L’arrivée d’un vaccin à ARN messager est une victoire pour l’officine qui revendiquait depuis plusieurs mois l’accès à cette nouvelle technologie vaccinale. Le vaccin Moderna entrera dès la semaine prochaine en pharmacie. Le ministère a décidé de bousculer le calendrier qui ne prévoyait de l’introduire qu’à partir de la mi-juin dans le circuit de ville. L’expérience très concluante menée en avril en Moselle a cependant convaincu les pouvoirs publics que les pharmaciens et médecins détenaient toutes les capacités pour conserver, tracer et administrer ce troisième vaccin.
Les livraisons attendues – 1,8 million de doses en mai et 2,4 millions en juin - permettent désormais de l’étendre à l’ensemble du territoire. Et ce, sans prioriser certaines régions en fonction de la circulation des variants, comme le prévoyait le scenario initial. À partir du 28 mai, toutes les primo injections en Moderna s’effectueront en ville*. Ce vaccin concernera tous les publics éligibles à la vaccination. En pratique, les pharmaciens ont jusqu’à ce soir 23 heures pour réserver sur la plateforme habituelle les doses qui seront attribuées à leur propre usage ainsi qu’aux médecins inscrits dans leur officine. En fin de semaine, les professionnels de santé de ville recevront un mail de confirmation et pourront ainsi organiser leurs rendez-vous en conséquence. Ces flacons de dix doses seront livrés dès le 27 mai en pharmacie. Une deuxième vague de livraison est prévue entre le 31 mai et le 4 juin.
Rien ne distingue ce nouveau dispositif de ceux mis en place précédemment pour les vaccins AstraZeneca et Janssen, si ce n'est les caractéristiques de ce nouveau produit qui réclame quelques précautions nouvelles. En effet, le Moderna est stocké congelé à - 20 °C chez les grossistes-répartiteurs qui se sont tous dotés de matériels réfrigérants. Ce n’est qu’à partir de l’étape de la livraison en officine que débutent le processus de décongélation et le délai de péremption de 30 jours. Cette contrainte oblige le pharmacien à étiqueter chaque flacon à réception en inscrivant la date de décongélation et la date limite d'utilisation. Les grossistes-répartiteurs ont prévu à cet effet des étiquettes qu’il suffira d’apposer. De même, l'officinal devra veiller au respect de la chaîne du froid (2 à 8 °C) en fournissant au médecin une pochette isotherme.
Pas de concurrence
Pour les syndicats de la profession, l’arrivée du Moderna augure une nouvelle ère pour la campagne vaccinale. « Elle va enfin pouvoir commencer ! », s’exclame Philippe Besset. Le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) occulte-t-il les quelque 900 000 personnes déjà vaccinées en officine contre le Covid ? Au contraire, il salue la mobilisation de ses confrères. Mais il n'ignore pas, comme l'ensemble de la profession, les retards à l'allumage de cette campagne dus aux difficultés rencontrées pour convaincre la population d'accepter les vaccins AstraZeneca et Janssen. Des vaccins pour lesquels les taux d’utilisation (nombre d’injections sur nombre de doses livrées) atteignent, de fait, péniblement 56 % et 31 %. Soit pour le premier, 4,2 millions de doses administrées sur 7,4 millions reçues (tous circuits confondus) et pour le second, 112 000 doses injectées sur 360 000 reçues ! À titre indicatif, ces taux sont actuellement de 92 et 90 % pour le Pfizer/BioNTech et le Moderna.
L’avènement du Moderna en ville va sans aucun doute créer un appel d’air à l’officine et susciter un nouvel engouement de la population. Pour autant, le ministère, dans son point hebdomadaire mardi dernier, a mis en garde les professionnels de ville : l’accès de toute la population éligible au Moderna ne justifie en rien l’arrêt de l’AstraZeneca et du Janssen en ville. « Si jamais nous observons un recul des deux autres vaccins, nous allons nous poser des questions », déclare en une menace à peine déguisée une représentante du ministère. Ces vaccins doivent être absolument consommés, martèle le gouvernement objectant que 1,6 million de doses sont actuellement en stocks chez les professionnels de santé (700 000 chez les médecins, 300 000 dans les pharmacies, 100 000 chez les infirmiers, 2 000 chez les sages-femmes… ) alors que 9 millions de Français de plus de 55 ans ne sont toujours pas vaccinés. De même, le ministère demande la plus grande fermeté aux professionnels de santé « face aux patients de plus de 55 ans primo-injectés par AstraZeneca qui réclameront leur deuxième dose en Moderna ! »
Il n’en reste pas moins que cet appel à ne pas céder et privilégier le vaccin à ARN messager risque de rester sans effet. Car face aux plus de 50 ans qui ont désormais le choix entre trois vaccins, ces mêmes professionnels de santé devront user de toutes leurs ressources pédagogiques pour faire accepter un AstraZeneca ou un Janssen !
Le dossier n'est pas clos
Dans ce contexte rendu par ailleurs plus complexe par les modalités de conservation du Moderna, la profession aspire à une revalorisation de l’acte vaccinal. « Nous revendiquons au moins 15 euros », déclare Philippe Besset annonçant de prochaines négociations avec Thomas Fatôme, directeur général de l'assurance-maladie. L'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) partage cette position sans toutefois avancer de chiffre car comme le précise Pierre-Olivier Variot, son vice-président, « aucun périmètre n'a été pour l'heure évoqué ». Pour essentielle qu'elle soit, cette nouvelle revendication n'est qu'une étape dans le calendrier syndical, car les représentants de la profession ne perdent pas de vue leur objectif : faire entrer l'autre formule à ARN messager – le Pfizer — à l'officine afin de pouvoir disposer de toute la palette des vaccins Covid.
* Les deuxièmes injections de Moderna pour les patients vaccinés avant le 27 mai s’effectueront dans les centres où ces vaccinations ont eu lieu.
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