LE RAPPORT demandé, dès la fin du mois, à la Direction générale de la santé (DGS) et à l’Agence sanitaire de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) devrait permettre de recenser tous les dysfonctionnements survenus dans l’affaire des prothèses mammaires PIP. À l’issue de la deuxième réunion du comité de suivi, jeudi dernier, les recommandations restaient inchangées : les femmes porteuses de prothèses PIP doivent se voir proposer, de manière systématique, l’explantation préventive même sans signe clinique de détérioration de l’implant. Cette explantation est entièrement prise en charge par la Caisse nationale d’assurance-maladie, laquelle a porté plainte, fin décembre, pour « tromperie aggravée et escroquerie ».
Le Pr Dominique Maraninchi, à la tête de l’AFSSAPS, a affirmé qu’« aucun élément laisse penser qu’il y ait eu de bonnes prothèses PIP ». Le fondateur de la société PIP (Poly Implant Prothèse) a reconnu devant les enquêteurs avoir utilisé un gel de silicone frauduleux. « Je le savais que ce gel n’était pas homologué mais je l’ai sciemment fait car le gel PIP était moins cher », a expliqué Jean-Claude Mas, alors que plus de 2 400 plaintes de porteuses PIP ont été enregistrées au parquet de Marseille. La production de l’entreprise concernerait uniquement des prothèses mammaires mais « des investigations sont en cours », a précisé le Pr Maraninchi.
Législation européenne.
Le ministre de la Santé a indiqué vouloir un changement de la réglementation européenne « parce qu’à la différence des médicaments, où il y a une autorisation de mise sur le marché, il n’y en a pas aujourd’hui pour les dispositifs médicaux », a-t-il dit en soulignant que la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament du 29 décembre 2011 s’appliquera également aux dispositifs médicaux. La mise sur le marché des dispositifs médicaux (DM) est placée sous la responsabilité du fabricant qui les commercialise. À l’exception des DM de classe de risque la plus faible (classe 1), la démarche suivie par un fabricant pour démontrer la conformité de ses dispositifs est évaluée par un organisme notifié, choisi par le fabricant dans la liste des organismes désignés par les autorités compétentes de l’Union européenne. Dans le cas de PIP, c’est la société allemande Tüv Rheinland qui était responsable de surveiller sa production. Tüv Rheinland a d’ailleurs poursuivi PIP en février 2011, l’accusant de l’avoir trompée sur la composition de son gel. Selon les déclarations d’une ancienne salariée, une double base de données avait été établie au sein de la société PIP pour déjouer les contrôles de l’organisme certificateur.
L’innovation en péril.
Selon Frédéric Vincent, porte-parole de la Commission européenne en charge du dossier, Bruxelles travaille depuis plusieurs mois sur la révision de la directive de 2007 (2007-47) afin, notamment, de « renforcer la traçabilité et l’échange d’informations entre États » sur les DM. Les critères de désignation des organismes d’homologation devraient également être renforcés. Toutefois, pour le directeur général du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM), « on ne peut contrôler chaque dispositif unitairement à la sortie de l’usine ». « Nous ne sommes pas là dans un problème spécifique à la santé : si un individu ou une entreprise veut frauder, il fraude », ajoute Éric Le Roy. Le Pr Daniel Loisance, chirurgien cardiaque (Créteil), abonde : « dans tous les
systèmes, il y a la possibilité de tricher », confirme-t-il au « Quotidien ». Ayant rédigé, il y a six mois, un rapport sur « l’évaluation des nouveaux dispositifs médicaux implantables » pour l’Académie de médecine, il estime que « le compromis entre une rigueur excessive qui retarderait inutilement la mise sur le marché d’un dispositif et un laxisme coupable qui exposerait à de graves déconvenues semble avoir été, du moins pour l’instant, trouvé ».
Des experts honnêtes.
« Je persiste et signe », répète-t-il aujourd’hui en appelant à un plus grand sérieux dans l’utilisation du système. « De grandes variations sont observées dans la difficulté des études cliniques à réaliser avant l’autorisation de la mise sur le marché. Les industriels et les inventeurs le savent et ils savent choisir l’organisme notifié le plus expert dans la procédure et le pays où déposer le dossier », note le cardiologue qui redoute d’autres scandales. Face aux pressions politique et commerciale, il revendique un plus grand rôle des sociétés savantes et des experts. « Il faut donner moins d’importance au pouvoir administratif et ne pas disqualifier systématiquement les experts : on peut avoir des liens avec l’industrie et garder son honnêteté. C’est une affaire d’homme et du ressort de l’autorité compétente », poursuit-il. Le Pr Loisance réclame également plus de rigueur « dans la qualité de suivi des patients en général et des populations qui ont bénéficié de procédures nouvelles ».
L’AFSSAPS, dont le rôle se borne, pour les dispositifs médicaux, à la surveillance du marché et des incidents de matériovigilance, se défend de tout procès en négligence. L’agence rappelle que les premières anomalies concernant les prothèses PIP ont été observées cliniquement et déclarées en matériovigilance fin 2009. Les contrôles réalisés ultérieurement l’ont conduit, le 29 mars 2010, à la suspension des implants. Le groupement d’achats des centres de lutte contre le cancer fait valoir qu’il avait cessé l’exécution du marché avec la société PIP 15 jours avant. Contredisant l’AFSSAPS, le Dr Christian Marinetti, président d’une clinique de chirurgie à Marseille où sont posées de 600 à 800 prothèses mammaires par an, a affirmé avoir alerté l’agence dès 2008 d’un taux anormal de ruptures des prothèses PIP. « L’AFSSAPS a été prévenue dès les premières ruptures survenues à partir de fin 2007 par les déclarations que nous sommes obligés de faire pour tout dispositif défectueux, puis par mail courant 2008 », assure-t-il. Dans le même temps, la clinique a arrêté d’utiliser ces implants. Interrogée par « le Quotidien », L’AFSSAPS indique vouloir « mettre les choses à plat et avoir tous les éléments en main » avant de répondre à cette nouvelle attaque. On en saura sans doute plus à la fin du mois lors de la remise du rapport de la DGS.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %