DANS LE LONG feuilleton médiatico-scientifique dont la mélatonine est la vedette, les scénaristes n’avaient pas prévu ce nouveau rebondissement : un récent arrêté vient en effet de classer la mélatonine sur la liste I des substances vénéneuses. Comment ce produit d’origine naturelle, apparemment inoffensif, a-t-il pu en arriver là ? C’est ce que nous avons voulu savoir. Pour comprendre l’enchaînement des événements et des décisions qui les ont suivies, il faut d’abord revenir sur la courte histoire de la petite hormone.
Voila une bonne dizaine d'années maintenant que la mélatonine parcourt le monde. Cette hormone, dite « chronobiotique », a la réputation de permettre aux voyageurs d'atténuer les effets du décalage horaire en resynchronisant leur horloge biologique. Vendue comme complément alimentaire aux États-Unis, elle est très prisée dans ce pays parcouru par sept fuseaux horaires. En France, la mélatonine suit un parcours atypique, qui connaît donc aujourd’hui de nouvelles évolutions. Pendant longtemps, la substance est disponible en officine sous la seule forme de préparation magistrale. Dans sa pharmacie du 8e arrondissement de Paris, Pierre Cabret affirme ainsi délivrer ces gélules de façon régulière. Et toujours sur présentation d'une ordonnance. « Cette délivrance ne se fait pas sans un suivi, ni sans explications sur le délai d'action et les adaptations de dose », souligne l'officinal. La substance est pourtant bien tolérée. On ne lui connaît pas d'effets indésirables graves. Les plus fréquemment observés (dans moins de 1 % des cas) sont assez classiques : de la nervosité, de l'insomnie, des vertiges, des douleurs abdominales ou encore de la constipation…
En contrepartie, la mélatonine améliore de façon significative la qualité du sommeil, selon des études jointes au dossier d'AMM de Circadin, médicament du laboratoire danois Lündbeck. La substance est commercialisée sous forme de comprimés à libération prolongée dosés à 2 mg. Elle est disponible dans les pharmacies françaises depuis l'été dernier. Avant ce premier lancement, aucun laboratoire n'avait tenté l’aventure. Pour la simple et bonne raison que le produit est déjà en vente libre dans certains pays et sur Internet. Et aussi parce qu'une substance naturelle ne pouvant être brevetée, il semblait peu rentable de s'aventurer dans une demande d'AMM longue et coûteuse. Désormais, les concurrents n'ont plus qu'à suivre les traces du pionnier et déposer un dossier plus « light », moins documenté.
Classement sur liste I.
Profitant de son avance, Lündbeck a d'ores et déjà demandé le remboursement de Circadin, dans le cadre de son indication, l'insomnie primaire du patient de plus de 55 ans. Mais, pour l’heure, la concurrence vient surtout de compléments alimentaires à base de mélatonine ou de précurseurs de cette molécule, comme le tryptophane (notamment avec Optinuit de Physcience). Début 2009, Arkopharma intègre ainsi Mélatonyl au sein d'une gamme axée sur le bien-être et l'antistress (qui comprend aussi Quietosan, Seroxyl et Ion Flux). Selon la chef de produits Céline Andruet, cette commercialisation - à bas bruit - obéit aux règles de la libre circulation des marchandises sur le marché européen, conformément au décret du 20 mars 2006 sur les compléments alimentaires. « Notre référence était déjà commercialisée en Italie, avec une prise quotidienne recommandée de 5 mg », justifie Céline Andruet. Suivant cette réglementation, le produit a été déclaré auprès de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Il a ensuite pu être commercialisé, faute de réponse de la part de la DGCCRF, dans les deux mois qui ont suivi le dépôt du dossier. Jacques Karlsson, secrétaire général du Synadiet (syndicat des fabricants de compléments alimentaires) se veut pourtant formel : les substances de nature hormonale ne peuvent pas entrer dans la constitution de compléments alimentaires. Enfin, dernier épisode de « l’aventure mélatonine », un arrêté publié au « Journal Officiel » du 7 avril vient de classer la substance sur la liste I des substances vénéneuses. Objectif de cette décision : harmoniser les conditions de délivrance des médicaments de l'insomnie. Et, du même coup, aligner la spécialité Circadin sur le statut des autres produits de la même classe.
Un arrêt de production.
Confronté à cette nouvelle disposition, qui coupe l'herbe sous le pied des industriels désireux d’exploiter la substance comme complément alimentaire, Arkopharma vient d’annoncer sa décision de stopper la production de sa mélatonine (Mélatonyl). Pour Philip Chapelle, directeur R & D du laboratoire, cette mesure est prise à titre conservatoire, c'est-à-dire en urgence et de façon provisoire, en attente du jugement sur le fond du dossier*.
L'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) devrait bientôt se prononcer. Responsable du département publicité et bon usage de l'agence, Marie-Laurence Gourlay indique en effet qu'une analyse de risque est en cours de finalisation sur le produit. Pour l’heure, elle s'interroge sur la coexistence sur le marché d'un médicament et d'un complément alimentaire contenant des « dosages superposables » de mélatonine. Quant aux Laboratoires Arkopharma, ils demandent à l'autorité sanitaire de s'expliquer. L’avis de l’agence avait été sollicité, il y a plus d'un an, au sujet de Mélatonyl, mais cette requête est jusqu’ici restée lettre morte.
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