Ces établissements ont des fonctionnements spécifiques qui ont un impact sur les choix effectués par les pharmaciens.
Le principal étant sans doute celui entre une préparation mensuelle mono médicaments et une préparation hebdomadaire multi médicaments. Beaucoup d’automates s’attachent à remplir des sachets de différents médicaments à un rythme hebdomadaire. Une tendance de fond que regrette Tristan Zerbib. « Il existe d’autres formes de contenants que les sachets qui permettent une meilleure traçabilité des traitements, par exemple des tablettes constituées d’alvéoles sur lesquelles sont apposées des étiquettes donnant nettement plus d’informations que les sachets », explique-t-il. François Besvel a opté pour un automate de production en sachet, les EHPADs préférant ce système plus facile à traiter. Mais il dispose aussi des moyens pour traiter les productions mensuelles mono produit.
Le modèle économique en question
Ces contraintes considérables qui reposent sur les pharmaciens ont un coût important alors que leur seule rémunération est liée à la marge des médicaments livrés aux EHPADs, le service lui-même est gratuit. Un modèle économique fragile qui fait couler beaucoup d’encre dans la communauté des pharmaciens, un automate haut de gamme coûtant facilement plus de 100 000 euros.
Les choix sont d’autant plus difficiles que selon Tristan Zerbib, les prix sont très variables selon les produits proposés d’un fournisseur à l’autre, ainsi que les coûts de maintenance. Il faut aussi tenir compte des coûts « annexes », innombrables et parfois importants : « le personnel qu’il faut former, nous avons trois personnes qui travaillent directement à temps plein mais aussi des frais comme ceux liés à la livraison elle-même qui peuvent être importants dès lors que l’on fournit un nombre conséquent d’EHPADs », explique Jacques Valero.
Le co-titulaire ajoute cependant que la rémunération par le biais unique du médicament suffit à l’heure actuelle, grâce aux génériques, très demandés en EHPADs. François Besvel estime pour sa part que dans l’état actuel des choses une baisse des marges et de la rémunération fait peser un risque sur cette activité. Caroline Blochet invite les pharmaciens qui se lanceraient à respecter un ratio très précis : « le coût de la PDA doit être ramené au nombre de patients et il doit tourner autour de 5 euros par patient et par mois. » À bon entendeur…
Article précédent
Des outils d’aide au 100 % respect
Article suivant
De l’art du remplacement
Quatre situations d’urgence à la loupe
L’acte pharmaceutique, version québécoise
Des chiffres et des lettres…
Des outils d’aide au 100 % respect
Comment rentabiliser une PDA efficace et sécurisée
De l’art du remplacement
Cinq bons conseils à délivrer pour cinq types de peau
L’ordonnance du pharmacien
Objectif, nouvelles missions
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion