L’activité des médicaments antalgiques, toujours symptomatique, est codifiée par l’OMS qui distingue trois niveaux principaux dans la puissance des traitements mis en œuvre souvent, mais non obligatoirement, de façon successive et graduée.
Médicaments de palier 1.
Le paracétamol est privilégié car il bénéficie d’une bonne tolérance si la dose maximale est respectée : sa posologie quotidienne, généralement de 3 g, peut être portée à 4 g en cas de douleurs plus intenses (selon le cas, administration toutes les 6 ou 8 heures) sans excéder ce seuil (risque de toxicité hépatique). Sa composante anti-inflammatoire est toutefois quasiment nulle. L’aspirine et les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) associent une action antalgique, anti-inflammatoire et antipyrétique puissante. Ils peuvent être responsables d’une iatrogénie à connaître : signes digestifs (douleurs, réactivation ulcéreuse, hémorragies, etc.), risque d’insuffisance rénale aiguë (notamment en cas d’hypovolémie), risque d’allergie (asthme allergique), risque hémorragique (notamment en cas d’association à des médicaments anticoagulants).
Il est possible d’associer aspirine et paracétamol de façon à améliorer l’efficacité du traitement en limitant l’incidence des effets indésirables.
Médicaments de palier 2.
La majorité sont des opioïdes ou apparentés. Codéine, dihydrocodéine (Dicodin), proches au plan pharmacologique, exercent une action morphinomimétique (évidemment de moindre ampleur que celle de la morphine), tout comme la poudre d’opium titrée à 10 % en morphine (Lamaline). L’action de la codéine est toutefois dépendante de son métabolisme en morphine, ce qui explique une grande variabilité interindividuelle.
Le tramadol, banalement prescrit dans les douleurs modérées à intenses, a une action opiacée et sérotoninergique. Il expose aux effets indésirables communs aux opioïdes : un risque de tolérance et de dépendance, de convulsions, et, fréquemment en début de traitement, de nausées. Ne pas excéder 400 mg/j.
Les associations fixes, excellents antalgiques de palier 2, fédèrent paracétamol + codéine (Codoliprane, Dafalgan Codéine, Klipal Codéine, Prontalgine, etc.), ibuprofène + codéine (Antarène Codéine), paracétamol + tramadol (Ixprim, Zaldiar) ou opium + paracétamol (Lamaline).
La buprénorphine (Temgésic), un agoniste-antagoniste morphinique, est déclinée sous une forme sublinguale et une forme injectable (IM, IV, SC).
Le néfopam (Acupan) a la particularité de ne pas être un morphinique. Il expose notamment à des effets iatrogènes anticholinergiques. Indiqué par voie IM profonde ou IV, il est fréquemment administré par voie orale (hors AMM). Le risque d’usage abusif est très limité.
Les nausées parfois observées lors de l’administration d’un opioïde peuvent être prévenues par administration d’un antiémétique type métoclopramide.
La caféine (› 100 mg) parfois associée à l’antalgique (Lamaline, Prontalgine : 50 mg) augmente très légèrement la proportion de patients répondants au traitement antalgique : si faible soit-elle, cette augmentation peut avoir son importance (et complète l’effet psychostimulant).
Médicaments de palier 3.
Le recours à un opioïde de palier 3 devrait être privilégié dans le traitement des douleurs modérées à sévères y compris en première intention. Les Recommandations soulignent l’innocuité d’un traitement morphinique adapté. L’accroissement parfois nécessaire de la posologie journalière traduit moins une diminution de l’intensité ou de la durée de l’action antalgique qu’une augmentation des sensations douloureuses liée à l’évolution de la pathologie. La survenue d’une dépendance n’est pas observée chez les patients utilisant des opiacés dans le cadre d’un traitement antalgique.
La morphine constitue la référence dans le traitement de la douleur : s’agissant du traitement des formes aiguës, elle est administrée par voie parentérale ou par voie orale, sous des présentations à libération immédiate (Actiskénan, Sévredol sous forme orale sèche ; Oramorph en solution buvable). L’oxycodone (Oxynorm, OxynormOro pour les douleurs aiguës) constitue une alternative ; le traitement par hydromorphone concerne, en France, les seules douleurs chroniques (Sophidone LP).
Le fentanyl est décliné sous des présentations galéniques particulièrement adaptées au traitement des accès douloureux paroxystiques (cf. plus bas) : comprimés sublinguaux (Abstral), comprimé avec applicateur buccal (Actiq), solution pour pulvérisation nasale (Instanyl, Pecfent) sont venus s’ajouter aux dispositifs transdermiques classiques destinés au traitement des douleurs chroniques (Durogésic, Matrifen).
Autres médicaments.
Nombre de douleurs aiguës ont une composante ou une étiologie spécifique invitant à recourir à des traitements plus adaptés. Sans prétendre à l’exhaustivité, il est possible d’évoquer à ce titre :
- Les douleurs postopératoires.
- Les douleurs ayant une composante spastique importante (coliques néphrétiques, spasmes douloureux en gastro-entérologie, hépatologie ou gynécologie) devraient être traitées par un médicament spécifique type antispasmodique (phloroglucinol, pinavérium, trimébutine, etc.).
- Les douleurs cardiaques peuvent, une fois le diagnostic posé, requérir un traitement vasodilatateur améliorant la perfusion coronaire (dérivés nitrés, bêtabloquants).
- Les douleurs musculaires (crampes des fibres striées) répondent aux myorelaxants (tétrazépam, diazépam, etc.).
- Les douleurs induites par une crise aiguë de goutte sont traitées par administration de colchicine et/ou d’AINS.
- Les douleurs d’origine infectieuse (abcès, etc.) relèvent d’un traitement antalgique et anti-inflammatoire mais aussi bien sûr d’un traitement anti-infectieux.
- Une céphalée banale est traitée par l’aspirine ou l’ibuprofène. Les antimigraineux actifs dans la crise de migraine déclarée constituent d’excellents antalgiques dans ce domaine spécifique : il s’agit généralement des triptans, mais les AINS sont actifs tout comme la dihydroergotamine (Diergospray, Dihydroergotamine Amdipharm injectable, etc.).
- Les douleurs neuropathiques, peuvent donner lieu à des paroxysmes algiques se superposant à une composante chronique objet d’un traitement spécifique : antidépresseurs tricycliques, antidépresseurs d’action duale (duloxétine = Cymbalta dans les douleurs neuropathiques du patient diabétique), anticomitiaux (prégabaline = Lyrica)… Les pics algiques peuvent répondre aux opioïdes mais restent difficiles à traiter. Les douleurs zostériennes (induites par un zona) sont tenues comme chroniques bien qu’elles aient souvent une composante paroxystique récurrente, du moins en début d’évolution de l’affection : elles relèvent d’un traitement antiviral précoce (aciclovir, valaciclovir, famciclovir) mais aussi de l’administration d’antalgiques type paracétamol, aspirine, oxycodone, plus parfois prednisolone et/ou amitryptiline. La compresse imprégnée de lidocaïne (Versatis) agit localement, au niveau de son site d’application par un effet mécanique protecteur et par l’inhibition des fibres nerveuses lésées de l’épiderme et de la couche cornée : elle est cependant plus adaptée à la composante permanente de la douleur post-zostérienne.
Anesthésiques locaux. Leur emploi topique permet de prévenir les douleurs aiguës liées à des actes invasifs (exemple : patch ou application de crème à la lidocaïne type Emla ou Emlapatch avant piqûre, pose d’un cathéter ou d’une sonde). Leur emploi par voie parentérale relève de gestes spécialisés réalisés notamment par un médecin ou un dentiste ou en milieu hospitalier (infiltration, bloc nerveux).
Mélange protoxyde d’azote/oxygène.
Le mélange équimoléculaire oxygène-protoxyde d’azote 50/50 (MEOPA, commercialisé sous la dénomination de Kalinox) a pour principe actif le protoxyde d’azote, dont l’action associe anxiolyse, analgésie et amnésie. L’oxygène supprime le risque d’hypoxie. Il agit en quelques minutes, procurant une analgésie comparable à celle obtenue par l’injection sous-cutanée de 10 mg de morphine, et durant elle-même quelques minutes. La « sédation consciente » ainsi obtenue est compatible avec le maintien d’un contact verbal. Le MEOPA est désormais fréquemment utilisé pour prévenir les douleurs liées à des gestes peu à moyennement douloureux (ponction, réfection d’un pansement, traitement d’une brûlure sévère, mobilisation pour kinésithérapie, etc.).
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