L’AGENCE européenne du médicament a récemment tiré le signal d’alarme. L’usage excessif d’antibiotiques serait responsable de 25 000 décès humains par an en Europe, dont 4 200 en France. « En médecine humaine, des efforts ont été faits pour diminuer les prescriptions, rappelle le député socialiste de Haute-Garonne, Gérard Bapt, également président du groupe d’études « santé et environnement ». Mais on se rend compte aujourd’hui que l’antibiothérapie animale joue aussi un rôle dans l’antibiorésistance. »
La raison ? « Les molécules utilisées en médecine humaine et en médecine animale sont les mêmes, explique Christophe Pasquier, doyen de la faculté de pharmacie de Toulouse. On peut donc sélectionner des bactéries résistantes chez l’animal et les transmettre à l’homme. » En pratique, il n’est pas facile d’agir. Car, dans ce dossier, deux phénomènes se superposent et agissent en faveur d’une surconsommation d’antibiotiques. D’un côté, des éleveurs, persuadés que ces médicaments, en agissant sur la flore intestinale des animaux, améliorent le poids des bêtes ; de l’autre, des vétérinaires dont la délivrance de ces spécialités représente, pour la moitié d’entre eux, 40 % du chiffre d’affaires moyen. Plus généralement, 70 % des revenus des vétérinaires proviennent de la vente de médicaments.
La solution passerait-elle par une révision du modèle économique des vétérinaires qui jouissent du double statut de prescripteur et de dispensateur ? C’est ce que pense Gérard Bapt, mais « il n’est pas facile de lancer une réforme à la veille d’une élection présidentielle », souligne le député, pour qui le problème est pourtant « grave ». Une cellule de réflexion aurait d’ailleurs été mise en place aux ministères de la Santé et de l’Agriculture.
Toutefois, l’usage abusif d’antibiotiques n’est pas seulement dû à la surprescription. « Une grande partie de la consommation se fait par l’intermédiaire de l’alimentation », explique Jacky Maillet, président de l’association nationale de la pharmacie vétérinaire (ANPVO). Quoi qu’il en soit, pour lui aussi, le système de rémunération des vétérinaires doit être revu car lorsque « le prescripteur est aussi un vendeur, il y a un doute ». D’ailleurs, les ventes d’antibiotiques dans le circuit officinal ne représentent que 2 % des ventes totales, comme le souligne Corinne Lambert, trésorière de l’ANPVO et membre de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Cependant, pas question pour Jacky Maillet de casser tout le modèle économique des vétérinaires, car « je ne veux pas non plus d’un pharmacien sans prescripteur ». Pour le président de l’ANPVO, ces praticiens doivent garder le droit de délivrer des antibiotiques lorsqu’ils les administrent eux-mêmes. De même, pour compenser la perte de revenus, Jacky Maillet estime que « les vétérinaires devraient pouvoir vivre d’un honoraire de prescription car, aujourd’hui, ils ne valorisent pas leur savoir-faire ». « Ils font le diagnostic, mais ils ne se le font pas payer », indique-t-il. On le voit, le débat est loin d’être clos.
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