La première version du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, présentée le 10 octobre, était pauvre en mesures novatrices pour les officines. Les amendements déposés cette semaine à l’Assemblée nationale peuvent changer la donne, avec des propositions dans tous les sens, parfois surprenantes.
Avec seulement quelques mesures additionnelles pour lutter contre les pénuries de médicaments (rendre obligatoire le recours à l’ordonnance de dispensation conditionnelle ou la dispensation à l’unité non seulement en cas de rupture de stock mais aussi en cas de risque de rupture ; substitution par le pharmacien d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur en rupture sur recommandation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; financement dérogatoire pour le remplacement d’un dispositif médical en rupture par un autre DM…) et des baisses de prix sur le médicament (1,2 milliard d’euros à économiser), le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 présenté en Conseil des ministres jeudi 10 octobre semblait peu novateur pour les officines. Mais les 1 500 amendements déposés depuis par les députés peuvent considérablement enrichir le texte, avec des mesures en tous sens.
Substitution biosimilaire et interventions pharmaceutiques
Première d’entre elles, très attendue par les pharmaciens et en particulier par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui a conditionné la signature de l’avenant conventionnel à cette promesse, les remises sur les achats des médicaments biosimilaires et hybrides sont bien là, portées par plusieurs amendements (Droite républicaine, Horizons). « Dans un contexte économique difficile pour l’économie officinale et pour l’assurance-maladie, cette proposition constitue une mesure gagnant-gagnant de bon sens », est-il inscrit dans l’exposé des motifs. Sur les biosimilaires toujours, dont le droit de substitution doit s’intensifier à compter de 2025, plusieurs amendements visent à accélérer le délai avant l'autorisation de substitution, aujourd’hui fixé à 2 ans après l’inscription au remboursement, simplifiant ainsi le mécanisme. Gain pour l’assurance-maladie : 200 millions d’euros par an, selon Philippe Juvin (Les Républicains).
Pour la première fois, un amendement introduit l’intervention pharmaceutique (retrait d’un médicament inapproprié, substitution en cas de rupture, optimisation des dosages, posologies ou modes d’administration…) dans les rôles du pharmacien inscrits dans le code de la santé publique. « L'enjeu est également d'assurer la traçabilité des modifications effectuées par le pharmacien en informant le prescripteur et en l'indiquant dans le dossier médical partagé ou par l’intermédiaire de la prescription électronique », explique Bertrand Bouyx (Horizons et Indépendants), lui-même pharmacien.
Plusieurs amendements visent aussi à permettre aux pharmaciens d’adapter ou de modifier une prescription d’une spécialité pharmaceutique dont la dose ou la forme galénique n’est pas adaptée à un usage pédiatrique, en l’absence d’alternatives thérapeutiques disponibles.
Interdiction des groupements ?
Dans les mesures apportées, notons aussi l’introduction de la carte Vitale biométrique « pour mieux lutter contre la fraude sociale », la réforme du troisième cycle des études de pharmacie d’officine, la volonté de supprimer la liste limitative des médicaments que peuvent prescrire les sages-femmes « afin d’améliorer et accélérer l’accès aux soins tout en simplifiant les parcours de soins des femmes ». Un amendement prévoit d’étendre la prescription des substituts nicotiniques aux orthophonistes, alors que les pharmaciens attendent toujours les textes d’application pour lancer l’expérimentation d’un remboursement des substituts nicotiniques délivrés sans ordonnance.
« Certains amendements sont bien, certains sont véritablement très baroques », résume Philippe Besset, président de la FSPF, au sujet de ce PLFSS détonnant.
La proposition la plus étonnante est l’amendement de Cyrille Issac-Sibille (Les Démocrates) qui veut interdire « tout groupement, société coopérative ou réseau constitué entre officines » pour « répondre à la nécessité de préserver l’équilibre du marché de la distribution de médicaments, aujourd’hui menacé par la concentration croissante du secteur ». Un amendement qui a irrité toute la profession. Pierre-Olivier Variot, président de l’Union syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), se dit « atterré par cette proposition. »
Le Groupe écologiste et social lance l’idée d’instaurer une obligation pour les pharmacies d’officine et les entreprises acheminant des médicaments aux pharmacies de remettre un bilan carbone annuel pour chaque médicament ou produit de santé acheminé en pharmacie…
Enfin, revoilà la dispensation à l’unité « dans le but de prévenir le gaspillage de médicaments », par l’amendement des députés Stéphanie Viry, Paul-André Colombani et Laurent Panifous (Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires).
Reste à savoir si ces amendements seront recevables puis retenus lors des discussions en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, dès lundi 21 octobre, puis devant l’ensemble des députés avant de faire la navette avec le Sénat. Le chemin est encore long.
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