EN 1986, les établissements de thalassothérapie sont encore avant tout des centres de rééducation en milieu marin. Bien que les propriétés de la mer et de ses produits soient reconnues depuis longtemps, ils arrivent à un tournant s’ils veulent renouveler l’intérêt de leur clientèle. La période est propice, elle voit naître de nombreux centres sur tout le littoral français, mis en place par des médecins ou des scientifiques, ce qui engendre la création de la Fédération internationale de thalassothérapie et celle de SIMER Laboratoires Science et Mer. « Après enquête auprès des directeurs de centre, je me suis rendu compte de tout ce qui restait à faire, j’ai lancé ma société, avec une bonne dose d’inconscience, afin de valoriser les algues du Nord Finistère sur le marché spécifique de la thalassothérapie », se souvient Christine Bodeau, fondatrice de la PME.
À cette époque, les centres font eux-mêmes leurs pâtes et cataplasmes d’algues. Science et Mer leur propose des produits prêts à l’emploi et sécurisés tout en offrant une valeur ajoutée aux algues locales. Le centre de thalassothérapie de Roscoff signe immédiatement. D’autres suivront rapidement, à tel point que, aujourd’hui, Science et Mer peut se targuer de fournir 85 % des centres français. « L’offre a immédiatement remporté un franc succès, nous avons dû fabriquer des centaines de milliers de cataplasmes dès nos débuts. Nous avons ensuite travaillé les pâtes et les enveloppements d’algues, que nous avons livrés par centaines de tonnes chaque année. »
Source d’abondance.
Le succès, rapide, surprend Christine Bodeau. L’ingénieur en biotechnologie et docteur en biochimie avait pour ambition de créer une petite structure. Mais la PME de trois personnes compte désormais une centaine de collaborateurs.
Naviguant sous des cieux cléments, son développement se poursuit en 1991 par son entrée dans l’univers de la cosmétologie. « Nous proposons alors aux centres de thalassothérapie des produits pour les soins en cabine et pour la revente, à leur nom. C’est toujours la base de l’une de nos activités. »
Les principes actifs tirés des algues utilisés en thalassothérapie ont la particularité de concentrer en grande quantité les oligo-éléments et les minéraux de la mer, tels que l’iode, le calcium, le phosphore, le potassium, le magnésium, le zinc, le fer, le fluor… Les algues sont aussi très riches en vitamines et acides aminés. Une véritable source d’abondance à mettre au service de la cosmétologie.
Chercheur avant tout, Christine Bodeau travaille d’arrache-pied pour lancer sa propre gamme. Elle dépose rapidement son premier brevet, qui n’aboutit pas. C’est en 2006 qu’elle peut enfin lancer la gamme Science et Mer, après dépôt de brevets en 2003. « Nous sommes allés plus loin en valorisant des molécules dites organiques, qui ont une activité sur l’épiderme. La première vague de lancement regroupe un ensemble de soins contenant tous l’isopeptinoside. Iso pour isotonique, puisqu’il contient de l’eau de mer, pepti pour peptides, obtenus par biotechnologie sur une algue spécifique, et oside pour osmolytes, des sucres qui protègent l’intérieur des cellules de l’algue contre la déshydratation, lorsque celle-ci se retrouve hors de l’eau pendant les marées. Ils permettent de réduire la perte insensible en eau et garantissent la meilleure hydratation possible. »
Main dans la main.
Une formulation unique à fort pouvoir hydratant qui a nécessité des contrats de recherche avec les facultés de pharmacie et de médecine de l’université de Bretagne Occidentale, au sein de laquelle Science et Mer a pu créer un laboratoire. « Ce partenariat, qui a pris différentes formes pendant une dizaine d’années, a permis à nos chercheurs de travailler main dans la main avec des universitaires », insiste la fondatrice, très favorable au travail en commun des chercheurs du privé et du public. En outre, l’aboutissement de ses travaux pour créer une gamme de produits unique l’amène à repenser le financement de la société. « Il y a cinq ans, j’ai décidé de me retirer de la direction de SIMER pour des raisons personnelles et d’unir mes forces à des associés majoritaires, notamment à Gérard Glémain, le fondateur du groupe du même nom et de l’enseigne de coiffure Saint-Algue, tout cela au moment même où nos brevets voyaient le jour. Il n’était pas possible de continuer à s’autofinancer car la politique de marque demande des investissements importants », ajoute Christine Bodeau.
En 2006, la gamme Science et Mer est lancée en pharmacie. « Étant donné les spécificités techniques et scientifiques de notre gamme, il est absolument nécessaire que le pharmacien joue un rôle de conseil. Actuellement, 900 pharmacies et 100 parapharmacies proposent nos références. Elles ont une vraie place dans leur rayon, la cosmétique marine est bien perçue en France. Chacun sait que la mer est à l’origine de la vie », sourit la fondatrice.
Les mentalités bougent.
La gamme Science et Mer est aussi présente à l’export, dans des pays comme la Russie ou le Benelux, même si la priorité à l’export concerne la gamme dédiée Algoane, qui a déferlé dans une douzaine de pays, en Europe, en Australie, en Corée, etc.
Bien que Christine Bodeau ait lâché le gouvernail il y a cinq ans, elle reste très occupée. Toujours administrateur de Science et Mer, elle se met à la disposition de la société en cas de besoin, par exemple pour communiquer sur l’histoire et le développement de SIMER. Elle anime avec d’autres confrères la commission Valorisation des ressources marines du Pôle Mer Bretagne. « Il s’agit d’un pôle de compétitivité à vocation mondial, axé sur la sécurité maritime et le développement durable, dans lequel il y a une commission Pêche et biotechnologies. Je travaille aussi avec le pôle de compétitivité agroalimentaire Valorial, à Rennes, ainsi qu’avec un réseau qui voit le jour, Cluster WEST (Well Eating Sustainable Territory - NDR) », explique le chercheur. Convaincue par la formule 1+1 = 3, elle encourage les regroupements d’entreprises, et, donc, de compétences et d’initiatives. « Quant au gouffre entre recherche publique et privée, il n’a que trop duré en France. J’ai eu la chance de terminer mes études au Canada, où l’alliance public-privé fonctionne depuis longtemps. Quand j’ai lancé Science et Mer il y a vingt-deux ans, j’ai été discréditée par mes pairs français qui ne comprenaient pas que je m’engage dans le privé en tant que chercheur. Heureusement, aujourd’hui les mentalités bougent. »
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