Le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie a entamé son long parcours législatif le lundi 22 avril par l’audition des différents acteurs à l’Assemblée nationale. Le texte, présenté par le gouvernement le 10 avril, prévoit un meilleur accès aux soins palliatifs et la mise en place d'une aide à mourir strictement encadrée : elle est ouverte uniquement aux personnes de 18 ans et plus de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, capable de manifester leur volonté de façon libre et éclairée, atteintes d’une affection grave et incurable engageant leur pronostic vital à court ou moyen terme et présentant une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable liée à cette affection.
Dans ce parcours, la pharmacie d’officine désignée par le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne, peut dispenser le produit létal à ce professionnel de santé. Le produit létal - parfois nommé « substance létale » et d’autres fois « préparation magistrale létale » dans le projet de loi - est préparé dans une pharmacie à usage intérieur (PUI) autorisée. Le médecin ou l’infirmier qui accompagne la personne assure le retour du produit létal non utilisé ou partiellement utilisé à l’officine.
Le produit létal, un médicament ?
Le texte comporte cependant de nombreuses imprécisions. À commencer par le statut du produit létal, comme l’a pointé Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) lors de son audition, le 23 avril : « Est-ce qu’on parle de médicament ? Est-ce qu’on parle de préparation spéciale ? De préparation hospitalière ? »
« Pour nous, il ne correspond pas à la définition de médicament. Les autorités de santé doivent se prononcer sur un terme et une définition adéquats, et sur la façon dont le pharmacien doit agir pour le mettre à disposition du soignant qui ensuite va l’administrer », demande à son tour Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), auditionné le 25 avril. « Un médicament correspond à une substance ou une composition présentant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies. Dans ce cadre, le produit désigne une substance ou une préparation administrée dans le but de donner la mort. Ce n’est donc pas un médicament », complète l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), également consultée le 25 avril.
Parle-t-on de médicament ? De préparation spéciale ? De préparation hospitalière ?
Carine Wolf-Thal, présidente du CNOP
L’USPO s’interroge aussi sur la prescription : est-ce un usage professionnel ou une prescription pour un patient donné ? « Ce point est un élément clé en matière de traçabilité et de prise en charge au niveau officinal », poursuit le syndicat, qui pointe par ailleurs le choix de la pharmacie par le médecin prescripteur : « Le choix de la pharmacie doit relever du patient et/ou de ses aidants. Certains patients privilégieront leur pharmacie habituelle tandis que d’autres préféreront choisir une pharmacie inconnue par souci de confidentialité. »
D’autres questions sur le retour du produit létal et sur son élimination émergent. « On n’est pas très sûr que le circuit des médicaments non utilisés soit adapté, en l’état actuel des textes », fait part Carine Wolf-Thal. Quid de la récupération et la gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) si le produit est injectable, demande encore l’USPO. Car la forme galénique et la voie d’administration non plus, ne sont pas définies. Tout comme les modalités d’information, de transport, de conservation…
Le projet de loi crée une nouvelle catégorie de soins : les soins d'accompagnement, dont le champ est plus large que les soins palliatifs. Ils couvrent « les soins de support (prise en charge nutritionnelle, accompagnement psychologique, aide à la pratique d’une activité physique adaptée etc.) ou encore les soins de confort (musicothérapie, massage, soins socio‑esthétiques etc.), et plus largement toutes les mesures et soutiens mis en œuvre pour répondre aux besoins de la personne malade, médicaux ou non médicaux, de nature physique, psychique ou sociale, et à ceux de ses proches aidants », explique le projet de loi.
Cet accompagnement par les pharmaciens est aussi à définir, notamment au sein des toutes nouvelles maisons d’accompagnement, « structures intermédiaires entre le domicile et l’hôpital. » Un accompagnement qui nécessite aussi une meilleure formation initiale et continue sur l’aspect gériatrique, la nutrition, etc. « Il y aurait, dans nos obligations de formation continue, un intérêt à renforcer ce volet », suggère le CNOP.
Pour Marie-Josée Augé-Caumon, conseillère à l’USPO, la principale crainte reste cependant dans les moyens qui seront consacrés pour la mise en œuvre des soins d’accompagnement et de la fin de vie : « Si on n’autorise pas assez de PUI à réaliser des préparations et si on ne facilite pas l’établissement des maisons d’accompagnement, la situation sera la même qu’aujourd’hui. Il y a un problème d’accès aux soins palliatifs. »
Une chose est sûre : pas de clause de conscience
La question de la clause de conscience a, elle, été vite balayée. Dans le projet de loi, les pharmaciens ne peuvent en bénéficier. C’est aussi l’avis de l’Ordre. « Le pharmacien se doit de respecter la volonté exprimée par le patient et ne peut être un frein ou un obstacle à la volonté du patient et à la bonne exécution de la loi, rappelle la présidente du CNOP. Chaque pharmacien peut avoir une opinion personnelle, fondée sur des motifs d’ordre philosophique, moral, religieux ou autre (…). Mais en entrant dans la profession, le pharmacien accepte et intègre la dimension collective de sa fonction et en assume les responsabilités et les conséquences. »
Le Conseil d’État prend la même position, définitive. Dans son avis du 10 avril, il estime que « les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale, qui interviennent après la décision et avant la mise en œuvre de l’administration de la substance létale, ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens et des personnes qui travaillent auprès d’eux. »
Après un mois d’audition, la commission spéciale commencera l'examen du projet de loi lui-même le 13 mai, puis le débat aura lieu en séance publique à partir du 27 mai.
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