Comme tout microbiote du corps humain, la flore vulvo-vaginale a un rôle protecteur fondamental. Si des millions de micro-organismes - bactéries essentiellement anaérobies et levures de type Candida albicans - la composent, les bactéries y sont majoritaires et parmi elles les lactobacilles qui dominent le microbiote vaginal à hauteur de 60 % à 80 %. « Les lactobacilles agissent principalement en acidifiant le milieu vaginal par production d’acide lactique, lui-même émis par hydrolyse du glycogène contenu dans les cellules vaginales », explique le Docteur Jean-Marc Bohbot, directeur médical à l'Institut Fournier. « Cette acidification est indispensable pour limiter la prolifération de bactéries endogènes, contenues habituellement dans le vagin, ou exogènes responsables d'infections sexuellement transmissibles. » L'acidité du milieu vaginal joue également un rôle protecteur vis-à-vis des virus (Human Papilloma Virus, HIV…).
Dans cette logique, tout ce qui agresse les lactobacilles peut déséquilibrer le microbiote vaginal, créant ce que l'on appelle une dysbiose. « Celle-ci va se manifester par la prolifération de micro-organismes naturellement présents dans le vagin. Si ce sont les levures du genre Candida qui prolifèrent, la femme présentera des épisodes de mycoses, leucorrhées blanches et épaisses accompagnées d'un prurit vulvo-vaginal intense. Si ce sont des bactéries - le plus souvent anaérobies comme Gardnerella vaginalis, la femme présentera des symptômes de la vaginose bactérienne soit des pertes liquides très malodorantes. » Le déséquilibre du microbiote vaginal peut aussi générer des cystites, car les bactéries (essentiellement Escherichia coli) responsables des infections urinaires transitent par le vagin avant d’atteindre la vessie. Si, chez la femme ménopausée, l’absence de lactobacilles favorise les cystites, les vaginoses bactériennes et même la sécheresse vaginale, la dysbiose peut avoir des conséquences plus graves pour la femme enceinte, augmentant le risque d'accouchement prématuré.
Multiples causes
Pour le microbiote vaginal, les facteurs de trouble sont divers : les cures prolongées ou répétées d’antibiotiques qui détruisent la flore lactobacillaire ; un faible taux en œstrogènes - sous l'action de certaines pilules microdosées, de médicaments anti-œstrogènes, de la ménopause… - qui s’accompagne d’une baisse de la teneur en glycogène des cellules vaginales, privant ainsi les lactobacilles de leur « carburant » naturel ; le tabac et ses composés qui agressent la flore vaginale ; même si sa présence ne joue pas un rôle important à long terme, la pose du stérilet peut être momentanément suivie de dysbiose… L'hygiène intime peut également, dans certaines conditions, être source de déséquilibre. « Les douches vaginales sont à proscrire absolument », rappelle le Dr Bohbot. « De même, il faut renoncer à utiliser quotidiennement les produits d’hygiène contenant des antiseptiques chimiques, ce même en l’absence de toilette interne. En effet, le réservoir naturel des lactobacilles vaginaux est le rectum d'où ces bactéries partent pour gagner, via le périnée, la cavité vaginale. En cas de contact répété avec les antiseptiques contenus dans certains produits d’hygiène intime, le réensemencement du vagin en lactobacilles ne s’effectue plus et le microbiote se déséquilibre. »
Ainsi, un geste des plus communs peut entraîner un déséquilibre de la flore vaginale s'il perturbe le réensemencement naturel du vagin en lactobacilles. « C’est le cas, lorsque la femme utilise des produits antiseptiques chimiques au quotidien pour la toilette intime. »
Pour apaiser les zones fragilisées, on pourra conseiller les formules hydratantes contenant de la bardane, de la glycine, du zea mays ou du lys. En revanche, Il faudra éviter les produits à base d'antiseptiques comme le triclocarban, l'hexamidine ou la povidone dans le cadre d'une hygiène journalière. Autre habitude délétère, les toilettes à répétition sont à déconseiller surtout si elles sont effectuées à l'eau – un élément déshydratant pour la peau et les muqueuses – et au savon classique (savon de Marseille, savon d'Alep…) ou au gel douche.
À noter que l’épilation des grandes lèvres est également un facteur perturbateur de l’équilibre local. « En dehors des risques infectieux liés au mode d’épilation (coupures, brûlures superficielles, folliculite…), on a pu démontrer que l’épilation fréquente (environ une fois par mois) augmentait le risque d’infections sexuellement transmissibles », ajoute le Dr Bohbot.
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