« Sur les années 2014, 2015 et 2016, la France est le seul pays européen à connaître une récession du marché du médicament, suite aux mesures des derniers projets de loi de financement de la Sécu. Il ne faudra pas s’étonner si le secteur se contracte en emploi comme en investissement ». Alors que le PLFSS 2016 soumet à nouveau le médicament à très forte contribution (environ 1,7 milliard d’euros réclamés toutes mesures confondues), Marc de Garidel, patron du G5 Santé, a tiré le signal d’alarme.
Regroupant les huit principales entreprises françaises du médicament, du diagnostic in vitro et des dispositifs médicaux, le G5 dénonce cette approche budgétaire alors même que l’État et les laboratoires sont censés rechercher des voies conventionnelles pérennes pour financer l’innovation thérapeutique. « Pour la 4e année consécutive, le gouvernement fait peser sur le médicament l’essentiel des mesures de régulation de l’assurance-maladie », se désole le LEEM.
Le syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique sort sa calculette : 1,7 milliard d’euros d’économies dans le PLFSS 2016, 1,35 milliard en 2015, 1,28 en 2014 et 1,12 milliard en 2013. En tout quelque 5,45 milliards d’euros auront été réclamés aux laboratoires en quatre ans, principalement au titre des baisses de prix. « En pure perte », affirme le LEEM qui fait valoir que plus la contribution du médicament aux efforts de redressement est importante plus le déficit de l’assurance-maladie se creuse (graphique).
Du garde-fou à la taxe
Clauses de sauvegarde sur le chiffre d’affaires, mécanismes ciblés de reversement, contrats de performance : l’État joue désormais sur tous les tableaux. Dans le PLFSS, le « taux L », c’est-à-dire le seuil de progression du chiffre d’affaires, net des remises, de l’ensemble des laboratoires pharmaceutiques entre 2015 et 2016, au-delà duquel ces derniers sont redevables de la clause de sauvegarde, est négatif pour la 2e année consécutive, à -1 %. Ce dispositif, conjugué aux baisses de prix, devrait entraîner comme en 2015 une régression du chiffre d’affaires du secteur que le LEEM situe à 2 %. « Avant, le taux L était un garde-fou en cas d’envolée des dépenses, analyse l’économiste de la santé Claude Le Pen. Aujourd’hui, avec un taux négatif, ce n’est plus une digue anti-débordement, c’est une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires ».
Le directeur général du LEEM, Philippe Lamoureux, stigmatise un « mécanisme purement comptable mis en place dans un but politique : la stabilité de l’enveloppe de remboursement ».
Le financement de l’innovation en question
Autre taux, autre fâcherie : le PLFSS reconduit au même niveau le mécanisme de contribution provisoire (montant W) mis en place l’an passé en urgence par Bercy pour contrer l’explosion du coût des traitements innovants de l’hépatite C (au-delà d’un seuil de chiffre d’affaires, les fabricants concernés doivent reverser une partie du trop-perçu). Pour 2014, ce mécanisme censé être provisoire (jusqu’à 2016) a rapporté environ 76 millions d’euros. « Le principe même d’un taux W appliqué aux innovations de rupture est totalement inacceptable, relève Philippe Lamoureux. Alors que l’innovation est de retour, le gouvernement met en place un carcan par le mécanisme le plus aveugle et le plus brutal qui soit ».
Les industriels voient d’un meilleur œil les nouveaux contrats de performance que le comité économique des produits de santé (CEPS, qui fixe les prix) commence à signer avec les fabricants de molécules très coûteuses. Ces contrats d’un nouveau genre prévoient le remboursement d’une partie du coût du traitement (remise) au cas où il ne fonctionnerait pas sur un patient. Problème, les notions de succès ou d’échec d’un traitement ne sont pas si simples à évaluer.
Pour gagner en visibilité, le LEEM a mis sur la table des pistes d’économies. Il regrette par exemple que le gouvernement « néglige la formidable opportunité que présente le développement de l’automédication responsable ». Il fait également valoir que le progrès thérapeutique redistribue les cartes « en générant des gains d’efficience considérables », mais à long terme. Pour y voir plus clair, Patrick Errard, patron du LEEM, milite depuis des années pour un PLFSS quinquennal.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %