Une nouvelle stratégie pour le selfcare

Un parcours pharmaceutique, sous le contrôle du pharmacien

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Publié le 07/02/2019
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Pour la première fois, le marché du selfcare est en recul sur l’exercice 2018. Dispositifs médicaux et compléments alimentaires n’ont pas pu compenser la deuxième année de baisse du marché de l’automédication. Loin de baisser les bras, les industriels révèlent une nouvelle approche stratégique où le pharmacien occupe une place centrale.
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Crédit photo : phanie

Après une chute de 5,3 % en valeur en 2017, le marché de l’automédication ne parvient pas à redresser la barre en 2018 et affiche un recul de 4,6 %, à 2,1 milliards d’euros. Les médicaments non remboursables sont les plus touchés (- 5,3 %) mais les remboursables ne sont pas épargnés (- 2 %). Tous les segments, à l’exception de la dermatologie, sont impactés. Celui des voies respiratoires perd 44 millions d’euros (- 9,1 %) quand l’antalgie recule de 31 millions d’euros (- 6,6 %). Certaines marques ont pourtant apporté une contribution importante – Doliprane (+4,7 millions d’euros), Onctose (+ 3,1 millions), Décontractyl (+ 3 millions), Nurofenflash (+ 2,7 millions) – mais insuffisante face à une perte globale du marché d’automédication de 102,3 millions d’euros. Le top 3 des médicaments non remboursables change peu. Doliprane prend la place de leader devant son challenger Oscillococcinum, Humex reste à la 3e place du podium. Les marchés des compléments alimentaires (+ 8,4 %) et des dispositifs médicaux (+ 2,9 %), de taille plus modeste, n’ont cette fois pas pu compenser ces pertes, entraînant pour la première fois en cinq ans une perte du marché global du selfcare de 0,3 % à 3,87 milliards d’euros.

Pour Franck Leyze, le président de l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA), les causes de ces résultats médiocres sont multiples. Les freins culturels, politiques et organisationnels français face à l’automédication s’ajoutent à des inquiétudes liées aux mésusages et aux effets indésirables des médicaments. En outre, remarque-t-il, « la fragmentation du parc officinal et le développement de grosses officines » génèrent « une concentration de marché » et bousculent « le modèle établi ». Le 17e Baromètre AFIPA 2018 des produits du selfcare* note que le parc officinal est 3 % moins étoffé en 2018 qu’en 2014, que les pharmacies dont le chiffre d’affaires dépassent les 3 millions d’euros ont augmenté leur effectif de 39 % quand celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 million d’euros sont 11 % de moins qu’en 2014. L’AFIPA n’oublie pas de mentionner « le relistage de certains médicaments comme la codéine et le dextrométhorphane, la baisse structurelle du trafic en officine - accélérée en décembre par la conjoncture sociale - et le décalage de l’épisode grippal en début d’année, plus long mais moins intense ».

Des opportunités à saisir

Pas question néanmoins de baisser les bras. Les industriels entrevoient « plusieurs signaux positifs » tels que l’évolution du comportement des Français, de plus en plus acteurs de leur santé, réclamant « accessibilité et proximité ». Face au vieillissement de la population et l'augmentation des pathologies chroniques d'une part, et face à la démographie médicale « en baisse depuis plusieurs années » d'autre part, ils voient les opportunités d’une réorganisation de l’offre de soins avec « le rôle de plus en plus prégnant du pharmacien d’officine dans l’accompagnement des patients », organisation dans laquelle l’automédication est « une réponse parfaitement pertinente ». À cela s'ajoutent « les initiatives récentes prises par le gouvernement : Ma Santé 2022 et la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 qui renforcent le rôle de conseil et d'accompagnement de nos partenaires pharmaciens », remarque Franck Leyze.

Ces évolutions structurelles sont autant d’opportunités que l’AFIPA compte bien saisir. Pour « assurer une information claire, précise, factuelle sur les produits et répondre aux questions et aux attentes des autorités, des professionnels de santé et du grand public », l'association souhaite l’établissement de bonnes pratiques comprenant « une méthodologie spécifique de détection du mésusage et l’amélioration du suivi de certaines molécules sensibles ». Elle propose de « co-construire un modèle de parcours pharmaceutique » alliant conseil et accompagnement renforcé du patient. L’AFIPA imagine ainsi un parcours spécifique (arbres décisionnels, inscription systématique au dossier pharmaceutique) permettant « de lever les interrogations et les craintes liées à l’utilisation des certains produits d’automédication nécessitant une information et un accompagnement plus poussés ». Un tel parcours lui permet d’envisager « une réflexion plus large sur certaines pathologies et molécules pour lesquelles le recours à une prescription médicale systématique ne semble pas indispensable ». Et Franck Leyze de citer le cas de la cystite récidivante, que le patient connaît parfaitement mais pour laquelle il doit actuellement obtenir un rendez-vous médical et une prescription pour bénéficier de son traitement. Une façon de se déclarer favorable à la prescription pharmaceutique protocolisée malgré ses déboires devant les députés.

L’AFIPA compte enfin mener des opérations de communication, d’une part sur le bon usage des produits d'automédication, et d’autre part sur l’efficacité, l’intérêt thérapeutique et les bénéfices sociétaux de l’automédication. Et rappeler que « l’obtention du remboursement ne constitue pas le seul déterminant de la valeur du médicament ». En outre, l'AFIPA réunira « toutes les parties prenantes » le 14 mars prochain lors de ses premières universités de l'automédication.

* Enquête OpenHealth Company, dont le panel exploite 100 % des données de ventes de 10 966 officines de métropole hors Corse.

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3493