« Nous avons trouvé un lien entre les enfants qui présentent des cellules immunes hyperactives à la naissance et le développement d’allergies au lait, aux œufs, aux cacahuètes, au blé et à d’autres aliments courants, ceci dans les premières années de la vie », précise le Pr Leonard Harrison (Université de Melbourne) qui a codirigé l’étude avec le Pr Vuillermin.
« Le résultat le plus important est qu’une réponse inflammatoire exagérée parmi les éléments cellulaires de la réponse immunitaire innée (monocytes) peut diriger le système immunitaire adaptatif vers une voie Th2 associée à l’allergie, explique au « Quotidien » le Pr Peter Vuillermin (Université de Melbourne). Cette tendance est présente à la naissance et nous avons maintenant la formidable possibilité d’étudier quels sont les antécédents de ce profil, ce qui pourrait déboucher sur des stratégies préventives ciblant la période prénatale. »
Une prévalence en augmentation
Les allergies alimentaires touchent environ 6 % des jeunes enfants. Leur prévalence est en augmentation dans le monde. Y compris en Australie, comme en témoigne le Pr Vuillemin. « Les consultations hospitalières pour l’allergie alimentaire ont triplé au cours des dernières décennies, et cette hausse est survenue en grande partie parmi les enfants âgés de moins de 5 ans. En fait, jusqu’à un sur 10 bébés à Melbourne développe une allergie alimentaire durant la première année. Nous ignorons le pourquoi de cette hausse », explique le spécialiste.
L’étude, publiée dans la revue dans « Science Translational Medicine », repose sur 1 074 couples mère-enfants suivis dès la période prénatale en Australie (Barwon Infant Study). L’analyse des cellules immunes a été effectuée sur le sang du cordon. À l’âge de 1 an, des tests cutanés (Prick Test) ont été effectués sur le nourrisson à la recherche d’allergies alimentaires (lait, oeufs, cacahuètes, sésame, noix de cajou).
Les résultats mettent en évidence un mécanisme explicatif de la susceptibilité à l’allergie alimentaire chez certains nourrissons. En effet, les bébés à risque présentent, dans le sang du cordon, plus de monocytes par rapport aux cellules T CD4, ainsi qu’un plus faible pourcentage de cellules T régulatrices.
De plus, leurs monocytes CD4 sont hyperréactifs, sécrétant de plus grands taux de cytokines inflammatoires (IL-1beta, IL-6, TNFalpha) en réponse au LPS, par rapport aux bébés non allergiques. Ces cytokines, de concert avec la TGF-beta muqueuse, suppriment l’expression d’IL-2 par les cellules TCD4 et favorisent ainsi leur différenciation vers le phénotype Th2.
Des questions en suspens
« Nous ne suggérons absolument pas que l’on prescrive aux bébés des anti-inflammatoires pour prévenir l’allergie », souligne le Pr Vuillemin, qui met l’accent plutôt sur la nécessité de futures études. « Grâce à ces travaux, nous disposons d’un biomarqueur permettant d’examiner les facteurs de risque génétiques et environnementaux favorisant le développement de l’allergie alimentaire chez le nourrisson, et ceci pourrait éventuellement conduire a des stratégies préventives et thérapeutiques », précise le Dr Yuxia Zhang, première signataire. « Si l’étude porte sur l’allergie IgE-médiée, les mêmes principes pourraient s’appliquer aux autres allergies alimentaires, ce qui devra être étudié dans le futur », explique-t-elle.
La grande question reste donc de savoir pourquoi certains bébés hébergent à la naissance des cellules immunes hyperactives. « Sont-elles intrinsèquement activées à cause des gènes du bébé, ou le deviennent-elles au moment de la naissance ou durant la grossesse, et comment ? », s’interroge le Pr Harrisson. « Un certain nombre d’expositons candidates durant la grossesse/gestation doivent être explorées. Nous sommes particulièrement intéressés par le rôle potentiel du microbiome de la mère et de ses métabolites durant la grossesse », confie le Pr Vuillemin.
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