Depuis plusieurs décennies, déjà, les pharmacies ont opéré leur transformation numérique avec la télétransmission des commandes, le tiers payant et plus récemment le DP. Pour parvenir à ce degré de digitalisation, inédit parmi les professions de santé, les titulaires ont pu compter sur le soutien de leurs groupements. Des groupements qui, une nouvelle fois, face à l’avènement de l’IA, sont prêts à relever un nouveau défi : apporter des solutions pour rendre les données plus intelligentes, au service de l’exercice professionnel au quotidien.
« Des outils d'intelligence artificielle (IA) ont été intégrés à chacun des produits que nous avons développés en partenariat avec les groupements. Que ce soit dans les applis, les logiciels de pilotage de l'officine ou des services, à chaque fois des algorithmes ont été introduits. Ce ne sont pas seulement des arbres décisionnels mais des systèmes capables d'émettre des hypothèses en fonction de la réponse », décrit Olivier Verdure, directeur de la société Pharmonweb précisant que chacun de ces outils « clé en main » sont systématiquement adaptés à la stratégie du groupement.
Si certains groupements se situent aujourd’hui en amont de cette réflexion, d’autres sont déjà en phase d’hybridation avec leur réseau. « Il s’agit autant de soustraire au pharmacien les tâches répétitives auxquelles il est confronté tous les jours, que de lui fournir une aide à la décision », résume Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv. Le groupement adossé à l’OCP propose ainsi l’outil Link qui indique automatiquement au pharmacien les produits en rupture et à nouveau disponibles chez le fournisseur.
Car on l’aura compris, le back-office est aujourd’hui le domaine dans lequel le recours à l’IA est le plus abouti à l’officine. Rien d’étonnant à cela car les algorithmes trouvent naturellement leur utilité dans la fonction achat, permettant d’émettre des prédictions de ventes, des tendances marché, d’anticiper les commandes sur la saisonnalité et même sur certaines données épidémiologiques. Avec un autre avantage non négligeable : le système peut prévenir les ruptures de stocks. Car il s’agit avant tout de fluidifier le circuit du médicament. Giropharm l’a bien compris qui, grâce à sa position de mandataire au règlement, peut mettre à disposition du titulaire une photographie à un instant « t » de ses données sell-out « Nous pouvons ainsi l’informer de son stock et contribuer à l’optimisation du suivi de son référencement », expose Jean-Christophe Lauzeral, directeur opérationnel de Giropharm.
Sollicitée par les groupements, l’IA permet en effet aussi bien une analyse macro des données, à l’échelle d’une zone de chalandise ou d’un réseau, qu’une granularité plus fine de l’approche. « Nos outils d’optimisation de la performance permettent à nos pharmacies de connaître à chaque instant le panier moyen, le nombre de patients/clients/jour et de prévoir les ruptures à venir en fonction des stocks et de l’historique des ventes. Nous avons également la possibilité d’automatiser des commandes en fonction d’un coefficient de croissance prévisionnel », explique Laurent Toledano, président de Excel-Pharma.
Délégation de tâches
Les pharmaciens seraient-ils donc devenus des Monsieur Jourdain, utilisant l’IA à leur insu ? « S’ils trouvent naturel le fait que l’IA soit intégrée à leur smartphone, nos adhérents ont davantage de difficulté à la transposer dans leur exercice professionnel. C’est à nous de leur donner les clés pour réussir le management du changement. Nos pharmaciens attendent de nous des solutions techniques », indique Serge Carrier.
Il revient donc aux groupements de donner la preuve de la supériorité de l’IA sur de simples formules mathématiques bâties sur des statistiques. L’utilisation d’algorithmes de calcul va fournir aux ordinateurs des capacités d’apprentissage (machine learning). « Les algorithmes travaillent sur environ 12 000 produits, leur rôle est d’optimiser les achats du pharmacien et par là même sa marge. Les paramètres tiennent compte des conditions d’achat et de la rentabilité. Au besoin, des alternatives sont proposées au pharmacien », note Philippe Becht, délégué général de Giphar, précisant qu’en tout état de cause, le pharmacien conserve son libre arbitre.
Chez Pharmavance, l’intégration de l’IA s’est traduite « par un développement propre des fonctionnalités des LGO afin que la gestion automatisée des stocks suggère une proposition de commande de réapprovisionnement ». Un dispositif déjà opérationnel dans nombre d’autres groupements comme Pharmactiv où l’IA prédictive permet de réguler les stocks, Pharmodel où le logiciel LTO a permis une diminution de 19,3 % du stock en 12 mois, ou encore Pharmavie. Chez ce dernier groupement l’utilisation de l‘outil Mystat.fr permet de faire remonter les data (dont les stocks) de manière journalière. Les pharmaciens Giphar, quant à eux, utilisent l’outil « Je commande » qui leur propose les commandes en fonction de la typologie des produits, l’historique de vente de l’officine, les quantités disponibles dans les entrepôts du groupement en temps réel. Preuve de la pertinence du dispositif, environ 65 % de ces propositions de commande ne sont pas modifiées par les pharmaciens.
Les groupements sont unanimes, pour fonctionner ces systèmes apprenants doivent disposer via le LGO des data nécessaires pour élaborer les propositions de commande adaptées en permanence à chaque officine. Ainsi, le Groupe PHR a retenu en matière d’IA, des axes de développement essentiellement liés à l’analyse des data sell out. « Il s’agit de permettre à nos pharmacies de disposer de données afin d’optimiser leur référencement, le catégorie management, et donc d’optimiser leurs achats. Par ailleurs, nos adhérents bénéficient de solutions complémentaires à Link, pour optimiser la gestion du back-office et le management de leur équipe », expose Lucien Bennatan, président de Pharmacie Référence Groupe.
Ressources humaines et algorithmes
L’IA ne coupe cependant pas l’adhérent de son groupement. Nombre de réseaux ont mis en place un dispositif de chatbot qui permet à l’équipe officinale d’interagir en temps réel avec les centrales d’approvisionnement. C’est ainsi le cas de Pharmavie et son chatbot d’assistance à l’utilisation de la plateforme Mystat.fr. Car le recours à l’IA n’a pour autre mission que de soulager le pharmacien des tâches sans valeur ajoutée, répétitives ou administratives. Y compris dans la gestion des ressources humaines. Pharmacyal travaille ainsi avec une start-up dans la gestion automatisée des plannings. Hello Pharmacie a regroupé ses outils au sein d’un écosystème relié à son LGO. « La première brique de ce dispositif dont le lancement est prévu pour 2020, porte sur la formation des collaborateurs. Outre le suivi du plan de formation, cela facilitera les processus d’inscription et les démarches administratives (informations pré remplies, proposition automatisée de formations par collaborateur éligible…). Enfin, il pilotera et suivra la montée en compétences des collaborateurs », décrit Marc Mougenot, président d’Hello Pharma. well & well parvient également, grâce à l’intégration de l’IA dans son écosystème, à effectuer des reportings réguliers des équipes via le tableau de bord.
Côté recrutement, le logiciel « Pharmassessment » développé par Pharmodel doit permettre aux affiliés du groupement de réussir la sélection de leur candidat. Cet outil d’aide à la décision analyse sur la base d’un questionnaire de 104 items, le niveau d’adéquation entre le profil et les motivations du candidat, d’un côté et les attentes et besoins de la pharmacie, de l’autre. Pour sa part, Alliance Healthcare Répartition teste actuellement l’application dénommée « Pushtalents ». Elle sera prochainement déployée chez les pharmaciens Alphega pour faciliter le recrutement de nouveaux collaborateurs en encourageant les salariés en place à devenir - moyennant des cadeaux ! - chasseurs de têtes. Cette solution repose sur le constat que la cooptation améliore la performance du sourcing.
En fournissant des réponses adaptées à leurs adhérents en termes d’organisation du back-office et du management, les groupements recherchent à améliorer la performance économique afin de générer une nouvelle rentabilité. « Nous estimons que l’automatisation des taches de back-office pourrait permettre, grâce au temps pharmaceutique dégagé pour la délivrance et le conseil au comptoir, d’augmenter de manière non négligeable, la rentabilité de l’officine de l’ordre de 90 000 à 130 000 euros par préparateur et par an », estime Antony Hurault, directeur du groupement Aélia (CERP Bretagne-Atlantique). En effet, le produit étant le principal vecteur entre le back-office et l’espace de vente, l’IA est « l’un des leviers d’optimisation des flux de produits jusqu’aux patients », comme on le souligne chez Giphar. Dans cette logique, « l’IA associée à des bases de données produits enrichies à la connaissance des clients, sera aussi, pour les pharmaciens et les équipes officinales, un soutien à la dispensation de produits et de services », note le groupement.
Par conséquent, les processus de transposition de l’IA par les groupements à leurs adhérents ont pour effet d’obtenir un gain de temps qui sera investi dans le conseil au comptoir, et bien entendu, dans la prise en charge des patients dans le cadre des nouvelles missions.
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