LES PHARMACIENS doutent parfois des intentions du gouvernement à leur encontre. D’un côté, il insiste sur le rôle essentiel du conseil pharmaceutique, de l’autre il autorise le commerce à distance. Un jour il encourage des nouvelles missions du pharmacien dans le suivi des patients et la prévention ; le lendemain, il se dit favorable à la vente des tests de grossesse dans les supermarchés. Afin d’y voir un peu plus clair dans la politique officinale engagée par l’équipe de Jean-Marc Ayrault, « le Quotidien » a analysé ses récentes prises de position en la matière.
• Une réforme de la rémunération…
Marisol Touraine l’a répété à plusieurs reprises, « il n’est plus envisageable aujourd’hui que les pharmaciens continuent d’être rémunérés en fonction de la seule marge réalisée sur la vente des boîtes de médicaments ». Pour elle, le dispositif doit évoluer vers la mise en œuvre d’un honoraire de dispensation. « Votre rôle dans la qualité des soins de proximité est majeur et mérite d’être réaffirmé », explique-t-elle. La ministre de la Santé souhaite en revanche revoir les revenus provenant des génériques. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, qu’elle vient de présenter, prévoit ainsi d’accroître la transparence sur les remises obtenues par les pharmaciens afin de faire évoluer les tarifs des médicaments génériques sur des bases plus proches des prix réellement pratiqués par les laboratoires.
• Un rôle encore élargi…
Nouvelle rémunération, mais aussi nouvelles missions. Marisol Touraine a la volonté de soutenir les orientations professionnelles prévues par la convention pharmaceutique signée en avril 2012. En paraphant l’arrêté d’approbation de l’avenant n° 1 à la convention, la ministre a ainsi donné officiellement en juin dernier le coup d’envoi à l’accompagnement des patients sous AVK. Elle pense également que les officinaux ont un rôle à jouer dans le suivi des patients asthmatiques, comme elle l’a rappelé lors du Congrès des pharmaciens à Lille, l’an passé. Elle leur verrait bien aussi assurer des missions de dépistage. Un arrêté publié en juin offre la possibilité aux officinaux de réaliser, sous certaines conditions et dans un espace de confidentialité, trois types de tests : glycémie, angine à streptocoque A et grippe (« le Quotidien » du 16 septembre). Lors du dernier salon Pharmagora, la ministre a également annoncé son souhait de rendre les autotests de dépistage du VIH disponibles dans les officines. Ce qui rend surprenant son soutien à la vente des tests de grossesse et d’ovulation hors des pharmacies, dont l’autorisation a été votée par le Sénat.
• Un maintien du monopole sur les médicaments…
Dans le cadre de l’examen du projet de loi Consommation, le gouvernement a, en effet, créé la surprise en soutenant un amendement autorisant la vente des tests de grossesse et d’ovulation en grande surface. Une brèche dans le monopole qui, assurent différents ministres, ne remet pas en cause celui sur les médicaments. Le ministre de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation, Benoît Hamon, affirme ainsi que le conseil prodigué par les pharmaciens est essentiel. Tout comme Marisol Touraine, pour qui l’hypothèse d’une commercialisation de spécialités en grande surface n’est pas envisagée, en réponse à un récent rapport de l’Autorité de la concurrence (« le Quotidien » du 15 juillet).
• Une vente à distance ou une dispensation à l’unité…
Les deux mesures paraissent quelque peu contradictoires. En effet, la vente de médicaments sur Internet, même de façon encadrée, apparaît comme une disposition favorisant la consommation de spécialités pharmaceutiques. Totalement à l’opposée de la dispensation à l’unité de médicaments envisagée par Marisol Touraine dans le cadre du PLFSS pour 2014 (« le Quotidien » du 30 septembre). Si, d’un côté, le conseil officinal semble secondaire, de l’autre, le métier du pharmacien sort renforcé. Marisol Touraine, elle, l’assure à chacune de ses déclarations à la profession : elle veut « réaffirmer le rôle central des pharmacies dans le conseil auprès des patients ».
• Une place dans la coordination des soins…
Les officinaux ont toute leur place dans la « stratégie nationale de santé » présentée par le gouvernement (« le Quotidien » du 26 septembre). Pour Marisol Touraine, cette réforme du système de santé repose notamment sur une meilleure organisation des soins. Dans ce cadre, explique-t-elle, l’ensemble des acteurs des soins de proximité, médecins, paramédicaux, mais aussi pharmaciens, doivent faire partie de ces équipes pluriprofessionnelles, qui travailleront ensemble autour du médecin traitant.
• Une préservation du maillage…
Marisol Touraine paraît attachée à la proximité des pharmacies avec les Français. Pour pallier l’absence de prescripteurs dans certaines zones, et ses conséquences sur le réseau officinal, la ministre a mis en place de nouvelles mesures incitatives pour l’installation des jeunes médecins. Elle se dit également, et c’est plus flou, favorable à « la définition d’objectifs partagés d’évolution du réseau officinal, qui devra faire l’objet d’une négociation avec l’assurance-maladie ». Faut-il y voir un lien entre l’évolution de la rémunération et le nombre d’officines ? Autrement dit, le gouvernement vise-t-il la formation d’un réseau moins dense de pharmacies mieux rémunérées ? Réponse dans les prochains mois. Quoi qu’il en soit, rappelons que l’on doit au gouvernement de Jean-Marc Ayrault la parution, après plus de dix ans d’attente, du fameux décret sur les conditions d’exploitation d’une officine par une SEL et relatif aux holdings de pharmaciens (SPFPL). Un décret qui, via ces holdings, permet de faciliter les acquisitions et l’intégration d’un nouvel associé dans des officines exploitées en SEL. Une façon de maintenir un réseau dynamique.
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