Les investigations internationales de 59 médias et 250 journalistes dans 36 pays ont abouti aux fameux « Implant Files » dévoilés le 25 novembre dernier. Ce consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) a lancé l’enquête après avoir été alerté par une consœur néerlandaise dénonçant la facilité d’accès au marché d’un dispositif médical. Elle avait créé un dossier de toutes pièces détaillant un implant vaginal de type mesh destiné à traiter le prolapsus, en l’agrémentant de photos… d’un filet à mandarines. Le faux dossier avait été envoyé à un organisme notifié (ON) chargé d’évaluer la conformité des produits. Or, contrairement aux informations parues dans la presse, l’ON n’a jamais délivré de marquage CE puisque la démarche de la journaliste néerlandaise s’est interrompue bien avant que l’ON ne commence les vérifications de base permettant d’évaluer la recevabilité du dossier.
Aux yeux du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM), ce manque de précision laissant à penser qu’un marquage CE s’obtient facilement et sans aucun contrôle est une contre-vérité. Détaillant le long parcours d’un dispositif médical pour espérer décrocher le sésame pour sa commercialisation, la directrice des affaires technico-réglementaire du syndicat, Cécile Vaugelade est formelle. Si la journaliste avait voulu aller plus loin dans ce parcours, en le présentant à l’ON, elle aurait eu du mal à passer la première barrière de la recevabilité et en aucun cas n’aurait tenu 5 minutes lors du premier audit. Donc bien loin encore de l’étape du marquage CE.
Rétablir la confiance
D’autant que le contexte n’est pas à la facilitation de la tâche des industriels mais plutôt à l’augmentation des exigences réglementaires. Rappelant que tous les dispositifs médicaux commercialisés en France sont évalués et doivent obtenir le marquage CE, le SNITEM insiste sur le renforcement des conditions pour le décrocher ces dernières années, renforcement qui se poursuit avec l’application à partir de 2020 d’un nouveau règlement européen durcissant les exigences en termes de qualité et de sécurité, notamment concernant les essais cliniques.
Face aux lourdes accusations contenues dans les « Implant Files », le SNITEM n’a pas souhaité répondre immédiatement, dans un contexte trop « passionnel », mais il tient à rétablir la confiance des patients dans les dispositifs médicaux. Car les conséquences sont lourdes : des patients ont annulé des opérations chirurgicales, d’autres ont contacté leur médecin pour faire explanter un DM. Si les industriels reconnaissent qu’ils doivent s’améliorer en termes de transparence et d’informations aux patients, ils réfutent tout net l’idée selon laquelle tout leur secteur ne serait que fraude et/ou manque de sérieux. La complexité du parcours de tout DM pour arriver à la commercialisation est en soi un gage de motivation de la part de l’entreprise qui s’y engage. Et une fois le marquage CE obtenu, encore faut-il pouvoir le maintenir. Depuis le scandale des prothèses PIP qui a ébranlé le secteur, un audit inopiné systématique est devenu obligatoire et s’ajoute aux audits habituels de suivi ou mis en place en cas de modification majeure d’un DM (qui entraîne dans ce cas une obligation de réévaluation et de recertification CE). L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) peut, elle aussi, mener des inspections sur les sites du fabricant.
Extrapolations
Outre « l’énormité » du filet à mandarines, le SNITEM regrette aussi certaines extrapolations malvenues, comme celle affirmant que les DM ont fait 82 000 morts aux États-Unis en 10 ans, alors même que les registres dans lesquels les journalistes ont pu piocher ne font pas de corrélation entre le port ou l’utilisation d’un DM et les décès. « Il aurait fallu enquêter pour chaque décès en présence d’un DM pour pouvoir affirmer qu’il y a une corrélation, ce qui n’a pas été fait, relève Eric Le Roy, directeur général du SNITEM. C’était interpellant parce qu’en y regardant de plus près on a vu que 55 décès pouvaient être corrélés avec des appareils de mesure de la glycémie. On s’est demandé comment c’était possible de mourir en prenant une goutte de sang sur un doigt… » Choqué par la méthode, Eric Le Roy se pose des questions sur le degré d’investigation de toute l’enquête journalistique. « Les enquêtes sont utiles, il faut des journalistes d’investigation, mais il faut faire très attention à l’information qu’on donne au public. Le filet à mandarines a-t-il eu le marquage CE ? Non ! L’ANSM a-t-elle validé le produit d’Élise Lucet ? Non ! Faire le buzz dans le domaine de la santé revient à faire paniquer les patients. »
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