L’innovation thérapeutique est de retour… alors que les contraintes budgétaires n’ont jamais été aussi fortes. Pour la première fois, en décembre dernier, le président du Comité économique des produits de santé (CEPS), Dominique Giorgi, a exprimé ses craintes de ne pas parvenir à un accord concernant trois médicaments innovants pour lesquels les discussions sont en cours. Une déclaration qui fait écho à l’arrivée des traitements de l’hépatite C de l’américain Gilead. D’âpres négociations ont permis de baisser le prix de 30 %, soit le tarif le moins élevé d’Europe.
Industriels et autorités de santé sont d’accord sur un point : il faut revoir totalement les modalités de financement de l’innovation. Comme le rappelle Francis Mégerlin, maître de conférences en droit et en économie de la santé à Paris-Descartes, à l’ESSEC et à Sciences Po, et organisateur du Xe Séminaire franco-américain d’économie de la santé des universités Descartes et Berkeley, « les prix publiés sont des signaux envoyés au marché mais ne sont jamais réellement pratiqués, le prix facial est une base de négociation sur le marché international ».
Pour Sovaldi en France, au-delà de la négociation à 41 000 euros le traitement de trois mois, Gilead a accepté d’autres contraintes comme des réductions supplémentaires liées aux volumes de ventes prévisionnels et un contrat de performance qui oblige au versement de remises en cas d’échec du traitement. Car le CEPS dispose de différents outils pour limiter les dépenses de médicaments, notamment pour « créer de l’espace de financement » dans un budget contraint : baisse de prix, maîtrise des volumes et des prescriptions, gestion de la liste des produits remboursables, variation des taux de remboursement, politique des génériques et biosimilaires. Le CEPS utilise aussi des outils a posteriori pour maintenir les dépenses comme « l’enveloppe capée avec une restitution au moins partielle en cas de dépassement ».
Gains d’efficience
Reste à disposer d’instruments de tarification et de financement adaptés. « Il y a des exagérations réelles des industriels et une incompréhension qui a pu s’instaurer au moment de la négociation des produits de l’hépatite C, indique Dominique Giorgi. J’en appelle à la vigilance des vendeurs car il ne faut pas que leurs prétentions, aussi bien faciales que nettes, rendent l’exercice de conciliation impossible. »
L’arsenal actuel du CEPS pour financer l’innovation repose notamment sur des remises selon divers critères, le plus fréquent étant le volume des ventes, qui a permis de procurer à l’assurance-maladie des « rabais nets de l’ordre de 500 millions d’euros » en 2014 et en 2015. Pour d’autres médicaments, le CEPS les met en concurrence avec des produits comparables.
Il utilise également les contrats de performance. « Le CEPS en conclut depuis 2006, ces contrats se comptent sur les doigts d’une main chaque année. » Autre dispositif expérimenté, « la démonstration du rapport efficacité/tolérance dans la vie courante ». Ce sont les AMM européennes conditionnelles ou les ATU (autorisation temporaire d’utilisation) françaises qui permettent aux patients de bénéficier en amont de certains produits dont le rapport bénéfice-risque n’a pas été complètement démontré mais dont le potentiel est important.
D’autres pistes de financement de l’innovation doivent être explorées, comme le paiement par épisode de soins pratiqué aux États-Unis (financement de biens, de services et d’actes dans un forfait) ou la concertation à plusieurs États pour avoir une plus grande force de négociation. Une autre piste a été formulée par les industriels eux-mêmes : mettre en place des enveloppes pluriannuelles. « C’est l’idée qu’un produit peut être très coûteux dans un premier temps et rapporter des gains d’efficience dans un deuxième temps. »
Ainsi les très chers produits de Gilead dans l’hépatite C devraient permettre d’éviter des coûts grâce à la baisse des greffes, des hospitalisations, voire grâce à l’éradication de la maladie. Avec cette enveloppe pluriannuelle, l’industriel accepterait une remise plus importante mais pourrait ensuite avoir une restitution par les économies engendrées grâce à son traitement. « Un système séduisant sur le plan conceptuel », note Dominique Giorgi, mais qui doit encore être « exploré sur le plan pratique ».
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